La Constitution dispose de deux définitions principales, la première résidant dans son sens matériel, la seconde dans son sens formel. Ainsi, selon le Lexique des termes juridiques, au sens purement matériel, la Constitution correspond à un ensemble de règles soit écrites, soit de nature coutumière, déterminant la forme d'un État, mais encore la dévolution et l'exercice du pouvoir. D'autre part, au sens formel, la notion de Constitution renvoie à un document relatif aux institutions politiques et dont le processus d'élaboration et de modification obéissent à une procédure distincte de la procédure législative classique. Ici, ce constat renvoie directement à la notion de constitution rigide et permet aux règles qui en bénéficient une force juridique particulière au sein de la hiérarchie des normes, situant la constitution au sommet de cette hiérarchie des règles de droit. Cette notion de constitution rigide est opposée à une autre notion, à savoir : la constitution simple ; celle-ci ne se distingue en aucune manière des autres règles de droit, occupant ainsi le même rang hiérarchique que celles-ci et pouvant finalement la modifier.
Le pouvoir politique renvoie à un pouvoir effectivement exercé au sein d'une société politique ; il s'agit, en d'autres termes, toujours d'après le Lexique des termes juridiques, de l'ensemble de groupes sociaux au sein duquel « le destin des hommes est envisagé globalement ». Même si les sociétés politiques ont pu revêtir diverses formes, actuellement, la forme principale des sociétés politiques réside dans la notion d'État-nation. Cette notion renvoie à une coïncidence entre un État et une nation, elle-même établie sur un territoire particulier et qui est déterminée par une identité commune de sa population, lui consacrant ainsi sa légitimité. En d'autres termes, il s'agit de la réunion de deux ordres d'idées distinctes, à savoir : une notion politique et juridique qui renvoie à l'État lui-même, mais aussi d'une notion identitaire résidant dans la notion de nation. Ce concept politique s'analyse comme constitutif d'une autorité particulière basée sur une souveraineté découlant directement des citoyens formant une communauté de nature politique, culture, et finalement ethnique.
De ces constats, il convient de retenir que l'Etat, qui est une personne morale, doit bénéficier d'un statut pour pouvoir exister : c'est donc la Constitution qui lui sert de statut. L'Etat, lorsqu'il se forme, se donne une constitution qui contient alors l'ensemble des règles à la dévolution du pouvoir, à son exercice, et finalement l'ensemble des compétences relevant de cet État.
En vérité, il peut être retenu que la notion de pouvoir renvoie à des expressions d'autorité dans un État, à l'image des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Le pouvoir politique correspond donc à une autorité souveraine, à une puissance politique qui renvoie classiquement au gouvernement d'un État. Finalement, il faut noter que les détenteurs du pouvoir, ainsi que la manière dont ils ont pu obtenir le pouvoir et dont ils peuvent le perdre dépendent de considérations purement internes, étatiques. C'est par ailleurs la Constitution qui prévoit la séparation des pouvoirs en France selon le principe de la séparation des pouvoirs, évitant ainsi que tous les pouvoirs ne soient contenus et exercés au sein des mêmes institutions. Le pouvoir politique constitue donc véritablement la source du droit, mais aussi de toutes les institutions étatiques ; par voie de conséquence, le pouvoir politique permet l'établissement des différents organes qui exercent non seulement l'autorité, mais assurent le fonctionnement de celle-ci, il prévoit enfin les différentes normes devant être respectées et les sanctions qui doivent être apportées à tout manquement de ces dernières. Toutefois, le pouvoir politique ne dispose pas d'un pouvoir absolu en ce qu'il est contraint de se soumettre au droit ; par exemple, dans le cadre de la révision de la Constitution, le pouvoir politique doit nécessairement respecter les règles qui encadrent cette modification. Cela permet, in fine, que soit respecté l'État de droit même si une certaine inégalité existe entre les gouvernants d'une part, les gouvernés d'autre part, au regard plus précisément de l'obéissance des seconds envers les premiers.
Dans quelles mesures la Constitution, en tant que statut de l'État, permet-elle une limitation dans l'exercice du pouvoir politique ?
Si la Constitution participe effectivement à l'encadrement de l'exercice du pouvoir politique (I), il n'en demeure pas moins qu'en dehors même du processus de révision de la Constitution, les institutions ont pu évoluer (II).
