Dans le cas d'espèce ici jugé et rapporté par la Cour de cassation, une vendeuse a consenti, en date du 22 mai 1987, une promesse de vente d'un immeuble à deux époux ; cette promesse unilatérale de vendre était consentie jusqu'au 1er septembre 1987. Or le 26 mai 1987, la promettante se rétracte et décide alors de ne plus vendre son bien. Toutefois, le 10 juin de la même année, les époux bénéficiaires de la promesse décident de lever l'option et décident d'assigner la promettante en réalisation forcée de la vente.

En d'autres termes, pendant la durée de l'option, période pendant laquelle il est possible pour tout bénéficiaire d'une promesse unilatérale de contracter de lever l'option, et donc de contracter, la promettante a décidé de se rétracter et donc de retirer sa promesse.

Néanmoins, la Cour d'appel de Paris, le 8 novembre 1990, a décidé de débouter de leur demande les époux évincés ; pour eux, la promesse unilatérale de vente revêt, pour le promettant, une obligation de donner alors que les juges de la Cour d'appel de Paris ont retenu qu'il s'agissait au contraire d'une obligation de faire.

Mécontents de cette décision, les ex-bénéficiaires de la promesse de vente se pourvoient en cassation. Dans cette décision, les juges de la Troisième chambre civile de la Cour de cassation ont exclu toute exécution forcée en nature de la promesse de vente. En effet, les juges ont retenu qu'il n'existait qu'une obligation de faire et donc de conclure le contrat projeté. De plus, cette obligation de faire ne saurait être susceptible d'exécution forcée en nature. Parce que les bénéficiaires de la promesse n'ont pas, pendant la durée de l'option, déclaré acquérir le bien et parce que la levée d'option, intervenue postérieurement à la rétractation de la part de la promettante, a exclu une rencontre des volontés de vendre et d'acquérir de chacune des parties, le moyen invoqué par les demandeurs au pourvoi n'est pas fondé.


Dans quelles mesures la révocation de l'engagement contractuel, par la promettante, que cette dernière a souscrit dans le cadre d'une promesse unilatérale de contracter, saurait-elle être sanctionnée par une exécution forcée en nature au seul profit des bénéficiaires de ladite promesse ?


Il est possible pour la promettante de retirer son offre de contracter dès l'instant où les bénéficiaires n'ont pas levé l'option (I) ; en effet, cette rétractation de l'offre de la part de la promettante exclut en vérité toute possible rencontre des volontés et, de ce fait, cette rétraction ne peut aboutir qu'à l'allocation de dommages et intérêts et non pas à l'exécution forcée en nature (II).


I. La possible rétraction de l'offre par la promettante, fonction de la levée d'option
II. Rétraction de l'offre et exclusion de toute rencontre des volontés réciproques de contracter


I. La possible rétraction de l'offre par la promettante, fonction de la levée d'option

Dans le cas d'espèce, la Troisième chambre civile de la Cour de cassation relève que les juges de la Cour d'appel de Paris ont "exactement retenu que (...) l'obligation de la promettante ne constituait qu'une obligation de faire" pendant toute la durée de l'option et donc pendant toute la période à l'occasion de laquelle les bénéficiaires étaient en droit de déclarer vouloir acquérir.

De la sorte, la seule conséquence juridique, en l'espèce, d'un retrait de la promesse unilatérale de contracter, avant que les bénéficiaires ne lèvent l'option dans le temps déterminé pour ce faire, ne peut entraîner pour sanction que l'octroi de dommages et intérêts. Nul effet ne saurait, pour les juges de la Cour de cassation, être attribué à une levée d'option postérieure à la révocation de la promesse unilatérale de contracter par la promettante.

De fait, il est impossible de pouvoir procéder à une quelconque exécution forcée de la convention projetée entre les parties. La Cour de cassation s'est en vérité, ici, basée sur les dispositions de l'article 1142 du Code civil et qui excluait de manière expresse toute possibilité d'exécution forcée, en nature, des obligations de faire, mais aussi des obligations de ne pas faire.


II. Rétraction de l'offre et exclusion de toute rencontre des volontés réciproques de contracter

Dans cette décision, les juges de la Troisième chambre civile de la Cour de cassation ont déclaré que le fait que les bénéficiaires lèvent l'option postérieurement à la rétraction de la promesse unilatérale de contracter par la promettante "excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir".

Ici, la Cour de cassation refuse tout bonnement l'exécution forcée de la vente et décide ainsi en vertu du principe de liberté contractuelle. Ce principe exige en effet que les futures parties au contrat décident librement d'entrer ou non dans une relation contractuelle. Cette décision se comprend dans la mesure où lorsque les bénéficiaires d'une promesse unilatérale de contracter lèvent l'option, promettant et bénéficiaires signent ce qui devient le contrat définitif. Et donc, comme en l'espèce, si la promettante rétracte son offre avant que les bénéficiaires ne lèvent l'option, il apparaît impossible de pouvoir utilement et légalement former un contrat, faute de la rencontre d'au moins une des volontés de contracter.

Or depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ayant modifié le régime juridique des obligations, cette solution prétorienne ne saurait être acceptée. Effectivement, d'après les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1124 du Code civil, le fait que la promesse unilatérale de contracter soit révoquée, rétractée, par le promettant ne peut empêcher "la formation du contrat promis", et ce, même si cette révocation intervient "pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter". Dit autrement, même si le promettant décide de rétracter son offre, le contrat promis entre les parties pourra être valablement formé.



Sources : Aurélien Bamde, Vademecum du patrimoine