Le droit à la déconnexion : de quoi parle-t-on ?
Lorsque l’on évoque le droit à la connexion, il convient d’en comprendre qu’il s’agit d’un droit attribué à tout salarié de ne pas traiter ses messages, ni de répondre à des appels d’ordre professionnel et ce, pendant la durée du repos ou d’un congé. Autrement dit, il s’agit pour le salarié du droit de ne pas y répondre lorsqu’il n’est pas attendu de ce dernier qu’il travaille ou qu’il soit d’astreinte.Ce droit suppose que le salarié ne prenne absolument pas connaissance d’un message ou d’un appel dans la mesure où ces derniers constituent des informations et qu’en prendre connaissance, au regard du droit du travail, constitue en fait un travail.
Ces précisions étant réalisées, une question se pose car elle peut avoir des conséquences pratiques importantes. Dans quelles mesures le fait d’être destinataire d’un message professionnel, en dehors des temps de travail, constitue-t-il une violation à ce droit inscrit dans la loi ?
Pour répondre à cette bien épineuse question, il convient de se reporter à la jurisprudence. Ainsi, dans certains cas, comme dans la décision de la Cour d’appel de Rouen, le 26 janvier 2023, il a été considéré que le fait de recevoir un e-mail de la part de son employeur ne constitue pas une violation au droit à la déconnexion, même à l’occasion d’un temps de repos, dès lors qu’il n’existe aucune preuve quant à une obligation du destinataire d’y répondre ou de le traiter de manière immédiate (cf. n° 20/03889). Aussi, dans une décision de la Cour d’appel de Versailles, rendue le 12 mai 2022, pour le cas où le salarié décide de se connecter à sa boîte mail et de traiter des messages pendant le temps de repos qui lui est attribué, il ne saurait valablement s’agir d’une violation apportée au droit à la déconnexion de ce dernier. Il ne saurait donc s’en plaindre, l’employeur n’ayant pas en pareil cas commis de faute (cf. n° 21/00194).
La protection effective du droit à la déconnexion des salariés
Avant l’intervention de la loi à cet égard, il est opportun de noter que les tribunaux protégeaient déjà ce droit. Par exemple, et selon une logique somme toute imparable, la Cour de cassation avait considéré qu’un salarié injoignable en dehors de ses heures de travail n’est pas fautif (cf. Cass. soc., 17/02/2004, n° 01-45.889).Par ricochet, les dispositions de l’article L. 1121-1 du Code du travail intéressent le droit à la déconnexion. Elles intéressent plus exactement le régime applicable aux restrictions des droits des personnes, mais aussi aux libertés individuelles et collectives. Pour que ces restrictions soient valables juridiquement, celles-ci doivent être justifiées mais aussi proportionnées. L’on comprend aisément qu’il apparait non seulement injustifiée et encore plus disproportionnée la décision d’un employeur d’obliger ses salariés à être joignables à chaque instant et ce, même durant leur temps de repos.
Finalement, d’autres textes interviennent également à l’effet de garantir, de protéger ce droit à la déconnexion. Citons, entre autres, les dispositions relatives au repos quotidien et hebdomadaire (cf. article L. 3131-1 et suivants du Code du travail) ou bien les dispositions relatives aux durées maximales du travail (cf. article L. 3131-1 et suivants dudit code). Dans tous les cas, il revient explicitement à l’article L. 2242-17 du Code du travail de consacrer pleinement le droit à la déconnexion et surtout que celui-ci soit abordé à l’occasion des négociations obligatoires dans les entreprises dans lesquelles existent une ou plusieurs sections syndicales.
En fait, le salarié est protégé quant à ce droit à la déconnexion qu’il soit en télétravail (par une charte ou bien par un accord collectif) ou qu’il soit encore, par exemple, en forfait en heures ou en jours (par l’employeur directement ou par voie conventionnelle) selon les dispositions des articles L. 3121-64 et L. 3121-65 du Code du travail.
Maintenant que nous avons vu ce qu’est le droit à la déconnexion et sa protection, il est utile de se demander en quoi consistent les sanctions qui peuvent être retenues en cas de non-respect.
Les sanctions applicables en cas de non-respect du droit à la déconnexion
Ce qui est intéressant à noter est que le fait pour l’employeur de ne pas respecter ce droit peut résulter sur l’obtention de dommages et intérêts au profit du salarié victime. Toutefois ce dernier devra démontrer qu’il a subi un préjudice (cf. Cour d’appel de Toulouse, 17/02/2023, n° 21/02715).Aussi, de tels dommages et intérêts peuvent lui être attribués en cas de méconnaissance des règles précitées (par exemple en cas de non-respect du droit au repos du salarié). Ce qui est utile à relever réside également dans le fait que, pour le cas particulier des congés payés, et si le salarié fut contraint de travailler durant cette même période, alors il est considéré que ce dernier n’a pas obtenu ces congés selon les règles édictées par l’article D. 3141-1 du Code du travail. Ici, le salarié est en droit de demander à ce qu’un solde supplémentaire de congés lui soit attribué.
De même, si des heures de travail n’ont pas été déclarées sur le bulletin de paie du salarié par l’employeur, alors celui-ci est en mesure de demander l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé pour le cas où interviendrait une rupture du contrat de travail entre le salarié et son employeur (cette règle est comprise au sein des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du Code du travail).
Pour clore notre propos, il nous faut retenir ici que les règles prétoriennes doivent à l’heure actuelle être précisées et développées au gré des cas qui se présenteront. L’on voit cependant qu’en tout état de cause il existe un panel de règles juridiques qui permet d’en sanctionner le non-respect.
Références
https://www.legisocial.fr/actualites-sociales/4073-salaries-droit-deconnexion-conges.html
https://www.cadremploi.fr/editorial/conseils/droit-du-travail/tout-savoir-sur-le-droit-a-la-deconnexion https://travail-emploi.gouv.fr/archives/archives-courantes/loi-travail-2016/les-principales-mesures-de-la-lo
i-travail/article/droit-a-la-deconnexion
https://code.travail.gouv.fr/code-du-travail/l1121-1