Le particulier qui se voit conférer des droits par le droit de l'Union européenne est en mesure de former un recours contre l'État, lorsque celui-ci s'est rendu responsable d'un préjudice qui a été cause à ce particulier parce que l'État n'a pas respecté le droit de l'Union européenne.



Des questions posées par cet arrêt

Dans quelle mesure est-il possible pour un État membre d'engager sa responsabilité à l'égard d'un individu du fait d'erreurs commises par ses juridictions dans l'application du droit de l'Union européenne, voire dans une mauvaise application ou dans l'absence de toute application du droit de l'Union européenne ? Quid du manquement de ces juridictions à leur obligation de renvoi préjudiciel aujourd'hui prévu à l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ?

Si un État engage effectivement sa responsabilité, celle-ci pourrait-elle être écartée si une loi nationale ou toute autre règle de droit interne exclurait purement et simplement cette responsabilité voire la limiterait ?


Les considérations du juge de l'Union européenne

En fait, quelle est la solution retenue lorsqu'une juridiction nationale doit poser une question au juge de l'Union européenne en application des dispositions de l'article 267 dudit traité ?

Dans la pratique, deux solutions sont apportées à cette question. Ainsi, il est possible, si la Commission le souhaite d'effectuer à l'encontre de l'État un recours en manquement bien qu'en pareil cas, la Commission européenne se montre frileuse du fait de l'indépendance de la justice. La seconde solution réside dans l'engagement de la responsabilité de l'État par un individu, conformément à cette décision du 30 septembre 2003, Köbler, précisément lorsqu'une juridiction nationale refuse de saisir la Cour de justice de l'Union européenne lorsque l'une des parties au litige le lui demande expressément. La responsabilité extracontractuelle de l'État pourra alors être reconnue par les juges du Luxembourg.

Les États membres de l'Union européenne doivent alors réparer les dommages qui seraient causés à des particuliers lorsque le droit de l'Union européenne a été violé et que cette violation découle d'une décision de justice, statuant en dernier ressort. Cependant, les juges de la Cour de justice apportent des précisions : la règle de droit de l'Union européenne doit conférer des droits à ces individus ; la violation du droit de l'Union doit aussi être manifeste, et surtout il est nécessaire qu'existe un lien de causalité entre la violation alléguée et le préjudice ainsi subi. Alors, lorsqu'une législation nationale exclut purement et simplement une telle responsabilité, celle-ci devra nécessairement être écartée puisqu'elle est contraire au droit de l'Union européenne.

En outre, la Cour de justice retient que si le droit national de l'État membre peut tout à fait préciser des critères nécessaires à l'engagement de la responsabilité de l'État, il n'en reste pas moins que la Cour relève que ceux-ci ne peuvent exiger une faute plus grave encore que celle qui résulterait d'une méconnaissance manifeste du droit. Dans le cas contraire, la loi nationale ne sera pas appliquée dans la mesure où elle est contraire au droit de l'Union européenne.


En bref, que retenir de cette décision de la Cour de justice des communautés européennes ?

Cette décision de la Cour de justice des communautés européennes, en date du 30 septembre 2003, aff. C-224/01, a posé un principe en droit de l'Union européenne : il est possible d'engager la responsabilité de l'État lorsqu'une décision juridictionnelle, statuant en dernier ressort, violerait le droit de l'Union européenne lorsque cette violation est manifeste.

Le juge de l'Union européenne a précisé le caractère de cette violation en considérant que la violation est manifeste lorsque la règle effectivement violée est claire et précise ; il peut s'agir d'une violation délibérée de la part de l'État ; il pourra en outre s'agir du caractère excusable ou pas de cette erreur de droit. Finalement, cette responsabilité de l'État s'apprécie en fonction du principe qui a été violé par l'État.

En définitive, lorsqu'un particulier a subi un préjudice qui est né d'une décision d'une juridiction d'un État et qui a manifestement méconnu une disposition du droit de l'Union européenne, alors celui-ci est en mesure de demander la réparation de ce préjudice auprès de l'État, et ce, même pour le cas où une loi issue du droit national en prévoirait autrement. Il sera néanmoins nécessaire, à cet effet, pour le requérant particulier de prouver que le dommage dont il se plaint est le résultat d'une violation de la règle de droit de l'Union européenne.


Sources : Eur-lex,
https://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/droit-de-lunion-europeenne-letat-est-responsable-en-cas-de-violation-manifeste/h/9bed05cf1416641d1b32c9bcbdb8836f.html
Legal news, CVCE


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