Propos généraux sur la bonne foi

L'exigence de bonne foi fut érigée en tant que principe directeur en droit des obligations par le législateur, le 10 février 2016. Ainsi, l'article 1104 du Code civil prévoit expressément que la bonne foi est exigée au stade de la négociation, de la formation et de l'exécution des contrats. Celle-ci est par ailleurs d'ordre public : les contractants ne peuvent y déroger.

 

La bonne foi lors de la formation du contrat

- Historiquement, la notion de bonne foi n'est pas exigée au stade de la formation du contrat. Elle l'était néanmoins au stade de son exécution en vertu des dispositions de l'article1134, ancien, du Code civil. Cette notion fut toutefois progressivement intégrée dans la période précontractuelle, c'est-à-dire la période précédant la conclusion du contrat projeté, issue de la rencontre d'une offre et d'une acceptation par les cocontractants en devenir.

- Si la période précontractuelle est irriguée par le principe de liberté, il est toutefois nécessaire de noter qu'elle doit répondre aux exigences de la bonne foi. Certains agissements de la part d'un cocontractant peuvent cependant revêtir la nature de la mauvaise foi. Sa responsabilité délictuelle pourra alors être engagée si et seulement si les conditions qui entourent la rupture de cette période précontractuelle s'avèrent contraires à la bonne foi. La rupture, en pareil cas, sera considérée comme fautive.

- Le législateur a intégré l'obligation de bonne foi dans l'ensemble de la phase précontractuelle à l'article 1112 du Code civil, entérinant l'évolution prétorienne à ce sujet. Par conséquent même si la liberté demeure la règle, la bonne foi s'applique aussi bien à l'occasion de l'initiative des pourparlers, leur développement et s'étend jusqu'à leur possible rupture.

 

La bonne foi à l'occasion de la conclusion du contrat

En matière contractuelle, la notion de bonne foi peut être étudiée de manière concomitante avec celle de la réticence dolosive. Un cocontractant dissimule donc de manière volontaire à l'autre partie une information qui, si celle-ci était connue de celle-ci, l'aurait poussée à contracter différemment, voire à ne pas contracter dans ces conditions. En pareil cas, il s'agit d'un manquement à l'obligation de contracter de bonne foi, engageant la responsabilité de son auteur.

 

La bonne foi appliquée à l'occasion de l'exécution du contrat

- Le Code civil prévoit en son article 1104 que "[l]es contrats doivent être (…) exécutés de bonne foi." À cette occasion, un cocontractant doit se comporter de manière loyale envers l'autre partie avec laquelle il a conclu. Si un déséquilibre contractuel apparaît lors de l'exécution du contrat, celui-ci pourra être renégocié malgré le principe d'intangibilité du contrat. Cette renégociation repose sur le principe de bonne foi.

- La bonne foi a permis d'imposer aux parties contractantes l'obligation de ne pas adopter de comportements jugés contradictoires dans l'exécution du contrat. En ce sens, les contractants ne peuvent valablement se placer de manière volontaire dans une situation telle qu'elle aurait pour effet de rendre impossible l'exécution contractuelle ou plus compliquée pour une des parties. Cette notion permet donc finalement de limiter les abus à l'occasion de l'exécution contractuelle.

 

La bonne foi limitée lors de la formation contractuelle

-Même si la bonne foi s'applique pleinement à l'occasion des pourparlers précontractuels, il n'en reste pas moins que le principe de la liberté contractuelle constitue sa contrepartie. D'ailleurs, le Code civil fait précéder ce principe de liberté sur celui de la bonne foi en son article 1102. Par voie de conséquence, sur la base de ce principe, la rupture des pourparlers reste garantie, l'exception résidant dans l'exigence de bonne foi dans l'exercice de cette liberté.

- Lorsque le contrat est conclu, certains agissements sont susceptibles d'entraîner sa nullité parce qu'ils sont contraires à la bonne foi. Or tout comportement pourtant contradictoire avec cette exigence, démontrant une mauvaise foi du cocontractant, ne résultera pas directement sur une telle invalidité. Effectivement, ces comportements seront sanctionnés parce qu'ils revêtent la nature d'un vice du consentement (dol ou violence) : c'est précisément du fait de cette qualification juridique qu'ils seront sanctionnés.

 

La bonne foi limitée lors de l'exécution contractuelle

- Le Code civil prévoirait une certaine hiérarchie, du fait de sa numérotation, entre les différents principes inhérents à l'exécution du contrat. Ainsi le principe de la force obligatoire du contrat figure en pole position vis-à-vis de celui de bonne foi, celui-ci étant en effet précisé à l'article 1103. L'exécution contractuelle est avant toute chose soumise à cette force obligatoire. Une partie contractante ne pourrait donc valablement modifier le contrat de sa seule volonté, peu importe qu'elle soit de bonne foi ou qu'elle y soit contrainte par un comportement qu'elle juge de mauvaise foi.

- Même si le Code civil prévoit explicitement l'obligation de l'exécution des contrats de bonne foi, cette obligation ne saurait utilement autoriser la renégociation d'un contrat qui aurait été déséquilibré dès sa signature entre les parties. Ainsi, seule la renégociation contractuelle ne pourra fonctionner que si le contrat est ensuite devenu déséquilibré, à l'occasion de son exécution, si un changement de circonstances imprévisible intervient. La notion de bonne foi ne peut donc pas valablement permettre de modifier les conditions contractuelles arrêtées entre les cocontractants.