Le principe d'une « loi de validation » est relativement simple, mais pose de nombreux problèmes juridiques en termes de respects des droits fondamentaux et de séparation des pouvoirs. En France, les actes administratifs, qu'il s'agisse d'actes réglementaires, mais également de contrats, sont contrôlés par le juge administratif. En cas d'illégalité, qu'il s'agisse de la forme de l'acte ou de son contenu, ce dernier peut les annuler, c'est-à-dire les faire sortir de l'ordonnancement juridique ab initio en considérant qu'ils n'ont jamais été adoptés. Dans ce cas, toutes les conséquences de l'acte doivent être annulées, ce qui peut entraîner des illégalités en cascade.

Si l'illégalité est formelle, il est possible de sauver l'acte en édictant à nouveau un acte identique, mais en suivant la bonne procédure. C'est en revanche impossible si l'illégalité concerne le fond de l'acte juridique en cause. Pour remédier aux effets parfois dévastateurs pour l'État de telles annulations, il arrive que le législateur adopte, souvent en urgence, une « loi de validation ». Il s'agit d'une loi dont l'objet est de valider, rétroactivement, la validité de l'acte administratif annulé. Les juridictions administratives sont alors contraintes de faire comme si l'acte n'avait pas été annulé.

Si la pratique des lois de validation était aisée avant le développement des contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité, le développement de la protection des droits fondamentaux a pu questionner cette pratique. En effet, les lois de validation mettent à mal le principe de sécurité juridique et le principe de séparation des pouvoirs, puisque le législateur vient remettre en cause les effets d'une décision de justice.

Le Conseil constitutionnel a alors été saisi de l'une de ces lois de validation dans le cadre de son contrôle a priori en 1980. La loi considérée visait non pas à sauver l'acte administratif annulé, mais les décrets et autres actes réglementaires et non réglementaires pris sur le fondement de l'acte annulé.

Les parlementaires requérants considéraient cette validation comme contraire au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, que le Conseil constitutionnel déduit de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, mais aussi le principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) concernant l'indépendance de la juridiction administrative. La séparation entre les domaines de la loi et du règlement serait aussi remise en cause, le législateur intervenant pour valider des actes du domaine réglementaire.

Le Conseil constitutionnel est donc confronté à la question de la constitutionnalité des lois de validation, spécifiquement par rapport aux droits fondamentaux garantis par la Constitution.

Dans cette décision de 1980, le Conseil constitutionnel considère que malgré le principe de séparation des pouvoirs et le PFRLR d'indépendance des juridictions administratives ne s'opposent pas à la rétroactivité d'une loi modifiant les règles que le juge a à appliquer, en dehors de la matière pénale. Partant, les lois de validation sont conformes à la Constitution.

Pour le Conseil constitutionnel de 1980, les lois de validation sont conformes à la Constitution tant qu'elles n'interviennent pas en matière pénale (I). Si la jurisprudence du Conseil sur ces questions s'est maintenue, il faut néanmoins voir une évolution récente, sous l'impulsion de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (II).


I. La constitutionnalité des lois de validation rétroactives au regard de la séparation des pouvoirs

Pour le Conseil constitutionnel, les lois de validation ne violent ni les principes constitutionnels (A) ni la séparation entre le domaine de la loi et du règlement (B).


A – L'absence de violation des principes constitutionnels par les lois de validation

Commentaire des Considérants 6 et 7. Rappel du principe de séparation des pouvoirs et de ce qu'est un PFRLR, ainsi que de la portée du PFRLR spécifique de l'indépendance du juge administratif. Précision que la rétroactivité n'est constitutionnelle qu'en dehors de la matière pénale.


B – Le respect de la séparation entre les domaines de la loi et du règlement

Commentaire des considérants 8 et 9. Rappel du principe de la séparation des domaines de la loi et du règlement, et de la jurisprudence souple du Conseil en la matière (Conseil constitutionnel, Loi d'orientation agricole, 1962). En l'espèce, le Conseil considère que l'article 34 de la Constitution permettait l'intervention du législateur.


II. La précision ultérieure du « motif impérieux d'intérêt général » sous l'impulsion de la Cour européenne des droits de l'homme

La jurisprudence du Conseil constitutionnel, maintenue, a conduit à de multiples condamnations de la France devant la CEDH (A). Le Conseil a donc modifié sa jurisprudence afin d'éviter de telles condamnations (B).


A – La condamnation par la France de la CEDH ou la remise en cause de la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Commentaire du principe même de la validation législative. LA CEDH, dans la décision Zielinski, Pradal et autre de 1999, a condamné la France pour violation du droit à un procès équitable en raison des validations. Pour la CEDH, il faut justifier d'un « motif impérieux d'intérêt général », ce que ne fait pas le Conseil constitutionnel. Condamnation à nouveau, CEDH, Lilly c. France, 2010.


B – L'évolution jurisprudentielle du Conseil constitutionnel vers la nécessité d'un « motif impérieux d'intérêt général »

Commentaire de la décision de 1980 en illustrant l'évolution. Décision n 2013-366 QPC de 2014. Dans cette décision, au considérant 6, le Conseil constitutionnel adopte la terminologie de la CEDH.

Changement de la terminologie, et changement marginal de l'appréciation de l'impérieux motif d'intérêt général. La jurisprudence de 1980 est maintenue, mais affinée.


Sources :

- L. Favoreu (dir.), Droit constitutionnel, 22e éd., Dalloz, 2020.
- L. Favoreu, « Note sous décision n° 80-119 DC », RDP, 1980.
- L. Favoreu, L. Philip (dir.), « Validation d'actes administratifs », Les grandes décisions du Conseil constitutionnel. Dalloz, 1984.
- J. Roux, « La jurisprudence du Conseil constitutionnel - mise en perspective avec la CEDH - sur les validations législatives et les autres lois rétroactives », Titre VII, 2020, n 5.