Le droit du travail ne s'applique en général qu'à propos d'une relation de travail fondée sur un contrat de travail. Il s'agit du contrat par lequel un travailleur s'engage à mettre son activité personnelle à la disposition d'une autre personne appelée employeur sous la subordination duquel elle se place.
Le pouvoir de l'employeur est pour la première fois reconnu par la jurisprudence au travers de la consécration de la notion de subordination du salarié à l'employeur. C'est l'arrêt Bardou de la Chambre civile de la Cour de cassation de 1931. Selon cet arrêt, la subordination se manifeste par un placement du salarié « sous la direction, la surveillance et l'autorité de l'employeur ». Ces pouvoirs, l'employeur pourrait en abuser. Le contrat de travail permet donc une protection du salarié. Il convient donc de s'interroger sur le rôle protecteur du contrat de travail quant à son efficacité et ses limites.
La conclusion d'un contrat de travail sert-elle de garantie à la protection du salarié ?
Pour répondre à cette question, il faudra dans un premier temps démontrer que le contrat de travail permet une protection efficace du salarié (I) avant d'analyser ce qui vient réduire ou renforcer cette protection (II).
I) Une protection efficace du contrat de travail
A) La protection des salariés contre la rupture du CDI
Il s'agit de la protection du salarié contre le licenciement prononcé ou envisagé par l'employeur. Le terme de licenciement doit être réservé à la seule rupture du CDI. La rupture du CDD n'est pas un licenciement. Classiquement, il existe 2 types de licenciement : le licenciement pour motif personnel et le licenciement pour motif économique. Le licenciement pour un motif personnel est fondé sur un motif inhérent à la personne du salarié contrairement au licenciement pour motif économique.
1. Le licenciement pour motif personnel
Dans les licenciements pour motifs personnels, on distingue les licenciements pour motif disciplinaire (le licenciement étant une sanction pour une faute du salarié) ou un licenciement non disciplinaire (ex. : un salarié licencié pour motif d'insuffisance professionnelle). La rupture du CDI a longtemps été soumise au droit commun. Les CDI peuvent être résiliés librement par l'une ou l'autre des parties. La limite à la liberté de l'employeur de licencier est très réduite. À l'inverse, le salarié avait le droit de rompre lui-même unilatéralement le contrat c'est-à-dire de démissionner. La démission reste toujours libre pour le salarié actuellement sauf l'exigence du respect d'un préavis minimum. En revanche, les règles du licenciement ont été profondément modifiées au cours du temps. La loi du 13 juillet 1973 apporte principalement ces modifications.
Dorénavant, une procédure préalable au licenciement doit être respectée. À commencer par une convocation à l'entretien préalable pour le salarié dans laquelle l'employeur doit indiquer qu'il envisage le licenciement et il va fixer une date, une heure et un lieu pour un entretien entre lui et le salarié. Lors de cet entretien, l'employeur va indiquer les raisons qui ont fait que la procédure était entamée et le salarié pourra répondre. Enfin, la lettre de licenciement doit comporter un motif précis sur lequel est fondé le licenciement. S'il y a litige, l'employeur ne pourra plus invoquer un autre motif à l'appui du licenciement. La Cour va aller plus loin en estimant qu'en cas de motif imprécis, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Toute la procédure est destinée à faire réfléchir l'employeur sur la mesure à prendre. Il doit prendre le temps avant de rompre le contrat et ne pas prendre cette décision à la légère. Il doit tenir compte des arguments du salarié. Cela permet de fixer les limites du litige, d'éviter qu'un employeur puisse a posteriori justifier un licenciement qu'il avait décidé de façon arbitraire. La cause doit être réelle, c'est-à-dire fondée sur des éléments objectifs et qui sont vrais. Elle doit être sérieuse, justifier le licenciement. Quand il s'agit de motifs disciplinaires, et qu'une faute est invoquée, l'employeur peut invoquer une faute comme cause réelle et sérieuse, mais aussi comme faute grave ou faute lourde. La faute grave est une faute qui justifie la rupture immédiate du contrat de travail. La faute lourde est une faute commise dans l'intention de nuire à l'employeur.
Une indemnité de licenciement est versée pour tout licenciement même ayant une cause réelle et sérieuse en fonction de l'ancienneté du salarié. Lorsque le licenciement est fondé sur une faute grave, le salarié n'a droit ni au préavis ni à l'indemnité de licenciement ou à des dommages et intérêts. En cas de faute lourde, il sera éventuellement tenu de verser des dommages et intérêts à l'employeur pour les dommages causés par cette faute lourde. Là encore, on peut voir la protection du salarié dans le contrat de travail puisqu'un salarié n'est tenu de réparer le préjudice causé à l'employeur par sa faute que s'il s'agit d'une faute lourde c'est-à-dire dans l'intention de nuire à l'employeur.
