Il faut savoir que l'idéal démocratique se matérialise principalement dans l'élection au suffrage universel. Ainsi, une question se pose : pourquoi est-ce qu'un gouvernement, voire un Parlement, légitimes, c'est-à-dire démocratiquement élus, se verraient opposer des décisions judiciaires de la part d'individus qui ne sont élus par le peuple souverain ?
Toutefois, existe-t-il un risque de gouvernement des juges ? Faudrait-il craindre un tel gouvernement s'il existait ?
En fait, nous allons tenter de répondre à cette problématique en se plaçant dans deux points de vue : un point de vue démocratique, puis un point de vue purement juridique.
I. Le gouvernement des juges d'un point de vue démocratique
D'un point de vue purement démocratique, la loi, la norme juridique, constitue l'expression de la volonté générale. Ici, le juge peut intervenir, même s'il n'est pas démocratiquement élu, dans l'objectif affirmé de protéger la loi. N'était-ce pas ce que le Conseil constitutionnel avait fait à la fin du XXe siècle lorsqu'il se plaignait d'une véritable inflation législative, de productions de lois mal rédigées ?
Les membres du Conseil constitutionnel vont d'ailleurs réitérer cette conception des choses dans une décision du 29 juillet 2004 lorsqu'ils retiendront que le principe de clarté de la loi implique des "dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques" pour se prémunir de ce qu'ils appellent "le risque arbitraire" ou d'une interprétation contraire qui pourrait être le fait d'autorités qui ne se sont pas vues confier par la Constitution, norme suprême, une telle mission.
II. Le gouvernement des juges d'un point de vue juridique
Juridiquement parlant, il existe deux limites bornes, deux contours à cette fonction interprétative qui peuvent revenir directement aux juges. Tout d'abord, les juges peuvent se limiter eux-mêmes dans cette faculté qu'ils disposent, malgré leur rôle d'agent d'application de la loi, d'interprétation.
En outre, il est possible que cette puissance normative des juges soit encadrée par un autre groupe d'acteurs : la doctrine. Celle-ci est en effet critique à l'égard du droit mais aussi et surtout de la jurisprudence, de la production des décisions (judiciaires) prises par les juges, et, elle permet de mettre en exergue à la fois les productions positives mais aussi les productions négatives dans la jurisprudence, ce qui permet aussi de faire la faire évoluer par la suite.
En tout état de cause, le juge se doit d'être la bouche de la loi, la bouche de ce sacrement de la volonté générale. Toutefois, il apparait nécessaire que celui-ci puisse adapter la loi, générale et parfois abstraite, à tout un panel de situations absolument hétérogènes.