I. La Constitution en tant qu'instrument d'encadrement du pouvoir politique
A. La Constitution : la complexité d'une notion à définir
B. Le contenu de la Constitution : un facteur clé de la limitation du pouvoir politique
II. La transformation des institutions en dehors du processus révisionnel de la Constitution
A. L'influence de la pratique politique sur le fonctionnement du pouvoir politique
B. Le système institutionnel impacté par les « conventions de la Constitution »
I. La Constitution en tant qu'instrument d'encadrement du pouvoir politique
La Constitution, et plus précisément son contenu, revêt le caractère d'un instrument d'encadrement du pouvoir politique (B). Ce contenu est en effet un facteur clé dans le cadre de la limitation des possibilités d'actions du pouvoir politique en place. Néanmoins, cette notion de constitution au sens du droit constitutionnel doit être éclaircie pour mieux comprendre ses fonctions (A).
A. La Constitution : la complexité d'une notion à définir
Premièrement, il convient de noter que la Constitution est un ensemble de règles qui organisent la dévolution et l'exercice effectif du pouvoir. Or le sens actuel donné à la notion de Constitution n'a pas toujours prévalu dans la mesure où ces mêmes règles n'ont pas toujours été inscrites au sein d'un document juridique écrit. Ces règles ont d'abord été coutumières, c'est-à-dire qu'elles avaient été acceptées après un accroissement de précédents. Ces précédents ont de fait permis de considérer qu'il n'était plus possible d'agir différemment. Tel était par exemple le cas, en France, des lois fondamentales du royaume. Ces règles coutumières correspondent précisément à l'état de la société à un moment donné, mais elles souffrent d'une réelle indétermination. La nécessité de procéder à des constitutions dites écrites est apparue durant le siècle des Lumières. Ces constitutions devaient permettre de pallier tout retour à l'absolutisme ou au despotisme en réglant dans un seul et même document l'ensemble de la structure du pouvoir politique. Ce document permet donc de limiter, d'encadrer l'exercice du pouvoir politique ; il permet également d'instaurer un État de droit ; il constitue l'acte fondateur, mais aussi le statut juridique de tout État qui s'en dote. Ici, il est utile de noter que ce document juridique qu'est la Constitution peut aussi permettre de changer de régime politique et juridique en rompant, par exemple, avec les règles antérieures d'un autre régime (par exemple, la Constitution du 4 octobre 1958 instituant la Ve République).
Organisation, dévolution et exercice du pouvoir sont donc prévus et impactés par le texte constitutionnel ; cela correspond par conséquent à la définition matérielle de la notion de Constitution et donc à son contenu. De même, formellement, la Constitution renvoie à ce document juridique particulier qui ne peut être instauré et/ou modifié, révisé qu'en respectant une procédure propre et/ou par un organe prédéterminé directement par son contenu. Ces constats la distinguent de tout autre texte inséré au sein d'un ordonnancement juridique. La Constitution est donc un instrument de limitation du pouvoir politique.
B. Le contenu de la Constitution : un facteur clé de la limitation du pouvoir politique
D'abord la Constitution, en tant qu'acte fondateur d'un État, statut d'un État, contient des dispositions relativement au statut des gouvernants. C'est ici le but de cet instrument juridique : l'organisation de l'exercice du pouvoir. La Constitution (mais aussi tout le bloc de constitutionnalité tel qu'il résulte du droit constitutionnel français) contient donc les règles relatives à la manière dont le pouvoir politique pourra agir, mais aussi et surtout dans le respect de l'État de droit. Il existe par ailleurs trois pouvoirs distincts, à savoir : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et enfin le pouvoir judiciaire. Ces trois pouvoirs disposent de compétences complémentaires dans l'édiction des règles à caractère général et impersonnel face auxquelles l'ensemble des gouvernés devront se conformer ; dans la nécessité de veiller à l'application des lois par les actes administratifs réglementaires et les mesures individuelles ; enfin dans le règlement des litiges entre individus sur la base des textes à caractère général et impersonnel, et de prévoir les sanctions à tout manquement à ces textes.
C'est par rapport à ces trois pouvoirs en présence que la Constitution dispose d'un rôle primordial. En effet, celle-ci permet la définition du statut de l'ensemble des titulaires de ces trois pouvoirs, la détermination des procédures afin de pouvoir utilement et valablement édicter des normes et autres règles devant être respectées (par exemple, les articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui prévoit une délimitation du domaine de la loi et du règlement). Finalement, la Constitution permet de déterminer précisément les rapports entre les organes et institutions qu'elle a elle-même prévus (par exemple, l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur le fondement de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution).
