Énoncé
Le 17 mars 2016, alors que la famille X s'apprêtait à fêter les 14 ans de Mademoiselle Léa X, cette dernière sort en pleurant de sa chambre expliquant que le concubin de sa tante, monsieur T, venait d'exercer sur elle des pénétrations.
La famille prit très au sérieux les accusations et décida d'engager des poursuites pénales à l'encontre de monsieur T pour viol incestueux.
Ce dernier sera condamné à 20 ans de prison.
Avant le début de la journée, le fils de la famille X avait mal au ventre et décida de prendre les médicaments que lui avait vendus son professeur de chimie au lycée. Manque de chance pour le professeur, la directrice du lycée se rendit compte de la manoeuvre et alerta les autorités compétentes pour dénoncer cette vente illégale de médicaments.
Il sera condamné pour ces faits à 2 ans d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende.
Le même jour, le père de Léa était convoqué au tribunal pour vol de carte bleue, téléphone portable et chéquier dans une voiture qui stationnait en ville, il a été condamné à 1 an de prison avec sursis et 10 000 euros d'amende.
Chacun relève ici pour sa défense que le principe de légalité criminelle n'est pas respecté dans son cas et conteste les décisions qui ont été prises à leur encontre.
Monsieur T conteste ici le caractère « incestueux » du viol en ce que selon lui l'article qui précise les conditions pour que l'inceste soit retenu n'est pas assez précis et méconnaît le principe de légalité des délits et des peines.
Le professeur du fils de la famille X conteste sa condamnation en invoquant le fait que la référence aux « médicaments » pour la vente illégale est trop large et ne saurait être prononcée ainsi sans également méconnaître le principe de légalité des délits et des peines. Pour lui, la catégorie « médicaments n'est pas assez claire ».
Enfin, le père de Léa conteste l'arrêt rendu par le tribunal correctionnel, car il la trouve disproportionnée et explique que le texte qui l'incrimine n'est pas assez clair et précis.
Après avoir rappelé le contenu du principe de légalité criminelle, vous démontrerez que chaque condamnation est bien respectueuse de ce principe.
Résolution
I) Principe de légalité criminelle
Le principe de légalité criminelle, légalité des délits et des peines, est la nécessité pour le législateur de définir dans la loi les comportements incriminés ainsi que les sanctions qui correspondent à ces comportements.
Il a valeur constitutionnelle en ce qu'il est prévu aux articles 7 et 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Il a également valeur conventionnelle en étant consacré à l'article 7 de la CEDH.
Ce principe de légalité criminelle a été consacré ensuite pour la première fois dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 janvier 1981 concernant la loi dite sécurité et liberté, le Conseil constitutionnel à l'époque souligne « la nécessité de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ».
II) Sur la condamnation pour viol incestueux
Dans sa défense Monsieur T invoque le fait que le texte incriminant son acte n'est pas suffisamment clair et précis, notamment sur sa qualité en tant que concubin de la tante de la victime qui ne permettrait pas de qualifier le viol comme « incestueux ».
Or, l'acte a été commis en date du 17 mars 2016.
La date n'est ici pas anodine, en effet, Monsieur T pensait probablement qu'en se référant au considérant du Conseil constitutionnel qui avait abrogé la loi du 8 février 2010 sur l'inceste au motif qu'elle n'était pas assez claire et précise, il obtiendrait gain de cause.
Mais, le 14 mars 2016, un nouvel article 222-31-1 du Code pénal dispose que :
« Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis sur la personne d'un mineur par :
1° Un ascendant ;
2° Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ;
3° Le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s'il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait ».
L'article délimite donc avec précision les personnes susceptibles de se rendre coupables d'inceste.
Dès lors, le principe de légalité criminelle est respecté.
III) Sur la vente illégale de médicaments
Le professeur de chimie conteste sa condamnation en expliquant que la justification du tribunal ne peut reposer seulement sur la vente illégale de médicaments, ce serait méconnaître le principe de légalité criminelle en ce que ce n'est pas assez précis.
Or, la Cour européenne des Droits de l'Homme pour ne pas enfermer le législateur dans une rigueur excessive a, dans son arrêt Cantoni c/ France du 15 novembre 1996, dégagé la technique des catégories générales.
Elle considère que la référence à la catégorie de « médicaments » est suffisant.
En somme, le principe de légalité criminelle est bien respecté.
IV) Sur la condamnation du père
Le père conteste sa condamnation, car il ne trouve pas les textes suffisamment précis.
Or, l'article 311-1 du Code pénal dispose que « Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ». L'article 131-3 ajoute que « Les peines correctionnelles encourues par les personnes physiques sont :
1° L'emprisonnement ; cet emprisonnement peut faire l'objet d'un sursis, d'un sursis probatoire ou d'un aménagement conformément aux dispositions du chapitre II du présent titre ;
2° La détention à domicile sous surveillance électronique ;
3° Le travail d'intérêt général ;
4° L'amende ;
5° Le jour-amende ;
6° Les peines de stage ;
7° Les peines privatives ou restrictives de droit prévues à l'article 131-6 ;
8° La sanction-réparation.
Ces peines ne sont pas exclusives des peines complémentaires prévues à l'article 131-10. »
Les conditions de la condamnation sont donc bien remplies et les textes sont clairs et précis, le principe de légalité criminelle est donc respecté.