Si le droit des biens se retrouve entièrement dans le Code civil, il a évolué sur certains aspects ces vingt dernières années, par influence législative et jurisprudentielle. Voici donc cinq thèmes qui révèlent une pertinence spécifique contemporaine en droit des biens.
Sujet 1 - Le droit de propriété immobilière dans l'espace
Le droit de propriété était classiquement entendu comme s'étendant du sous-sol au sursol, en passant par le sol en tant que surface plane. Le développement urbain, la construction toujours plus haute d'immeubles, la complexification des montages financiers, mais aussi le développement technique de la verticalité des constructions a entraîné le développement de questions spécifiques. Ainsi, il a fallu délimiter le droit de propriété dans l'espace atmosphérique, mais aussi dans le sous-sol, à travers le droit international, mais aussi le droit interne.
La question du droit de propriété en volume, pour les constructions futures, a également pu se poser. Il s'est alors agi de savoir si l'on pouvait être propriétaire d'un volume spécifique au-dessus du sol.
Enfin, la question, liée, de la séparation entre propriétés du sous-sol, du sol et du sursol a pu se poser. Pour une parcelle donnée, peut-on avoir un propriétaire du sous-sol distinct de celui du sol, eux-mêmes distincts du propriétaire du sursol ?
Ces questions sont tout autant des questions doctrinales que pratiques. En effet, la doctrine ne s'y est pas intéressée a priori, mais uniquement quand la question s'est présentée factuellement devant les juridictions. Si chaque question est aujourd'hui résolue, une réflexion d'ensemble peut être menée.
Problématique : quelles sont les limites et les restructurations du droit de propriété envisagé dans l'espace et les volumes ?
Sujet 2 - Contrats réels et consentement
« Le contrat est réel lorsque sa formation est subordonnée à la remise d'une chose », dispose le troisième alinéa de l'article 1109 du Code civil dans sa nouvelle rédaction de 2016. Prima facie donc, le contrat réel ne met pas en son coeur le consentement des parties. Avant 2016, le Code ne parlait pas directement de cette catégorie de contrat, c'est la doctrine qui avait systématisé cette catégorie de contrat en considérant qu'ils étaient parfaits par la remise d'une chose.
L'on peut alors légitimement s'interroger sur la place du consentement dans les contrats réels, même après la réforme de 2016. À l'évidence, le consentement est nécessaire puisque le contrat reste un « accord de volonté » (article 1101 du Code civil). Toutefois, concernant les contrats réels, le consentement n'est pas au centre des considérations et ne suffit pas au contrat, ce dernier requiert en plus la remise de la chose. Qu'en est-il alors du lien entre le consentement et la remise ? Dans l'ancienne conception doctrinale, il semblait que la remise de la chose rendant parfait le contrat, le consentement devait être antérieur à cette remise. La nouvelle rédaction semble n'en faire qu'un élément parmi d'autres, et alors on peut légitimement s'interroger sur sa place dans ce type de contrats.
Problématique : quelle est l'importance du consentement dans la réalisation des contrats réels ?
Sujet 3 - Les biens, sujets et titulaires de droits ?
Ce sujet est plus philosophique et moins technique que les autres sujets présentés, et n'est pas sans lien avec la question des animaux. Il ne s'y réduit toutefois pas et vise à interroger le statut de la chose par rapport au droit.
Le droit des biens, en tant que discipline, est structuré autour de l'idée que les biens sont objets de droits. Cela signifie évidemment que les droits portent sur des biens, mais que les titulaires des droits sont par nécessité des personnes, physiques ou morales. Il semble toutefois possible de questionner cette représentation traditionnelle et orthodoxe en étudiant si le droit positif peut confier aux biens des droits propres et spécifiques, et s'il ne le fait pas déjà indirectement, cette suggestion étant elle-même soumise à caution doctrinale.
Problématique : peut-on imaginer que les biens aient eux-mêmes des droits, notamment à la non-destruction, sorte de droit à la vie des biens, au moins lorsque ceux-ci sont vivants ? Peut-on imaginer que certains immeubles inscrits ou classés au patrimoine historique aient des droits ?
Sujet 4 - Le contrat de gage comme contrat réel après la réforme du droit des sûretés du 23 mars 2006
Le contrat de gage est un contrat particulier. Il consiste en la remise d'une chose à un créancier pour assurer l'exécution d'une obligation juridique. Il s'agit, en cela, d'une sûreté, au même titre qu'un contrat de cautionnement pour garantir un loyer.
Avant 2006, le contrat de gage impliquait nécessairement un transfert de possession de la chose mise en gage lorsque le contrat portait sur un bien meuble. La propriété restait, mais la possession changeait de main, la propriété suivant évidemment en cas de non-exécution de l'obligation. Après 2006 toutefois, dans le nouvel article 2333 du Code civil, le gage peut porter sur des « biens mobiliers corporels, présents ou futurs ». Or il est évidemment impossible de transférer la possession d'un bien futur.
Le contrat de gage, post 2006, rompt donc la nécessité de transfert de la possession des biens mis en gage. Cette réforme est ainsi l'occasion d'interroger plus généralement le triptyque entre les biens, leur propriété et leur possession, et de se demander si, concernant au moins le contrat de gage, il s'agit toujours d'un contrat réel.
Sujet 5 - Le statut de l'animal dans le droit des biens
« Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens ». C'est ce que prévoit l'article 515-14 du Code civil après une réforme de 2015. Si les animaux restent, suite à cette réforme, des biens, ils ne sont pas des biens comme les autres.
Il est alors possible de se questionner sur le statut juridique de l'animal et ses perspectives d'évolution. À l'évidence, l'animal n'est pas une personne. À l'évidence aussi, puisque le Code civil en dispose ainsi, l'animal reste un bien. La dichotomie du monde juridique entre les personnes et les biens n'est pas modifiée par cette réforme. Toutefois, la précision de la « sensibilité » animale appelle à interroger le régime juridique de l'animal. Objet de droits, pourrait-il devenir, dans une certaine mesure, sujet du droit ?
Problématique : quelle est, alors, la place spécifique de l'animal en droit des biens ? L'animal peut-il être substitué à n'importe quel autre bien et, notamment, utilisé en gage ? Son statut juridique pourrait-il ou devrait-il évoluer ?
Sources :
- P.-J. Delage, La condition animale, Essai juridique sur les justes places de l'homme et de l'animal, Thèse Limoges, 2013.
- N. Reboul-Maupin, Droit des biens, 8e éd., 2020, Dalloz
- J.-B. Seube, Droit des sûretés, 10e éd., 2020, Dalloz