Les responsabilités prévues à l'article 1242 du Code civil aujourd'hui sont la responsabilité du fait d'autrui et la responsabilité du fait des choses. Pour ce qui est de la responsabilité du fait des choses, il n'y a pas de difficultés en ce que l'on est propriétaire ou à tout le moins gardien de la chose qui a causé un dommage à autrui. Il semble donc naturel qu'une telle responsabilité soit disposée dans la loi.

Cependant, la notion même de responsabilité d'autrui pourrait poser des difficultés. En effet, une telle responsabilité implique d'être déclarée et donc sanctionnée pour le fait d'autrui. Or, une telle hypothèse n'est pas possible en pénal où on ne peut être responsable que pour son fait personnel.

Cependant, la matière civile ne tend pas à punir, mais à réparer le dommage causé au mieux, comme s'il n'avait jamais eu lieu. Alors une telle notion n'a plus réellement de caractère étonnant.

Cependant plus que son contenu général même, l'article 1242 du Code civil présente l'intérêt d'avoir été à priori modifié par la réforme de 2016 après plus de 200 ans sans que l'article 1384 ne change.

Une évolution par rapport à l'article 1384 a-t-elle donc eu lieu suite à l'ordonnance du 10 février 2016 ?

La réforme n'a pas fait évoluer l'article 1242 du Code civil (I), mais ceci ne traduit pas un immobilisme du droit de la responsabilité visée ici (II).


I. La copie conforme de l'article 1384 ancien
II. Une efficacité traduite par l'absence d'évolution


I. La copie conforme de l'article 1384 ancien

La lecture seule des deux articles côte à côte retransmet cette reprise conforme de la lettre de l'ancien texte. Pas une seule virgule n'a été changée. La réforme n'a amené qu'au changement du numéro de l'article en passant de 1384 à 1242.

Les responsabilités évoquées dans la loi sont toujours les mêmes : la responsabilité générale du fait d'autrui et des choses de l'alinéa 1er, ainsi que les responsabilités plus spécifiques aux alinéas suivants, des parents du fait de leurs enfants, du commettant du fait des préposés, des instituteurs et artisans du fait de leurs élèves, et de la responsabilité de l'immeuble qui a subi un incendie et a causé un dommage à autrui.

Il n'y a pas non plus eu de remise en cause de la jurisprudence Blieck sur la responsabilité générale retenue par la Cour de cassation, ainsi que les conditions énoncées par elle (Cass. Ass. Plén. 29 mars 1991, n 89-15.231). Sur ce point notamment, on pourrait se demander pourquoi par le biais de cette réforme le législateur n'en a pas profité pour reprendre cette jurisprudence de principe en modifiant la lettre du texte. En effet, cette jurisprudence n'est qu'une interprétation donnée par la Cour de cassation sur le sens et la portée du 1er alinéa de l'article 1384 qui n'était à l'origine qu'introductif. Mais rien n'a été fait par la réforme de 2016.

Ceci est la représentation même du simple changement de numérotation, mais de la conservation à l'identique du contenu de l'ancien article 1384 : le droit positif est efficace et clair. Il n'est pas nécessaire de le changer.


II. Une efficacité traduite par l'absence d'évolution

Un texte de loi se doit en principe d'être général et clair. Une loi qui ne répondrait pas à ce caractère d'intelligibilité de la loi devrait être déclarée inconstitutionnelle. Une telle clarté peut être trouvée dans un texte qui n'a pas évolué, mais est toujours en vigueur.

En effet, si les articles du Code civil n'ont pas changé en 200 ans tel que l'article 1382 devenu 1240 qui énonce que « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », ou dans le cas présent l'article 1242, c'est que la loi répond au principe de généralité et de clarté. Les détails sont laissés à la jurisprudence.

En soi, il n'est pas nécessaire de changer le droit en vigueur qui est efficace.

Pourtant la réforme sur le droit des obligations et par la suite la réforme prévue sur la responsabilité tendent à une modernisation. Les changements résultent d'une réévaluation des solutions du droit positif et de la modernisation nécessaire pour adapter le droit à notre société. Cependant, une telle adaptation n'a pas été prévue pour l'article 1242 du Code civil.

Il est question de préciser les choses dans d'autres articles du Code civil comme l'article 1246 sur la responsabilité des parents du fait de leurs enfants en supprimant la mention « mineurs habitant avec eux ». Pour autant, celle-ci demeure dans l'article 1242.

Cela risque peu d'être un oubli de la part du législateur. L'article 1242 resterait donc inchangé en demeure efficace dans sa généralité. Les précisions et changements seront renvoyés aux articles suivants et plus spécifiques du Code civil.



Un texte clair et général aura tendance à rester inchangé longtemps. Même si des changements ont lieu autour de lui, si sa lettre ne change pas, c'est que le texte est efficace. C'est une interprétation qui peut être retirée de l'absence de changement sur le fond ou la forme de l'article 1242 face aux réformes visant la modernisation. Le texte est suffisamment bien rédigé pour faire face à la modernisation, même s'il est originaire d'une autre époque.


Sources : articles 1242 nouveau et 1384 ancien du Code civil, Conseil constitutionnel, Projet de réforme de la responsabilité civile