Résumé des faits et qualification juridique

Le propriétaire d'un magasin de bricolage a omis de balayer devant la porte de son magasin or, il avait gelé pendant la nuit. Un passant qui passait par là est tombé à la renverse en glissant sur une plaque de verglas en face de la boutique.

Dès lors, le passant souhaite poursuivre le propriétaire du magasin en raison de sa négligence qu'il estime inacceptable.

L'identification d'un problème de droit

Un passant peut-il obtenir réparation du préjudice résultant de sa chute sur une plaque de verglas devant un magasin dont le propriétaire n'a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir tout dommage ?

La majeure

Le propriétaire d'un immeuble adjacent au trottoir verglacé pourrait voir sa responsabilité engagée sur deux fondements :

- La responsabilité pour faute.
- La responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde.

Concernant la responsabilité pour faute :

La victime qui souhaite demander réparation pour le préjudice qu'elle a subi par la faute d'un individu pourrait agir en responsabilité en se fondant sur la responsabilité extracontractuelle qui figure aux articles 1240 et 1241 nouveaux du Code civil (anciennement articles 1382 et 1383 du Code civil).

Pour ce faire, trois éléments doivent être cumulativement identifiés :

- Une faute
- Un préjudice.
- Un lien de causalité entre les deux.

Concernant le préjudice, il peut s'agir aussi bien d'un préjudice matériel (une blessure, etc.) que d'un préjudice moral. Le préjudice doit cependant être certain, personnel, direct et licite.

Concernant le lien de causalité, il faut nécessairement que ce soit la faute qui soit à l'origine du dommage et qui a donc entraîné le préjudice.

Concernant la faute, pour qu'une faute soit retenue du fait de l'absence de déneigement ou du fait de l'absence de prise de mesures visant à éviter la formation de verglas, il est nécessaire qu'un arrêté ait été pris par la commune, arrêté imposant la prise de telles mesures. En effet sans arrêté, il ne peut y avoir de responsabilité.

À cet égard, il y a plusieurs illustrations de cela en jurisprudence notamment dans une affaire dans laquelle les juges du fonds avaient relevé que « la Ville de Suresnes apposait régulièrement une affiche rappelant aux riverains l'obligation, en cas de verglas, de jeter des cendres ou du sable sur la chaussée ». De cela, ils avaient déduit que l'habitant de l'immeuble devant lequel la victime avait glissé pouvait être condamné pour faute, solution que l'habitant de l'immeuble a contesté immédiatement en formant un pourvoi en cassation. La première chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 18 avril 2000 a ainsi censuré la décision des juges du fond au motif qu'ils n'ont pas indiqué quelle disposition légale ou réglementaire « imposait de telles mesures ». En effet, la Cour de cassation a considéré que le seul fait de procéder à une simple campagne d'affichage dans la ville n'était pas suffisant, la commune aurait dû prendre un arrêté en bonne et due forme, qui seul fera naître une véritable obligation réglementaire. Les juges du fond ont pris acte de cette décision puisqu'ils rejettent désormais le raisonnement selon lequel le déneigement est un comportement attendu de tout homme raisonnable lorsqu'aucun arrêté n'a été pris.

Il faut également noter que même si la condition tenant à l'adoption d'un arrêté municipal est remplie, la faute n'est pas pour autant caractérisée. En effet, comme l'a indiqué la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 27 octobre 1976, il faut que les juges du fond examinent les circonstances de l'affaire afin de déterminer s'il n'est pas excessif de demander au propriétaire qu'il balaie devant son immeuble. Dans cette affaire, il fut relevé : « qu'il neigeait depuis le matin, que la neige continuait à tomber vers 19 heures, heure de l'accident, et que l'obligation imposée aux riverains des voies publiques de balayer la neige devant leurs immeubles ne pouvait, à ce moment, recevoir application, la chute de neige s'accroissant sans cesse et rendant toute manoeuvre de balayage inefficace [...] ».

Concernant la responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde :

Par ailleurs, la victime qui souhaite demander réparation de son préjudice pourrait agir en responsabilité en se fondant sur l'article 1242 alinéa 1er du Code civil qui énonce que l'on « est responsable [...] des choses que l'on a sous sa garde ».

La responsabilité du fait des choses ne peut être engagée que si 3 conditions sont remplies, conditions différentes de celles de la responsabilité du fait personnel et cela permet notamment de s'exonérer de la preuve d'une faute. Les 3 conditions sont donc les suivantes :

- Il faut qu'il s'agisse effectivement d'une chose.
- Il faut que celle-ci ait joué un rôle dans la survenance du dommage.
- Il faut qu'un individu exerce un pouvoir de garde sur cette chose.

Concernant la chose, l'article 1242 alinéa 1er du Code civil est d'une généralité absolue. Aussi, aucune distinction ne doit être faite entre les choses mobilières et les choses immobilières, entre les choses dangereuses et les autres. Ce peut donc être une chose quelconque.

Ensuite, concernant le fait que la chose ait joué un rôle dans la survenance du dommage, c'est-à-dire qu'il faut qu'elle ait joué un rôle actif.

Enfin, concernant la garde de la chose, depuis l'arrêt Franck rendu par la Cour de cassation en chambres réunies le 2 décembre 1941, les juges de la Cour de cassation rattachent la garde d'une chose aux pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle qu'une personne exerce sur elle. À cet égard, la Cour de cassation, notamment dans un arrêt de sa deuxième chambre civile du 16 mai 1984, fait peser une présomption de garde sur le propriétaire de la chose.

La mineure

Concernant le cas de la responsabilité pour faute :

En l'espèce, même si le préjudice est certain puisqu'il ressort de l'atteinte à l'intégrité corporelle qui résulte de la chute qu'a fait le passant en glissant sur la plaque de verglas en face de la boutique du propriétaire (les blessures), rien ne semble indiquer qu'un arrêté municipal ait été pris afin de prescrire des mesures de déneigement ou des mesures visant à éviter la formation de verglas. Dès lors, la faute ne semble donc pas pouvoir être retenue et, de ce fait, écarte l'application du régime de la responsabilité pour faute à l'encontre du propriétaire.

Concernant la responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde :

En l'espèce, comme nous l'avons dit ci-dessus, on présume que le propriétaire d'une chose en est le gardien. Dès lors, le passant qui glisse sur une plaque de neige ou de verglas doit agir, pour obéir aux conditions l'article 1242 alinéa 1er du Code civil, contre le « gardien de la chose ». Or le propriétaire d'un magasin de bricolage n'est pas propriétaire du trottoir, qui appartient au domaine public, ni même de la neige ou du verglas qui s'y trouve. La condition de la garde de la chose n'est donc pas remplie puisque le trottoir est situé devant le magasin et, par conséquent, le verglas qui s'y trouve n'appartient pas au propriétaire du magasin. Or, les trois conditions pour que la responsabilité du fait des choses puisse être engagée, étant cumulatives, le passant victime d'une chute ne pourra pas obtenir réparation de son dommage auprès du propriétaire du magasin de bricolage puisque l'une d'entre elles n'est pas remplie.

Conclusion

Concernant le cas de la responsabilité pour faute :

Par conséquent, la victime de la chute ne pourra pas obtenir réparation de son préjudice auprès du propriétaire du magasin de bricolage puisque ce dernier n'a commis aucune faute en l'absence de disposition légale ou réglementaire lui imposant de balayer devant sa porte pour prévenir la création de plaques de verglas devant son magasin.

Concernant la responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde :

Par conséquent, l'accident ayant eu lieu sur la voie publique, le passant qui a fait la chute ne pourra pas obtenir réparation sur ce fondement.


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