- Les faits de l'espèce
- La procédure
- La problématique
- La solution de la Cour de cassation
- La portée de l'arrêt
Les faits de l'espèce
Pierre Bordas et son fils ont créé une société à responsabilité limitée en 1946 à laquelle ils ont donné, par acte sous seing privée, la dénomination « d'éditions Bordas ». Ils ont ainsi inclus, dans la dénomination de la société, leur nom patronymique.
Durant la vie de la société, celle-ci a changé de forme sociale (elle s'est transformée en société anonyme) et monsieur Bordas en est devenu un actionnaire minoritaire. À la suite d'une opposition entre monsieur Bordas et les autres actionnaires (qui étaient majoritaires), celui-ci a décidé de faire interdire l'usage de son nom de famille par cette société et a, pour se faire, saisit les juges.
La procédure
Les juges du fond, malgré la constatation que monsieur Bordas et son fils avaient librement décidé d'attribuer leur nom patronymique comme nom commercial à la société à responsabilité limitée qu'ils avaient créé, ont considéré qu'il n'existait aucune convention sur l'usage du nom « Bordas » par cette société ou sur l'inclusion de ce nom dans la dénomination sociale et donc, par conséquent, qu'il s'agissait d'une simple tolérance consentie par monsieur Bordas à laquelle il pouvait mettre fin à tout instant, et ce, sans commettre d'abus dès lors qu'il justifiait de « justes motifs ».
Les juges du fond ont donc accueilli la demande de monsieur Bordas et considéré que la société anonyme ne pouvait plus utiliser le nom « Bordas » comme dénomination.
La problématique
Le principe de l'inaliénabilité et de l'imprescriptibilité du nom patronymique fait-il obstacle à son utilisation comme dénomination sociale ou nom commercial ?
La solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation répond à cette question par la négative. En effet, elle considère que « le principe de l'inaliénabilité et de l'imprescriptibilité du nom patronymique, qui empêche son titulaire d'en disposer librement pour identifier au même titre une autre personne physique, ne s'oppose pas à la conclusion d'un accord portant sur l'utilisation de ce nom comme dénomination sociale ou nom commercial ».
Par conséquent, puisque le nom « Bordas » avait, en réalité, fait l'objet d'une insertion en 1946 dans les statuts de la société qui ont été signés par monsieur Bordas lui-même, celui-ci s'était détaché de la personne physique qui le porte pour devenir un signe distinctif de la personne morale ainsi créée. Le nom « Bordas » étant ainsi devenu un « objet de propriété incorporelle », la Cour de cassation censure la décision des juges du fond.
La portée de l'arrêt
La Cour de cassation, dans l'arrêt Bordas, a ainsi affirmé le principe d'un droit patrimonial sur le nom détachable de la personne physique. En effet, en transmettant volontairement son nom à sa société, le nom « Bordas » est devenu un nom commercial, le nom commercial acquérant dès lors une valeur pécuniaire qui va pouvoir être cédé et, dans ce cas, la jurisprudence estime que la cession devient définitive et est irrévocable. Le nom de la personne étant devenu propriété de la société celui-ci ne peut être confisqué à la personne morale et celle-ci peut continuer à l'utiliser même si la personne physique ne le veut plus.
Source : Légifrance
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