Énoncé

La société MONZEN est une SARL qui a un capital de 50.000 ?, Bruno en est le gérant. La société connait des difficultés financières importantes depuis septembre 2011, qui s'aggravent de jour en jour. En août 2012, le déficit de la SARL s'élève à 314.000 ?. La société a beaucoup de mal à rembourser un crédit qu'elle a emprunté deux ans plus tôt. Le montant restant à rembourser du crédit dans les deux ans qui arrivent s'élève à 152.000 ?. Bruno peine à s'en sortir, d'autant plus que son chiffre d'affaires décroit dangereusement. Craignant le dépôt de bilan, qui s'avérait imminent, Bruno décide de conclure un contrat avec la société d'affacturage ESSENMES par laquelle cette dernière s'engage à payer par anticipation toutes les créances qui lui sont transférées, ainsi qu'à enregistrer les factures, procéder aux encaissements, relancer les débiteurs en cas de retard et assurer le service du contentieux en cas de non-paiement de ces derniers, le tout moyennant un taux à 19,5 %.

Huit mois après la conclusion de ce contrat, la société MONZEN ne parvient plus à faire face à son passif avec l'actif disponible. Elle dépose le bilan au greffe du tribunal le 1er avril 2013, une procédure collective est alors ouverte.

Que pensez-vous de cette situation ?


Corrigé

La société MONZEN doit faire face à des difficultés financières importantes, étant donné que ses pertes s'accroissent et qu'en même temps son passif décroit. Dans le but de sauver la situation, le gérant de la SARL, Bruno, décide de conclure un contrat hasardeux. En effet, il conclut avec la société ESSENMES un contrat d'affacturage à un taux exorbitant de 19,5%. Ainsi, huit mois plus tard, la société se retrouve en cessation de paiement, et dépose son bilan au greffe du tribunal le 1er avril 2013.

La décision hasardeuse de Bruno prise dans le but d'éviter la faillite est-elle susceptible de constituer une infraction pénale de banqueroute ?

Les articles L.654-1 et L.654-2 du Code de Commerce posent les éléments constitutifs de la banqueroute. Tout d'abord, l'article L.654-1 fixe la condition personnelle et la condition matérielle.

Pour la condition personnelle, les dirigeants d'une SARL sont inclus dans le champ d'application de la banqueroute puisque l'article vise toute personne qui a dirigé une personne morale de droit privé. En l'espèce, Bruno est le gérant de la SARL. Il est donc susceptible de se voir appliquer l'infraction de banqueroute.

Pour la condition matérielle, l'infraction est susceptible de s'appliquer dès lors que la procédure collective est ouverte. C'est le cas en l'espèce, puisqu'est dit qu'à la suite du dépôt de bilan au greffe du tribunal le 1er avril 2013, une procédure collective est ouverte.

L'article L.654-2 du Code de Commerce envisage plusieurs cas de banqueroute. Un de ceux qu'elle prévoit incrimine le fait d'avoir « dans l'intention (...) de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire (...), employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ». On retient de cet article deux éléments constitutifs de ce type de banqueroute, à savoir le maintien artificiel de l'activité de l'entreprise et le fait d'avoir adopté ce comportement intentionnellement pour retarder le dépôt de bilan.

En l'espèce, le maintien artificiel de l'activité de la société se caractérise par le fait que René ait conclu un contrat d'affacturage à un taux exorbitant de 19,5%. Dans un arrêt rendu par la Chambre criminelle le 13 mai 1991, elle qualifiait le taux d'un contrat d'affacturage de 15,9% comme générateur de « frais financiers importants (...) considéré même comme insupportable » pour l'entreprise. Ainsi, un taux à 19,5% est encore plus intenable pour la SARL de Bruno.

De plus, il faut avoir adopté ce comportement intentionnellement dans le but de repousser le dépôt de bilan. Or, il est indiqué que Bruno, craignant le dépôt de bilan, qui s'avérait imminent, a décidé de conclure le contrat d'affacturage. C'est donc bien pour repousser la date de dépôt de bilan que Bruno a conclu ce contrat.

Or cette situation, qui remplit toutes les conditions de la banqueroute, met potentiellement en péril la situation des créanciers de la société. Bruno encourt donc, d'après l'article L.654-3 du Code de Commerce, « cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ».


Sources : Droit Pénal des affaires, LGDJ, 2ème édition, Philippe BONFILS & Eudaxie GALLARDO ; Droit Pénal des affaires, Dalloz, édition 2016, Michel VÉRON


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