Une loi du 4 août 1982 apporte également une protection particulière en ce qui concerne les sanctions disciplinaires. Cette loi prévoit pour les sanctions disciplinaires importantes, une procédure préalable. Par exemple pour une mise à pied, sont prévues une convocation à un entretien préalable ainsi qu'une lettre de mise à pied. La procédure est calquée sur celle préalable au licenciement, mais deux spécificités s'appliqueront également au licenciement pour motif disciplinaire : une prescription des faits fautifs, la convocation à l'entretien préalable devra être envoyée au plus tard dans les 2 mois de la connaissance des faits fautifs par l'employeur en plus d'un délai d'un mois maximum entre l'entretien préalable et l'envoi de la lettre de sanction.
2. Le licenciement pour motif économique
La loi du 3 janvier 1975 révolutionne et sépare les licenciements pour motif économique et motif personnel en instaurant l'exigence d'une autorisation préalable de licencier par l'inspection du travail. En théorie, on cherchait à protéger le salarié. En pratique, il s'avérait que l'autorisation préalable de licencier aboutissait le plus souvent à une autorisation, car les inspecteurs du travail estimaient ne pas être très compétents en matière économique, il est donc très difficile d'appréhender la situation économique de l'entreprise. Cette autorisation préalable a été totalement supprimée en 1986.
La définition du motif économique a été l'un des éléments qui seront particulièrement appréhendés par les diverses lois qui se sont succédé ainsi que les mesures complémentaires et les procédures. La loi du 3 janvier 1975 prévoit la consultation des représentants du personnel pour des projets de licenciement pour motif économique et va distinguer les petits licenciements collectifs de moins de 10 salariés et les licenciements collectifs (10 salariés ou plus), notion qui va perdurer dans les lois ultérieures. La procédure sera au fur et à mesure des diverses lois améliorée et appréhendée de façon plus complète notamment en imposant des mesures d'accompagnement.
En outre, la jurisprudence avait développé deux obligations à la charge de l'employeur : une obligation d'adapter les salariés à l'employeur et une obligation pour l'employeur même en l'absence de plan social et l'obligation de reclasser les salariés lorsque cela est possible. L'objectif est de faire du licenciement l'ultime remède, on ne doit licencier que si cela est absolument nécessaire. Dans un arrêt de la Chambre sociale du 5 février 1997, la Cour va retenir que l'insuffisance du plan social entraîne la nullité de la procédure de licenciement, mais aussi la nullité du licenciement lui-même et donc la possibilité pour les salariés de demander leur réintégration.
B) La protection des salaires
1. Un minimum salarial à assurer
La rémunération du travailleur en contrepartie de sa prestation de travail dans le cadre du contrat de travail est appelée salaire. Le salaire est soumis à la liberté des parties. Le contrat de travail détermine le salaire. Il est soumis au principe de la liberté contractuelle. Une loi du 2 janvier 1970 introduit le SMIC, c'est-à-dire le salaire minimum interprofessionnel de croissance. Il est révisé automatiquement après une hausse de 2% au moins des prix à la consommation par rapport à la dernière date de révision du SMIC selon les données de l'INSEE. On garantit que l'inflation sera répercutée sur l'augmentation du SMIC. Par ailleurs chaque année un décret fixe un nouveau taux du SMIC. Cela crée une répercussion sur les autres salaires voisins en termes de montant du SMIC. Les salariés au-dessus du SMIC peuvent se voir rattraper par le SMIC, ce qui crée une impression d'être déclassé chez les employés. À cela s'ajoute le fait que le coût de l'augmentation pour les entreprises est très lourd. Cela pose donc un problème de concurrence et notamment à l'international. Le SMIC est une règle d'ordre public, sa violation est sanctionnée pénalement. Par conséquent est prévu un contrôle du respect du SMIC qui est effectué par les inspecteurs du travail et les officiers de police judiciaire.
2. Le principe d'égalité des salaires
Ce principe est plus contraignant pour les employeurs. Les textes européens prévoient une égalité de traitement entre les hommes et les femmes. Cependant, c'est plutôt une interdiction des discriminations. En effet, la discrimination c'est une inégalité fondée sur un motif illicite ou ayant des conséquences ou effets illicites. Ce n'est pas l'illégalité en soi qui est illicite, c'est le fait qu'elle soit fondée sur une différence entre hommes et femmes. Cette interdiction des discriminations concerne tous les aspects de la relation de travail et notamment la rémunération qui comprend le salaire et d'autres éléments comme des primes.
