Enoncé du cas pratique
« Cergy, le 10 novembre 2015,
Louis est le meilleur ami de Sylvie. Il aime lui rendre visite à l'improviste dans son bel appartement, exposé plein sud. Malgré la saison qui se fait de plus en plus froide dans la région, le soleil continue de chauffer naturellement l'appartement, et, c'est toujours un plaisir de partager un verre avec Sylvie sur sa terrasse.
Ce 10 novembre 2015 Louis, après avoir sonné à l'interphone, et après que Sylvie lui a ouvert, se dirige vers l'ascenseur de l'immeuble. Louis commande alors la manoeuvre de l'appareil, mais l'ascenseur après avoir passé le premier étage devient instable et chute soudainement jusqu'au rez-de-chaussée. Louis s'est violemment cogné la tête sur la paroi latérale de l'ascenseur. Il souhaite obtenir réparation. L'enquête montrera que deux boulons manquaient...
Marcel a entendu parler de l'opposabilité du contrat par les tiers... Il est sûr qu'il peut agir judiciairement.
Qu'en pensez-vous ? »
Correction du cas pratique
Il s'agit de savoir dans quelle mesure la victime est-elle en droit d'obtenir réparation du dommage dont elle se plaint ?
Tout d'abord, il convient de rappeler le principe naturel voulant qu'entre contractants, le domaine de la responsabilité contractuelle soit actionné. Toutefois entre non contractants, le principe veut que la responsabilité délictuelle joue dans la mesure où aucun contrat n'existe entre les adversaires au procès. Toutefois, dans la pratique, il se peut que des préjudices surviennent du fait d'une mauvaise exécution d'un contrat alors même que les victimes ne soient pas liées par un contrat au responsable du dommage dont elles se plaignent.
Dans la pratique, il sera possible pour un tiers de se prévaloir d'une faute contractuelle, d'un manquement à l'exécution d'un contrat, pour le cas où celui-ci est directement et personnellement victime de ce manquement. Les obligations nées du contrat concerné n'étant pas remplies, le tiers peut agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Dans le cas de l'espèce, la victime n'est pas contractante avec l'ascensoriste. Pourtant, elle est victime d'un manquement à l'obligation contractuelle de l'ascensoriste, celui-ci ayant omis de resserrer deux boulons. Ce manquement revêt le caractère d'une faute contractuelle pour les locataires et propriétaires de l'immeuble mais revêt le caractère d'une faute délictuelle à l'égard de toutes les tierces personnes à l'immeuble.
Cependant, des difficultés ont vu jour dans la jurisprudence de la première chambre civile et de la chambre commerciale de la Cour de cassation, la première considérant que le manquement contractuel suffisait sans que le tiers n'ait à établir de faute contractuelle à son égard, la seconde considérant pour sa part que le manquement contractuel ne peut intéresser que la situation entre contractants.
De ce fait, l'Assemblée plénière est intervenue en 2006 pour régler la situation prétorienne divergente. Ainsi, il ressort de ses considérations que toute faute dans l'inexécution d'un contrat revêt, de plein droit, le caractère d'une faute délictuelle à l'égard des tierces personnes, par nature non contractantes.
Par conséquent, la faute contractuelle a la valeur d'une faute délictuelle à l'égard de la victime, tierce personne. Celle-ci peut donc valablement agir en responsabilité contractuelle à l'égard de l'ascensoriste.