Le 5 octobre 2019, alors qu'il se promenait dans une forêt appartenant à la commune, Bernard fait une chute dans une profonde crevasse. Une enquête révélera que le maire tardait à faire sécuriser cette crevasse, qui avait déjà provoqué un accident. À ce titre, il avait d'ailleurs émis un arrêté municipal quelques mois plus tôt, annonçant la réalisation de travaux, qui n'ont jamais eu lieu par souci d'économie. Bernard, ayant subi un ITT de 4 mois, déposa une plainte à l'encontre du maire pour blessures involontaires. Un ami l'informe qu'une loi nouvelle (et fictive !), entrée en vigueur le 5 novembre 2019, porte les peines principales maximales encourues à un an d'emprisonnement et 50 000 euros d'amende. L'article 222-19 du Code pénal réprime actuellement le délit de blessures involontaires d'une peine de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 30.000 euros...
Bernard s'adresse à vous, dans l'espoir que vous lui expliquiez l'issue de cette situation.
À la lecture des faits, le délit de blessures involontaires subi par Bernard s'est produit le 5 octobre 2019. La problématique à envisager est celle de l'application d'une loi nouvelle à des faits commis avant son entrée en vigueur. À noter que l'ensemble des indications relatives au dépôt de plainte contre le maire, ainsi qu'au contexte de l'infraction, ne sont que des données indicatives. Pour avoir un raisonnement clair, il faut d'abord étudier la nature de la loi nouvelle (I), pour finalement décider la loi applicable (II).
I. La nature de la loi nouvelle
II. La loi finalement applicable
I. La nature de la loi nouvelle
La nouvelle loi fictive du 5 novembre 2019 modifie la peine encourue pour le délit de blessures involontaires : elle diminue la peine d'emprisonnement maximale encourue à un an d'emprisonnement, mais augmente également le montant de l'amende encourue à 50 000 euros. On est ici en présence d'une loi complexe, puisque ses dispositions sont à la fois plus douces et plus sévères. Logiquement, on devrait en faire une application distributive, en vertu des principes de non-rétroactivité in péjus et de rétroactivité in mitius : ainsi, la diminution de la peine d'emprisonnement, étant de caractère plus doux, devrait s'appliquer aux faits commis avant son entrée en vigueur, tandis que l'augmentation du montant maximal de l'amende ne devrait être appliquée qu'aux faits commis après son entrée en vigueur, puisque plus sévère.
Par conséquent, en suivant cette logique, le maire encourt la peine d'emprisonnement d'un an prévue par la nouvelle loi, mais la peine d'amende de 30 000 euros prévue par les anciennes dispositions.
II. La loi finalement applicable
Mais les principes traditionnels relatifs au champ d'application dans le temps de la loi font obstacle à une application distributive des dispositions pénales anciennes et nouvelles. En effet, la circulaire d'application du Code pénal du 21 septembre 2017 a affirmé que les peines principales encourues pour une infraction forment un ensemble indissociable : il est donc nécessaire d'apprécier globalement la gravité des deux lois en présence, étant entendu que c'est la durée de la peine privative de liberté qui détermine la solution. C'est également la solution qui est appliquée par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 15 mars 1995 relatif au délit d'atteinte sexuelle.
En l'espèce, la nouvelle loi prévoit que les blessures involontaires sont punies d'un an d'emprisonnement et de 50 000 euros d'amende, tandis qu'anciennement, les peines étaient portées à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
Par conséquent, le maire encourt, au titre du délit de blessures involontaires, un an d'emprisonnement et 50 000 euros d'amende, puisque la peine privative de liberté est plus douce.