Le 7 février 1934, le préfet de police a fait saisir le journal « L'Action française » à Paris ainsi que dans le département de la Seine. Alors, la société de ce journal a décidé d'engager une instance contre la décision du préfet directement devant le juge judiciaire pour que soit réparé le préjudice causé par cette saisie.

Cependant, le conflit sera élevé par le préfet de manière à déterminer laquelle des juridictions, judiciaire ou administrative, est compétente pour connaître des faits. Le Tribunal des conflits conclura à la reconnaissance d'une voie de fait entraînant nécessairement la compétence du juge judiciaire en la matière...

Cependant, en quoi consiste une voie de fait pour le Tribunal des conflits, quelles en sont les conséquences ?


I. L'instauration de la théorie de la voie de fait
II. Dans quels cas une voie de fait est-elle constatée ?


I. L'instauration de la théorie de la voie de fait

Il ressort des constatations du Tribunal des conflits que bien que le préfet dispose effectivement d'attribution en matière de police, celles-ci n'impliquent cependant pas la possibilité de saisir un journal, de manière préventive, sans que celle-ci ne soit finalement justifiée pour assurer « le maintien du bon ordre et la sûreté publique ».

Il décide donc de qualifier la saisie en cause de voie de fait, « la mesure incriminée n'a ainsi constitué dans l'espèce qu'une voie de fait », entraînant donc « la compétence de l'autorité judiciaire ».


II. Dans quels cas une voie de fait est-elle constatée ?

Le Tribunal des conflits a consacré, dans cette décision, la théorie de la voie de fait. Il considère qu'il existe deux possibilités de voie de fait dans la pratique : ainsi, il y a voie de fait lorsqu'une décision administrative est insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l'administration et porte finalement atteinte à une liberté ou au droit de propriété.

De même, il y a voie de fait dès lors que l'administration fait effectuer une exécution forcée d'une décision, dans des conditions irrégulières, et que celle-ci porte atteinte à une liberté ou au droit de propriété.

De ce fait, le juge judiciaire est alors compétent pour procéder à la constatation de cette voie de fait ; il est compétent pour enjoindre les autorités administratives de la faire cesser effectivement, et finalement d'ordonner que la réparation des préjudices subis du fait de cette action soit mise en oeuvre.



L'action de la part de l'administration s'étant placée hors du droit, il n'y a plus besoin de procéder à la séparation des fonctions administratives et judiciaires. En ce sens, seul le juge judiciaire se voit investi, comme le déclare le Conseil d'État d'une « plénitude de juridiction » : celui-ci dispose de toutes les possibilités aussi bien pour constater la voie de fait, que pour allouer des dommages et intérêts du fait des préjudices qu'elle a effectivement causés aux particuliers.


Sources : Conseil d'État ; Tribunal des conflits, du 8 avril 1935, 00822 ; Tribunal des conflits


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