Fiche d'arrêt
Les faits
En l'espèce, le maire d'Hendaye, Monsieur Camino, a été suspendu par arrêté préfectoral, puis révoqué pour faute par le préfet pour ne pas avoir fait respecter la décence d'un convoi funèbre auquel il assistait, pour avoir exprimé son mépris à l'égard du défunt en n'ayant pas fait creuser une fosse suffisamment profonde pour accueillir son cercueil, enfin, pour avoir exercé des vexations à l'égard d'une ambulance privée.
Prétentions soulevées par le requérant
Conformément aux dispositions de la loi du 8 juillet 1908 relative à la procédure de suspension et de révocation des maires. Monsieur Camino a ainsi formé un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté préfectoral qui l'a suspendu et contre le décret de révocation.
Question juridique
La question de droit posée ici était de savoir si, dans le cas d'un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d'État a la possibilité de contrôler l'exactitude des faits à la base de la sanction, autrement dit, s'il peut vérifier l'exactitude matérielle des faits.
Solution apportée par le juge
Dans sa décision, le Conseil d'État répond par l'affirmative et a conclu qu'un acte administratif ne peut se fonder sur un motif matériellement inexact. En effet, après avoir appliqué la jurisprudence Gomel qui donne au Conseil d'État la possibilité de vérifier la matérialité des faits ayant motivé la mesure litigieuse, celui-ci a constaté que les motifs n'ont pas été prouvés et qu'il s'agissait par conséquent d'une erreur d'appréciation de l'administration. Plus précisément, il a considéré que le premier grief était matériellement inexact et que le second grief reposait sur des faits ne constituant pas une faute disciplinaire. La haute juridiction a ainsi annulé la suspension et la révocation.
Apport de l'arrêt
L'arrêt Camino fait suite à une décision rendue par Conseil d'État le 4 avril 1914, l'arrêt Gomel : en effet, dans cet arrêt, le Conseil d'État reconnaissait qu'il pouvait procéder à la qualification juridique des faits. L'arrêt Camino poursuit le travail de l'arrêt Gomel et va même plus loin, puisqu'en plus de la qualification des faits, le Conseil d'État a désormais la possibilité de contrôler l'exactitude matérielle des faits. L'arrêt Camino étend ainsi de manière significative le contrôle du juge sur les actes de l'administration avec le contrôle de la matérialité des faits.
Introduction et plan détaillé du commentaire d'arrêt
La jurisprudence du Conseil d'État n'a cessé d'étendre le contrôle de légalité des actes administratifs. Le champ des griefs pouvant être invoqués est ainsi devenu de plus en plus important, parmi lesquels le motif matériellement inexact qui fait l'objet du présent arrêt.
En l'espèce, le maire d'Hendaye, Monsieur Camino, a fait l'objet d'une suspension par arrêté préfectoral du 30 mars 1915, puis d'une révocation par décret du 24 avril 1915. Les motifs invoqués étaient les suivants : il lui était reproché de ne pas avoir veillé à la décence d'un convoi funèbre auquel il assistait, en faisant passer le cercueil par une percée dans le mur d'enceinte du cimetière ; il lui est également fait grief d'avoir creusé une fosse d'une profondeur insuffisante pour accueillir le cercueil du défunt, afin de marquer son mépris à l'égard de ce dernier ; enfin, il a également été accusé d'avoir exercé des vexations à l'encontre d'une ambulance privée.
Le maire d'Henday a alors formé devant le Conseil d'État un recours pour excès de pouvoir pour faire annuler l'arrêté et le décret.
Par un arrêt du 14 janvier 2016, la haute juridiction a fait droit à la requête du maire sur la base de deux motifs : il a considéré que le premier grief était fondé sur des faits matériellement inexacts et il a estimé que le second reposait sur des faits qui n'étaient pas entièrement établis et ne constituaient pas une faute disciplinaire. Il a donc prononcé l'annulation des deux actes administratifs.
Par cet arrêt, la haute juridiction a ainsi appliqué la jurisprudence Gomel qui permet au juge de vérifier la qualification juridique des faits sur lesquels reposent les sanctions. Mais elle est allée plus loin en vérifiant l'exactitude matérielle des faits, autrement dit, si le comportement imputé au maire d'Hendaye constituait une faute.
La question soulevée est donc de savoir s'il est du ressort du juge administratif de vérifier l'exactitude des faits à l'origine de la sanction.
Pour bien comprendre la portée de l'arrêt, il s'agit d'une part, d'étudier le raisonnement du Conseil d'État selon lequel les deux actes litigieux étaient fondés sur des faits inexacts (I) ; d'autre part, de se pencher sur l'évolution du champ d'action du juge administratif en matière de contrôle de légalité des actes administratifs (II).
I. Des décisions administratives fondées sur des faits inexacts
A. L'erreur de fait comme motif d'annulation des deux actes administratifs
B. L'absence de faute disciplinaire des faits reprochés
II. L'extension du champ d'action du juge administratif en matière de contrôle de légalité des actes administratifs
A. Le contrôle de la validité de la qualification juridique des faits
B. Le contrôle de l'exactitude matérielle des faits
Sources :
- Conseil d'État, du 14 janvier 1916, 59619 59679, publié au recueil Lebon (Légifrance)
- Conseil d'État, 4 avril 1914, Gomel (site du Conseil d'État)