L'article 9 du Code civil est l'article qui pose en droit interne français le droit au respect de la vie privée. Nous allons donc, pour commenter cet article, commencer par développer la notion de vie privée avant de nous intéresser au régime de protection.



La notion de vie privée

Comme nous l'avons dit ci-dessus, le droit au respect de la vie privée est assuré par l'article 9 du Code civil en ce qu'il énonce que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Cet article fait ainsi de ce droit un véritable droit subjectif ce qui illustre la volonté du législateur de protéger le droit à la vie privée au même titre que d'autres droits et libertés fondamentaux, mais qui sont eux, pour la plupart, protégés par des textes de rang plus élevé.

Il convient également de préciser que le Conseil Constitutionnel a, en 1995, assuré une protection constitutionnelle au droit au respect de la vie privée en l'intégrant dans la notion de liberté individuelle. Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 18 janvier 1995, a donc assuré une assise constitutionnelle à la protection de la vie privée en considérant que « la méconnaissance du droit au respect de la vie privée peut être de nature à porter atteinte à la liberté individuelle ».

Il existe cependant une difficulté dans la définition de la notion, en effet, qu'est-ce que la vie privée, de quoi s'agit-il ? La vie privée n'étant pas définie par le texte il est légitime de se demander ce que cette notion recouvre. Cette difficulté n'est pas propre au droit français puisque cette notion n'est pas non plus définie par la Convention européenne des droits de l'homme, tout au plus la Cour européenne des droits de l'homme a tenté de définir cette notion dans une décision de 2006 dans laquelle elle a pu préciser que la vie privée englobait le droit à l'auto-détermination, le droit au développement personnel, le droit d'établir et d'entretenir des rapports avec d'autres êtres humains et le monde extérieur. Pour la doctrine américaine, « The right to privacy » désigne le droit pour un individu de rester anonyme, de ne pas être exposé au public. L'approche américaine rejoint l'approche classique française qui a été résumée par Jean Carbonnier dans son traité de droit civil dans lequel il a indiqué que « la vie privée d'une personne correspond à la sphère secrète de sa vie d'où elle aura le pouvoir d'écarter les tiers ». En ce sens, la notion de vie privée se confondait avec la notion d'intimité de la personne et c'est précisément ce que l'on retrouvait dans la jurisprudence antérieure à 1970.

Cette approche de la « vie privée » n'étant pas satisfaisante en ce qu'elle était bien trop étroite, la doctrine et la jurisprudence ne se sont pas limitées à la notion d'intimité et, depuis lors, elles n'ont pu dresser qu'une liste approximative de ce qui relève de la vie privée d'une personne tant la notion est complexe, mais cette liste est plus large que cette notion étroite d'intimité. La doctrine a tenté de donner une définition négative en opposant « vie privée » et « vie publique » en considérant qu'il est plus facile de définir la vie publique d'une personne que sa vie privée. Dès lors, il convient de s'intéresser à la définition de la « vie publique ». La notion de vie publique englobe la vie professionnelle d'une personne ainsi que sa participation à des activités qui sont exercées en public. Cependant, cette frontière n'est pas aussi simple à fixer puisque cela se complique lorsque l'intéressé a fait « don » de sa personne au public, à ce titre nous pouvons mentionner les acteurs, les chanteurs ou encore les hommes politiques. Dans ce cas, il y a presque fatalement une part de la vie privée de ces personnes qui tombe dans le domaine public et à ce titre la jurisprudence considère que le caractère notoire d'un élément fait perdre à l'intéressé le droit à une protection. À titre subsidiaire, il convient également d'indiquer que les faits anodins, c'est-à-dire ceux qui ne présentent que très peu d'intérêt, ne sont pas protégés.

Enfin, il convient de préciser que la protection du droit à la vie privée englobe également la protection de l'image et de la voix. En effet, il s'agit d'une extension qui résulte de la jurisprudence qui a assimilé à la protection de la vie privée la protection de l'image et de la voix. À ce titre, le droit à l'image est protégé, quel qu'en soit le support (photographie, film, dessin, jeu vidéo, caricature, etc.) tout comme le droit à la voix.

Nous allons à présent développer le régime de protection.