Si la Constitution permet effectivement un encadrement et donc une limitation du pouvoir politique, il n'en demeure pas moins qu'en France, la transformation des institutions a pu être opérée en contrariété avec l'esprit, mais aussi la lettre de la norme suprême... (II).
II. La transformation des institutions en dehors du processus révisionnel de la Constitution
En marge du texte constitutionnel lui-même, parfois même en violation de son esprit ou de son texte, mais aussi en dehors du processus de révision de la Constitution, la pratique politique a permis, par ses effets, une transformation des institutions (A). Cela s'est également illustré sous le prisme des « conventions de la Constitution » (B). De la sorte, le droit constitutionnel français de la Ve République est constitué non seulement par des normes écrites, mais aussi par des règles non écrites.
A. L'influence de la pratique politique sur le fonctionnement du pouvoir politique
Tout d'abord, il convient de noter que le régime constitutionnel d'un État est influencé par la pratique politique. Cette pratique dépend, dans la pratique, de la personnalité des gouvernants ou encore des partis politiques ainsi que des stratégies dont les représentants décident de mettre en place. C'est bien en ce sens que l'équilibre institutionnel de la Ve République fut contrarié au bénéfice du pouvoir exécutif, et plus précisément encore des pouvoirs du Chef de l'État. Cela s'explique par deux facteurs : d'abord, la réforme du mode d'élection du Président de la République en 1962 ; puis, le poids politique de plus en plus accru par les titulaires de cette fonction, à commencer par la forte personnalité du Général de Gaulle. Ainsi, les dispositions constitutionnelles contenues au sein des articles 5, 20 et 21 ne sont pas respectées pleinement dans la pratique politique, en période de concordance des majorités. De plus, et bien que le texte constitutionnel n'en dispose pas ainsi, dans cette situation particulière, le Chef de l'État bénéficie d'un certain pouvoir de révocation du Premier ministre, Chef du gouvernement.
Par ailleurs, la situation inédite, non prévue par le texte constitutionnel lui-même, celle de la cohabitation, intervenue pour la première fois en 1981 sous la présidence de François Mitterand permet ce retour au strict respect des règles constitutionnelles. Le Chef de l'État, en pareille situation, revient à l'exercice de ses compétences propres prévues par la Constitution. De même, cette situation de la cohabitation permet la création d'un système politique à deux visages et qui varie en fonction du contexte politique en présence (soit le Président de la République détient une majorité parlementaire et il est soutenu par celle-ci, soit il en est dépourvu au bénéfice du gouvernement et du Premier ministre).
B. Le système institutionnel impacté par les « conventions de la Constitution »
Pour commencer, l'expression même de « conventions de la Constitution » renvoie directement aux travaux de Pierre Avril qui avait notamment participé à la reconnaissance de l'importance de la pratique politique et de ses effets sur le fonctionnement du système institutionnel. En réalité, ces « conventions de la Constitution » sont constitutives de règles non écrites, mais qui sont pourtant acceptées par les divers acteurs politiques en dehors des dispositions contenues dans le texte constitutionnel lui-même.
Toutefois ces normes, ces règles non écrites, sont bien des règles constitutionnelles, mais leur source est véritablement conventionnelle -et non formelle, car non contenues dans la Constitution ; et, leur nature est intrinsèquement politique. Néanmoins, il existe des règles pour que ces pratiques puissent revêtir le caractère d'une « convention de la Constitution ». Elles doivent en effet être répétées, mais aussi basées sur une interprétation de la Constitution considérée comme obligatoire par les acteurs de la vie politique (c'est ici l'opinio juris qui intervient dans le processus de la validation de ces conventions). Elles doivent finalement paraître basées sur l'esprit ou encore la marche même des institutions françaises. Il pourrait s'agir par exemple de cette habitude prise par le Premier ministre de démissionner après que soient intervenues les élections législatives ou bien l'élection présidentielle.
Sources :
- Lexique des termes juridiques, éd. Dalloz, 16e édition
- Pauline Turk, Les institutions de la Ve République, éd. Gualino, 2014
- Conseil constitutionnel