Énoncé

Jean est marié depuis 2 ans avec Jeanne avec laquelle il a eu un fils nommé Baptise. Jeanne est enceinte d’un deuxième enfant voire peut-être de jumeaux. Jean décide d’acheter une voiture plus grande afin que sa famille puisse voyager plus spacieusement. Cependant, il n’a pas le compte nécessaire pour payer comptant au vendeur et sa voisine Cécile lui consent un prêt.

Jean rencontrant des difficultés financières ne rembourse pas Cécile dans le délai de 2 mois, cette dernière décide donc de demander l’argent directement à son épouse Jeanne.

Enfin, la soeur de Jeanne, Julie, vient la voir pour lui demander conseil. Julie lui explique que son petit copain Adam lui a demandé sa main lors d’une sortie au restaurant, gênée par cette demande en public Julie a accepté, mais ne souhaitant pas se marier, elle quitte Adam. Adam lui réclame désormais de rendre la bague de fiançailles, bague appartenant à sa grand-mère maternelle, mais Julie souhaitant garder un souvenir de leur histoire d’amour ne veut pas la lui rendre, sachant que de toute manière elle n’a aucune valeur financière.

Jeanne vient vous consulter afin de savoir si elle doit rembourser Cécile et pour donner une solution à sa soeur Julie.

Résolution

En l’espèce, la créancière d’un emprunt demande son remboursement à l’épouse du débiteur initial.

Une femme rompt ses fiançailles et ne souhaite pas rendre à son ancien fiancé la bague.

En conclusion, se posent deux problèmes, le premier concerne l’existence d’une obligation pour une femme mariée de rembourser un emprunt effectué par son époux (I) et l’obligation de rendre une bague de fiançailles lors des ruptures de ces dernières (II).

I)  Le remboursement de l’emprunt par l’épouse

En droit, les époux mariés sont tenus de rembourser les dettes qu’ils contractent et dont ils bénéficient tous les deux, c’est-à-dire les dettes ménagères. Cette obligation s’applique s’il existe une dette ménagère (A) et si la dette remplit les conditions de la solidarité ménagère (B).

A)   L’existence d’une dette ménagère

En droit, les époux sont soumis tous deux à contribuer aux charges du mariage à proportion de leur faculté financière respective en vertu de l’article 214 du Code civil sauf si les époux ont conclu une convention contraire. Les charges du mariage mentionnées à cet article renvoient à toutes les dépenses de la famille y compris les dettes ménagères. Ce mécanisme de participation aux dépenses de la famille reste une obligation par principe même en cas de séparation de fait des époux. Les dettes ménagères sont les dépenses relatives à l’entretien du ménage (alimentaire, factures, vestimentaires, loyer, électroménager, cotisations de retraites, transport, loisir, employé de maison). Ces dépenses doivent avoir pour objet l’entretien du ménage et l’éducation des enfants.

En l’espèce, un mari achète une voiture plus grande pour satisfaire les besoins de sa famille qui va s’agrandir puisqu’elle « est enceinte d’un deuxième enfant voire peut-être de jumeaux. »

La voiture a été achetée, car le couple attend un second enfant et le mari décide d’emprunter pour acheter une voiture plus spacieuse. Cet achat a été fait dans le but d’entretenir le ménage et rentre donc dans la catégorie des dettes ménagères.

B)   L’application de la solidarité ménagère

En droit, l’article 220 prévoit dans son premier alinéa que « chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement. »  Les époux doivent rembourser la dette que chacun contracte par principe. Par exception, l’époux qui n’a pas contracté n’est pas obligé à la dette dans certaines hypothèses : si la dette est manifestement excessive, qu’il s’agit d’un achat à tempérament ménager consenti par un seul époux (fait l’objet d’un paiement fractionné), d’emprunt ne portant pas sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante consenti par un seul époux ou encore si la dette concerne un montant cumulé d’emprunts manifestement excessifs consenti encore une fois par un seul époux. Dans un arrêt de la 1re chambre civile rendu le 17 novembre 2010, la Cour de cassation rappelle que la solidarité ménagère s’applique sur toutes les dettes même non contractuelles tant qu’elles ont pour objet l’entretien du ménage et l’éducation du futur pour le présent comme le futur.

En l’espèce, un mari fait un crédit à sa voisine pour acheter une voiture afin de subvenir aux besoins liés à l’arrivée d’un second enfant. Le mari connaît des difficultés financières avec son travail et sa voisine demande le remboursement à son épouse.

La dette contractée par l’époux est une dette ménagère, étant donné qu’elle rentre dans ce régime elle fait jouer la solidarité ménagère entre époux. L’épouse sera donc dans l’obligation de rembourser le crédit fait par son mari, car la dette ne présente pas d’intérêt excessif ou inutile.

II)    La rupture des fiançailles

En droit, c’est la jurisprudence qui règle les majeurs problèmes liés aux conséquences des fiançailles notamment concernant le devenir de la bague de fiançailles. Concernant les cadeaux de manière générale, la jurisprudence a établi une distinction quant au devenir des cadeaux après la rupture des fiançailles selon que ce soient des cadeaux d’usage ou des cadeaux importants. Les cadeaux d’usage sont des présents de valeur modeste comme évoque l’article 852 du Code civil, ils sont souvent offerts par des tiers et sont conservés par ceux qui les reçoivent. Pour les cadeaux importants, en vertu de l’article 1088 du Code civil, leur donation devient caduque sauf dans le cas où le fiancé est fautif. En effet, si le fiancé est fautif, son cadeau peut constituer une indemnité au profit de sa fiancée. De plus, la jurisprudence a précisé dans un arrêt du 30 octobre 2007 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation que les bijoux de famille doivent être gardés par la personne qui les a offerts afin qu’ils restent dans l’héritage de la famille.

En l’espèce, la fiancée a rompu les fiançailles elle-même et ne souhaite pas rendre la bague qui est celle de la grand-mère de son ex-fiancé, car c’est une bague sans valeur financière.


En conclusion, la bague n’ayant pas une valeur financière n’est pas un cadeau important obligeant une restitution à celui qui l’a offert. Cependant, la bague constitue bien un bijou de famille puisqu’elle appartenait à la grand-mère du fiancé de sorte que la fiancée est dans l’obligation de lui restituer cette bague.