L'analyse de la discrimination se fait par un examen comparatif de la situation des deux salariés. Quand il s'agit de salaire, il faut savoir s'ils ont des fonctions équivalentes. En vertu du droit de l'UE, directive de 2006 et de l'art L1144-1 du Code du travail, c'est au salarié de prouver la situation identique (en matière de rémunération le travail de valeur égale) et la différence de rémunération, de traitement. Il doit donc établir des faits qui laissent présumer que le motif est illicite. S'il s'agit d'un homme et d'une femme, on présumera que cette différence de traitement est fondée sur la différence de sexe. À ce moment, ce sera à l'employeur de prouver par des éléments objectifs et non discriminatoires que la différence est justifiée et qu'il ne s'agit pas d'un motif illicite, mais d'un motif justifiant cette différence comme l'ancienneté. Ils peuvent exercer une activité commune, mais avoir des compétences ou des responsabilités différentes, un travail qualitativement meilleur. Il faut quand même des règles spécifiques de preuves pour faciliter la preuve par le salarié sans quoi il serait impossible de prouver le motif illicite. La présomption va permettre de faciliter la preuve par le salarié du motif illicite.
La jurisprudence a instauré un principe d'égalité des salaires dans un arrêt du 29 octobre 1996, l'arrêt Ponsolle de la Chambre sociale. La Cour de cassation a ainsi retenu le principe : à travail égal, salaire égal. En l'espèce, il s'agissait de deux femmes salariées de la même entreprise ayant des fonctions de valeur égale. Or, l'une était mieux payée que l'autre, il n'y avait pas de motif de discrimination à invoquer, le principe d'égalité de traitement est alors remis en cause. La Cour a donc considéré qu'il y a un principe de base, si les fonctions ont une valeur égale, elles sont dans une situation identique et donc elles doivent être traitées de façon identique en matière de salaires. Cet arrêt marque une révolution, car ce n'est plus le motif illicite en cause, mais bien l'inégalité en soi. L'individualisation du salaire fondée sur des contrats de travail différents n'est plus possible sauf si un motif objectif justifie cette différence.
II) Une garantie influencée
A) Une efficacité partiellement amoindrie
1. La limitation de la protection des salariés contre le licenciement
En matière de licenciement pour motif personnel, la première réduction va être liée au fait que l'ordonnance du 22 septembre 2017, elle s'applique aussi bien au licenciement pour motif personnel qu'économique. Elle modifie le licenciement sur un point essentiel : le motif prévu dans la lettre de licenciement.
Cette ordonnance a permis à l'employeur de préciser dans les 15 jours suivant la notification de la lettre de licenciement le ou les motifs prévus dans la lettre. Lorsque le motif était imprécis dans la lettre, l'employeur pourra le préciser a posteriori dans la limite du délai. De même, le salarié a 15 jours à partir de la notification de la lettre pour demander à l'employeur de préciser le motif contenu dans la lettre. Cela va dans le sens d'une réduction de la protection du salarié, car c'est à lui de faire la démarche de demandeur à l'employeur de préciser le motif de son licenciement sinon l'absence de cause réelle et sérieuse ne peut être fondée sur une imprécision du motif. S'ajoute à cela une autre limitation : il existe dorénavant à l'art L1235-3 un « barème » concernant les dommages et intérêts dus en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le risque de devoir verser des dommages et intérêts pour l'employeur qui licencie sans cause réelle et sérieuse s'est amoindri, réduisant la protection du salarié.
En matière économique, dorénavant, depuis la loi du 14 juin 2013 c'est la DIRECCTE qui valide l'accord retenant le plan de sauvegarde de l'emploi. Le contrôle par l'administration est antérieur au licenciement lui-même. En cas d'accord de la DIRECCTE, il sera plus difficile de contester la validité du licenciement. Ce qui limite les risques d'une annulation a posteriori.
2. La théorie contractuelle
Selon celle-ci, c'est le contrat de travail qui justifie le pouvoir de l'employeur. En somme, c'est le salarié qui, en acceptant de se soumettre à l'employeur, accorde ce pouvoir de direction à l'employeur en concluant le contrat de travail. Il y aurait selon certains auteurs une clause implicite de subordination du salarié à l'employeur. Il y a cependant des limites à ce pouvoir de direction, c'est le contrat de travail lui-même. Le critère du pouvoir de direction de l'employeur se manifestait dans un premier temps par l'importance de la modification du contrat de travail. Cela laissait sous-entendre que l'employeur pouvait modifier le contrat si la modification n'était pas importante. La jurisprudence est revenue sur cette première phase par arrêt de la Chambre sociale du 10 juillet 1996. La Cour de cassation à partir de cet arrêt distingue 2 types de modifications.
