Cependant, la jurisprudence administrative a évolué dans un sens favorable au justiciable ce qui devrait l'encourager à poursuivre son affaire devant la justice administrative.
Ainsi peut-on encore affirmer assister à une restriction contemporaine de l'accès au juge administratif ?
Il est vrai que bien que compliqué, introduire une instance devant le juge administratif est un principe général du droit qui permet à tous les citoyens d'accéder en toute égalité à la justice (I), mais malgré ce principe susceptible d'exceptions d'autres obstacles se dressent devant l'accès à la juridiction administrative et qui restent des moyens de dissuasion pour les justiciables (II).
I. Un principe général du droit freiné par des exceptions
A. Le droit d'accès au juge administratif
B. Un droit de plus en plus limité
II. Les obstacles financiers et moraux
A. Les obstacles financiers
B. Les freins liés à l'incompréhension du droit administratif
L'accès au juge administratif ou judiciaire constitue un droit (A) qui comme tout droit connaît quelques exceptions (B).
L'accès au juge administratif constitue un droit fondamental protégé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, mais également un principe général du droit reconnu à l'international de manière générale c'est-à-dire sans distinction d'ordre judiciaire ou administratif. Le droit d'accès au juge est un droit reconnu de manière universelle puisqu'il est affirmé à l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Bien que l'accès au juge soit l'expression d'une liberté des plus fondamentales, il connaît des restrictions et limitations.
Le droit d'accès au juge administratif est susceptible de restrictions qui ont pour but de satisfaire l'intérêt général ainsi que le bon fonctionnement de la justice administrative. Ainsi, l'action en justice est restreinte par des conditions de recevabilité. En effet, bien que tous les citoyens aient un droit d'accès au juge administratif, ils ne peuvent pas tous enclencher l'action en justice elle-même. En effet, dans certains contentieux administratifs (contentieux fiscal, fonction publique militaire, accès aux documents administratifs...) le requérant doit saisir au préalable l'administration afin d'avoir une décision préalable à la saisine du juge administratif devant lequel il contestera cette décision. Ensuite, il existe un délai général de 2 mois pour contester la décision de l'administration à l'issue duquel le recours est caduc. Enfin, chaque recours administratif dispose de ses propres conditions de recevabilité. Le recours pour excès de pouvoir a pour objet de contester la légalité d'un acte administratif, mais certains actes tels les actes préparatoires ne sont pas susceptibles de recours. Ensuite, le référé liberté qui est un recours d'urgence ayant pour but de rétablir une liberté ayant été restreinte par l'administration de manière importante, le requérant doit justifier de l'existence d'une liberté fondamentale ainsi que de celle d'une atteinte grave qui y serait portée par un acte administratif.
Ces conditions procédurales limitent le droit d'agir en justice aux requérants qui possèdent un intérêt à agir et remplissent les conditions de recevabilité du recours voulu.
D'autres obstacles de nature différente peuvent apparaître comme des restrictions d'ordre pécuniaire (A), mais également d'ordre plutôt philosophique avec un mouvement de méfiance envers la justice administrative (B).
Tout d'abord bien que la justice soit dite comme étant gratuite, elle a un coût non négligeable pour le justiciable. Le justiciable peut être sanctionné financièrement lorsqu'il introduit un recours dit abusif et devra s'acquitter d'une amende de 3 000 euros sans compter les dommages et intérêts pouvant être dus (sanction prévue à l'article R-741-12 du Code de la justice administrative). Ensuite, le requérant doit payer les dépens qui sont des frais nécessaires à l'affaire. De plus, le recours à un avocat est souvent obligatoire et permet l'égalité entre les justiciables devant le juge, mais la représentation par avocat implique également le paiement de ses honoraires qui peuvent s'avérer élevés. Pour pallier ces frais élevés, le requérant peut demander à bénéficier de l'aide juridictionnelle s'il remplit les conditions requises. Enfin, un justiciable peut être dissuadé d'agir en justice dès lors que s'il perd son procès, pèsera sur lui le remboursement des frais à l'Etat, un montant déterminé par le juge administratif en vertu de l'article L.761-1 du Code de justice administrative.
Enfin, la principale restriction à l'accès au juge administratif est un obstacle d'ordre moral, psychologique puisque dans la société, il est de mise de constater une méfiance des justiciables envers la juridiction administrative. Cette peur du juge administratif est compréhensible et peut résulter de l'idée reçue selon laquelle le citoyen affronterait directement la puissance publique. Historiquement, la justice administrative était rendue par le roi et ses fidèles fonctionnaires ce qui a eu pour résultante un doute sur la réelle indépendance et impartialité de la juridiction administrative. La jurisprudence du Conseil d'État a évolué dans ce sens et certaines techniques permettent de garantir l'impartialité de la juridiction administrative. En effet, il existe la possibilité pour le juge administratif de se récuser en cas de conflit d'intérêts, le juge peut également décider de s'abstenir de juger et se faire remplacer ou encore lorsque l'impartialité du juge est contestée, le renvoi de l'affaire peut être décidé. Enfin, les textes de loi sont souvent incompréhensibles et intelligibles ce qui rend encore plus dissuasive l'introduction de l'instance devant le juge administratif.
Ainsi, bien que garanti, l'accès au juge peut se révéler compliqué ce qui entrave l'action en justice, mais avec les réformes et les lois de simplification, on peut espérer une procédure plus accessible, car même si d'un point de vue juridique l'accès au juge est un droit pour tous, en pratique c'est un droit restreint et difficile à mettre en oeuvre.