Que ce soit en matière administrative ou civile, l'évolution de la législation ainsi que celle de la jurisprudence s'orientent vers une meilleure indemnisation de la victime en favorisant l'engagement de la responsabilité de la personne à l'origine de son préjudice.
Ainsi, il est intéressant de s'interroger sur le recul réel de la faute dans l'engagement de la responsabilité civile délictuelle. Dans un premier temps, nous verrons en quoi la faute constitue la pierre angulaire de la responsabilité délictuelle (I) avant de nous interroger sur ses affaiblissements en faveur des victimes (II).
I. La faute comme une condition essentielle à l'engagement de la responsabilité civile délictuelle
A. Les différentes fautes engageant la responsabilité civile délictuelle
B. L'affaiblissement de la faute par l'acceptation du risque et les excuses
II. Le recul de la faute face à l'indemnisation des victimes
A. L'indemnisation automatique des victimes
B. Une persistance de la faute
I. La faute comme une condition essentielle à l'engagement de la responsabilité civile délictuelle
La faute est le fondement traditionnel de la responsabilité civile, mais elle se décline en plusieurs types de fautes pouvant engager la responsabilité délictuelle de manière plus ou moins difficile (A), cependant la faute est concurrencée par certaines hypothèses légales qui empêchent l'indemnisation de la victime (B).
La notion de faute renvoie à un acte illicite engageant la responsabilité de son auteur et la faute est caractérisée par un élément objectif (violation d'une obligation juridique) et un élément moral (imputabilité de la faute à l'auteur).
Il y a deux catégories de fautes : les fautes par omission et les fautes par action. Il est évident que la faute par omission ne nécessite pas de réalisation d'actes, mais son absence (exemple : non-assistance à personne en danger) permet d'engager la responsabilité de son auteur de manière plus simple ce qui favorise l'indemnisation de la victime.
Ainsi la faute peut aussi être différenciée selon le caractère intentionnel ou non, mais l'intentionnalité compte peu dans l'indemnisation de la victime en matière civile.
Il existe des circonstances dans lesquelles la responsabilité de l'auteur ne peut pas être retenue à cause de l'acceptation du risque par la victime. En effet dans le cadre par exemple d'un sport de combat, la victime est considérée comme connaissant le risque de blessures de ce sport et puisqu'elle a accepté de prendre ce risque elle ne peut pas imputer la faute à l'origine de sa blessure à son adversaire.
Ensuite, la victime de l'infraction ne peut pas se prévaloir d'une faute dont elle aurait elle-même eu un rôle dans sa commission. Dès lors que la victime a une implication dans son préjudice de sorte à être en relation de cause à effet avec la faute alors elle ne peut pas prétendre à une réparation.
II. Le recul de la faute face à l'indemnisation des victimes
De plus en plus, la jurisprudence admet l'engagement de la responsabilité civile délictuelle beaucoup plus facilement en ne cherchant plus l'intention (A), cependant la faute garde une place importante dans la jurisprudence et la pratique (B).
En pratique, il n'y a pas de distinction entre la faute intentionnelle ou la négligence, car les juges se positionnent sur l'article 1240 et non 1241 du Code civil.
Pourtant, historiquement il y avait une exigence de l'existence d'un discernement pour enclencher la réparation. Ainsi dans les années 60, le législateur a instauré un article 414-3 du Code civil qui prévoit la réparation d'un fait commis par une personne sous l'empire d'un trouble mental. De plus dans plusieurs arrêts du 9 mai 1984 rendus par l'assemblée plénière de la Cour de cassation, cette dernière admet la responsabilité des enfants même lorsqu'ils commettent une faute par maladresse ce qui marque la fin de l'exigence de discernement et favorise grandement la réparation des victimes.
Ensuite dans le cadre de la responsabilité du fait des choses, la loi du 9 avril 1898 a instauré une réparation automatique des accidents du travail sans qu'il soit nécessaire de démontrer une faute de l'employeur. Enfin, il y a une présomption de responsabilité dans le régime de la responsabilité du fait des choses, présomption posée par l'arrêt Jand'heur.
Ainsi, il parait évident qu'il y a un bien un recul de la faute en matière de responsabilité civile délictuelle.
Même si la Cour de cassation a tendance à supprimer l'exigence de discernement qui constitue l'élément moral et subjectif de la faute, elle continue à caractériser une faute dans le domaine de la responsabilité du fait personnel. En effet, il y a un phénomène d'objectivisation de la faute de sorte que la faute ne soit en pratique constituée par un seul élément matériel qui est la violation d'une obligation légale, règlementaire ou même d'une obligation non prévue expressément par un texte de loi. Ainsi l'enjeu à venir est d'éviter les réparations trop automatiques lorsque l'obligation violée n'est pas une obligation écrite afin d'éviter les dérives du juge civil.