Ainsi, en d'autres termes, selon Marcel Prélot, le droit constitutionnel se définit comme des règles juridiques qui s'adressent aux "institutions grâce auxquelles l'autorité s'établit, se transmet ou s'exerce dans l'État". En outre, l'intégralité des règles qui impactent ce droit particulier est contenue dans la Constitution française du 4 octobre 1958, norme suprême dans la hiérarchie des normes. Ce document juridique spécial n'est en fait pas le seul outil permettant de faire échec à toute tentative arbitraire de la part du pouvoir politique dans la mesure où existent, effectivement, d'autres dispositions comme les lois ou encore les règlements, voire la jurisprudence, qui permettent eux aussi d'éviter cet arbitraire. Cette définition revêt, en vérité, tout d'abord un caractère institutionnel, mais comprend également deux autres caractéristiques de ce même droit.

Ainsi sous ce rapport, le droit constitutionnel, qui naquit conjointement avec l'État dit moderne, permet d'expliquer et de déterminer l'ensemble des aspects juridiques permettant l'organisation et le fonctionnement d'une société ; or, ne retenir que ce constat serait omettre l'existence du droit constitutionnel normatif et substantiel. De ce fait, pour Louis Favoreu, le droit constitutionnel dispose d'un triple objet ; outre le fait qu'il s'agisse d'un droit mis en oeuvre par un juge particulier, le droit constitutionnel permet d'organiser le système juridique d'un État (cette définition renvoie directement au droit constitutionnel institutionnel). Qui plus est, le droit constitutionnel moderne permet d'étudier les normes, les règles qui autorisent ou non à agir de telle ou telle manière, en respect ou bien en contraction avec ce qui est prévu par une norme particulière : il s'agit ici du droit constitutionnel normatif. Il existe, finalement, le droit constitutionnel qui permet l'étude particulière des droits fondamentaux et des libertés fondamentales des citoyens : cette définition renvoie à la notion de droit constitutionnel substantiel.


Dans quelles mesures le droit constitutionnel serait-il essentiellement institutionnel ?


Si le droit constitutionnel est classiquement défini comme institutionnel (I), il n'en demeure pas moins qu'existent également, dans la topographie l'intéressant, deux autres catégories à retenir (II).


I. Le droit constitutionnel comme un droit institutionnel
II. Le droit constitutionnel non uniquement comme un droit institutionnel


I. Le droit constitutionnel comme un droit institutionnel

Il existe, en droit constitutionnel, une doctrine juridique particulière qui s'est surtout développée à la fin des années 1890 jusqu'en 1930 ; toutefois, cette doctrine juridique classique ne trouve plus réellement son pendant actuellement parmi les membres de l'actuelle doctrine juridique du droit constitutionnel.

Ce qui distingue surtout ces deux doctrines réside dans l'objet du droit constitutionnel : en effet, d'après Adhémar Esmein, membre de la doctrine classique, le droit constitutionnel dispose d'un triple objet, c'est-à-dire qu'il désigne la forme de l'État tout d'abord, puis détermine la forme ainsi que les organes du gouvernement, et enfin il caractérise les limites d'application de l'ensemble des droits de l'État. En fait, cette définition se rapproche de celle de la Constitution elle-même, mais aussi et surtout de son objet, à savoir que la Constitution détermine non seulement la forme de l'État, mais aussi celle du gouvernement.

Par conséquent, la conception classique du droit constitutionnel s'attache au fait que la Constitution, en tant qu'instrument juridique spécial, constitue un instrument déterminé de gouvernement, mais revêt aussi le caractère d'une charte contenant des droits et des libertés et est donc "inséparable du jeu des forces qui en conditionnent l'application", toujours selon Esmein. En sa qualité d'instrument de gouvernement, la Constitution ne pourrait être dissociée du pouvoir politique et des formes que peuvent revêtir, dans la pratique et selon des choix politiques effectués, le gouvernement ou la forme de l'État.

Toutefois, forts de ces considérations, le lien qui existe entre la Constitution et le pouvoir politique, d'après les défenseurs de la conception institutionnelle du droit constitutionnel, ne trouve pas son pendant au sein d'une autre conception du droit constitutionnel : le droit constitutionnel normatif.


II. Le droit constitutionnel non uniquement comme un droit institutionnel

Le droit constitutionnel moderne revêt le caractère d'une discipline particulière qui a pour objet principal d'étudier un document juridique distinct des autres normes, à savoir : la Constitution. Classiquement, donc, le droit constitutionnel peut se définir, en quelques mots, comme le droit de la Constitution, en tant que norme suprême au sein de l'ordonnancement juridique français. Ici, cette définition ne saurait revêtir qu'un seul aspect, par ailleurs très restreint : une approche essentiellement normative du droit constitutionnel moderne. Autrement dit, cette définition se contente uniquement d'étudier le droit constitutionnel comme un ensemble de règles juridiques, de normes qui constitue ce même droit.

Toutefois, cette définition ne fait qu'établir ce qui devrait être dans une société déterminée et non pas ce qui est effectivement dans cette société. Elle ne fait donc que cela ; or, "ce qui est" dépend de choix extérieurs, effectués principalement au niveau politique. Il est par conséquent compréhensible que cette définition normative du droit constitutionnel soit complétée par une autre démarche intéressant ce même droit : c'est l'approche descriptive du droit constitutionnel. Il faut donc additionner à cette étude juridique, une autre étude : l'étude de la vie politique. De fait, le droit constitutionnel est étudié de concert avec la science juridique, englobant étude de la vie politique et étude juridique de ce droit. Cette double démarche est primordiale pour expliquer et comprendre la matière du droit constitutionnel moderne.

Finalement, le droit constitutionnel a connu une autre évolution majeure. En effet, le contenu du droit constitutionnel s'est amplement étendu par l'intégration des droits fondamentaux et des libertés fondamentales des citoyens. Le droit constitutionnel aujourd'hui s'intéresse alors aux droits et libertés garantis, protégés par la Constitution : cet aspect du droit constitutionnel ne peut être omis dans la mesure où celui-ci limite les pouvoirs des gouvernants ; il réside selon Louis Favoreu dans ce qu'il appelle le droit constitutionnel substantiel et son application revient à un juge particulier.



Sources :

- Quels équilibres entre droit constitutionnelinstitutionnel, normatif et substantiel ? Ariane Vidal Naquet
- Travaux dirigés de droit constitutionnel, cours de M. le Professeur Stéphane Pierré-caps, chargée de TD Dr. Maria Kordeva
- Denis touret