Le régime de protection

Plusieurs conditions sont nécessaires pour qu'une personne puisse prétendre à la protection de sa vie privée, de son image ou de sa voix et ce n'est que lorsque ces conditions sont réunies qu'il est possible de sanctionner l'atteinte. Nous commencerons donc par développer ces conditions avant de nous intéresser aux sanctions attachées à la méconnaissance du droit à la vie privée.


- Les conditions


Les bénéficiaires de cette protection :

Qui sont les bénéficiaires de cette protection ? L'article 9 du Code civil énonce que « chacun a droit au respect de sa vie privée », la protection de la vie privée, du droit à l'image ou encore du droit à la voix est donc universelle, c'est-à-dire qu'elle profite à tous, et ce tant que l'autorisation n'a pas été donnée.

Il faut tout de même noter que le droit au respect de la vie privée est un droit personnel qui est donc intransmissible et plus particulièrement le droit d'agir pour le respect de la vie privée s'éteint au décès de la personne, seule titulaire de ce droit.


L'incidence de la complaisance de l'intéressé :

Seul l'individu a la capacité de fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur sa vie intime, c'est-à-dire qu'il est le seul à pouvoir déterminer les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir et il n'y a pas d'atteinte à sa vie privée dès lors qu'il a autorisé la publication. Il n'est certes pas nécessaire que son autorisation soit expresse (celle-ci pouvant être tacite), mais son consentement doit être certain. À ce titre, il convient d'indiquer qu'une tolérance passée ne peut pas être assimilée à une autorisation.

Il y a une petite particularité s'agissant du droit à l'image. En effet, celui-ci se démarque du droit au respect de la vie privée parce que l'autorisation de reproduire l'image d'une personne ne vaut que pour la publication pour laquelle l'autorisation a été donnée. L'autorisation est donc limitée à son objet et à sa cause.

Est-il nécessaire de prouver une faute pour voir l'atteinte sanctionnée ?

Ici, il est question de savoir si la victime de l'immixtion doit prouver la faute de l'auteur de l'atteinte. La réponse donnée ici doit être négative, en effet il n'est pas nécessaire pour la victime de démontrer l'existence d'une faute ni même d'un dommage. La Cour de cassation a notamment affirmé qu'il suffit pour la victime de prouver l'atteinte à sa vie privée, de prouver que le fait révélé au public porte sur sa vie privée pour obtenir réparation.


- Les sanctions

Il existe différentes sanctions en cas d'atteinte à la vie privée. Il y a à la fois un volet pénal et un volet civil.

Concernant le volet pénal, il s'agit d'un délit qui est sanctionné à l'article 226-1 du Code pénal par « un an d'emprisonnement et [...] 45 000 euros d'amende ».

Concernant le volet civil, les sanctions figurent à l'article 9 alinéa 2 qui énonce que « les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé ».

Parmi les sanctions civiles, il est donc possible d'opérer une distinction entre les sanctions préventives et les sanctions réparatrices ou punitives.

Au titre des sanctions préventives, il convient de mentionner le fait qu'il est possible de saisir, s'il y a urgence, le juge des référés qui va prononcer des sanctions provisoires dont l'objectif est de faire cesser l'atteinte et, pour éviter que celles-ci ne prennent fin, il faut saisir le juge de droit commun pour que celui-ci se prononce sur le fond de l'affaire et rende définitif les mesures. Les mesures prises en référé sont prises en amont et ont donc pour objectif d'empêcher les atteintes.

Au titre des sanctions réparatrices et punitives, il faut mentionner la condamnation à verser des dommages-intérêts qui est, à cet égard, la sanction la plus répandue. Ces dommages-intérêts visent à compenser le préjudice subi par la victime de l'atteinte. Le juge peut également prévoir d'autres mesures afin de sanctionner l'atteinte comme l'obligation de faire paraître la décision de condamnation ou encore la condamnation à insérer dans l'article même du journal un communiqué judiciaire venant préciser que certains passages sont attentatoires à la vie privée de la personne, voire que certains passages ont été supprimés par la décision de justice.


Sources : Article 9 du Code civil, article 221-1 du Code pénal


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