S'il s'agit d'une modification de contrat, l'employeur ne peut l'imposer au salarié qui est libre de refuser cette modification. Son refus n'est ni une faute ni un motif de licenciement. 4 piliers sont par nature contractuels : les fonctions du salarié, la durée du travail, le secteur géographique de travail, la rémunération. Les parties elles-mêmes peuvent prévoir que certains éléments qui ne sont pas par nature contractuels le deviennent par la volonté des parties. Lorsqu'il s'agit d'un élément contractuel, l'employeur ne peut pas l'imposer au salarié qui est libre de refuser.
Les conditions de travail ont plutôt trait à l'exécution de la relation de travail entre salarié et employeur, ne sont pas des éléments contractuels. Il peut s'agir des horaires, des heures supplémentaires nécessaires à la gestion de l'entreprise. Un salarié ne peut pas refuser une modification des conditions de travail sinon c'est une faute, car cela dépend du pouvoir de l'employeur. Dans un arrêt du 8 octobre 1987, la Cour de cassation précise que même pour les modifications du contrat, il faut une acceptation expresse du salarié. Il ne peut y avoir d'acceptation tacite par le seul fait de continuer le travail aux nouvelles conditions.
B) Une protection renforcée
1. Les sources internationales du droit du travail
L'OIT (organisation internationale du travail) a pour vocation de promouvoir les normes et principes fondamentaux et notamment promouvoir l'emploi, un traitement décent, ainsi que renforcer le dialogue social. Le traité de création de l'OIT comporte un préambule prévoyant des objectifs sociaux généraux qui doivent être respectés par les États signataires du traité. Par exemple : le principe « à travail égal,salaire égal ». L'OIT dispose d'une compétence générale en droit du travail. La conférence internationale du travail a adopté une déclaration reprenant certains principes, dont l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession, ce qui vient renforcer la protection du salarié. La conférence internationale du travail détermine les normes internationales et les grandes orientations de l'OIT.
Elle élabore deux types de normes : des conventions, mais aussi des recommandations et en contrôle l'application au niveau de chaque État. Les conventions sont adoptées par la conférence à la majorité des 2/3 présents. Chaque pays doit donc ratifier la convention qui a été votée. La ratification ne peut faire l'objet de réserves. En l'absence de ratification, le gouvernement doit en informer le bureau international du travail et s'en justifier. Lorsque la convention est applicable, elle est applicable directement au particulier. Cela montre l'efficacité de certaines normes et la possibilité pour un salarié de s'en prémunir ce qui vient ainsi renforcer sa protection. Les recommandations complètent les conventions dont le contenu est général, mais peuvent aussi compenser l'impossibilité de conventions dans des domaines complexes ou donnant lieu à une divergence trop importante entre les pays membres.
2. Les rapports entre la convention collective et le contrat de travail
La convention collective est un accord conclu entre, en principe, des syndicats représentatifs ayant obtenu des conditions de majorité particulière et l'employeur. La convention collective a vocation à traiter l'ensemble des matières et l'ensemble des garanties accordées aux salariés.
L'ordonnance du 22 septembre 2017 accorde en principe la primauté de l'accord d'entreprises sur l'accord de branches ou sur un accord ayant un champ territorial ou professionnel plus large. L'ordonnance de 2017 donne à l'accord d'entreprises beaucoup plus d'importance qu'il n'en avait auparavant. A priori, l'objectif c'est de permettre à l'entreprise d'avoir le régime le plus adapté à elle. L'inconvénient est que la convention d'entreprises aura tendance à faire l'objet d'une concurrence juridique entre les entreprises de la même branche, ce qui peut avoir des conséquences négatives sur les salariés. Même si l'accord de branches est plus favorable, le principe de faveur ne s'applique pas. En ce qui concerne la relation de travail, quand il y a deux sources (convention collective et relation de travail), le problème est de savoir si leurs avantages se cumulent. Les avantages contractuels et conventionnels ne se cumulent pas s'ils ont le même objet et la même cause. C'est alors le principe de faveur qui s'applique : on ne retient que l'avantage le plus favorable aux salariés.
Sources : Code du Travail, cours magistral du professeur Jean-Michel Gasser de la Faculté de Nancy