Sur le territoire français, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré le 17 octobre 2020, entraînant des mesures fermes qui ont grandement restreint les capacités des agents, mais qui ont également prévu de nombreuses dérogations aux règles juridiques de droit commun. Dans le cadre du droit des contrats, l'étude de l'impact d'une telle épidémie doit être étudiée sous l'angle de grands principes, tels que la force obligatoire des contrats qui suppose l'exécution de ses obligations par chacune des parties. Toutefois, dans de telles circonstances, le respect de ce grand principe s'est souvent révélé impossible dans les faits, et a dû donner lieu à des mécanismes d'adaptation issus, soit du droit commun des contrats soit des mécanismes de solution temporaire mis en place par les pouvoirs publics.

Dans quelle mesure le droit des contrats tel qu'il est contenu dans le Code civil peut-il permettre à des cocontractants de se délier de leurs obligations, devenues inexécutables du fait de la crise ?

 

I. La phase précontractuelle et l'impact de la crise sanitaire

A.   Les règles du Code civil

Avant même la conclusion d'un contrat entre deux parties, peu importe son domaine, celles-ci peuvent être amenées à négocier au cours d'une période précontractuelle, encadrée par le droit commun, pour anticiper et préparer leur relation future. Cette période de rencontre et de négociation avant la conclusion d'un contrat est alors appelée la pollicitation. Lors de cette dernière, il existe une grande flexibilité entre les parties, ce qui est alors propice à l'adaptation de leur relation. Cela est alors très bénéfique au regard de la pandémie puisque les parties peuvent ainsi adopter leur relation au développement de la crise au fur et à mesure de ses avancées. Il existe également à cet égard une plus grande protection de la capacité de rétractation des parties, en train d'élaborer leur engagement futur. En effet, de par ces négociations précontractuelles, elles bénéficient d'un délai de réflexion ainsi qu'un délai de rétractation qui sont envisagés notamment par l'article 1122 du Code civil. Les circonstances encadrant la négociation précontractuelle sont cruciales, et des difficultés peuvent alors également y émerger du fait de la crise du Covid. En effet, la formation d'offres fermes et stables a été rendue très complexe du fait de l'instabilité et de l'insécurité juridique liées à la crise, de la perturbation ou encore de la restriction des flux commerciaux. Une relative remise en cause de la négociation précontractuelle est alors considérée comme possible dès lors que la partie qui l'invoque n'use pas de la mauvaise foi dans sa décision de rompre la relation, ou en le faisant de façon brutale, provoquant ainsi un préjudice trop conséquent.

 

B.   Des mécanismes protecteurs issus de la pratique

Outre les principes traditionnels posés par le droit commun dans le Code civil, il existe d'importants mécanismes construits par ce droit, qui ont été consacrés par les textes au fil de leur utilisation pratique. Certains de ces mécanismes se situent toujours au niveau des avant-contrats, qui assurent donc une plus grande sécurité juridique aux cocontractants du fait de l'adaptabilité de leurs engagements. Le régime des avant-contrats permet alors aux parties de sceller leur volonté de conclusion future d'un contrat, tout en en prévoyant en parallèle les principales modalités. Ces avant-contrats sont alors particulièrement adaptés au cadre de la crise puisqu'ils permettent d'envisager les diverses éventualités et problématiques liées à celles-ci, avant la survenance de dommages dans leur accord. On distingue alors la promesse unilatérale, qui est assortie d'un droit d'option pour l'un des cocontractants, de la promesse synallagmatique où les deux parties s'engagent réciproquement et de façon équivalente, et enfin le pacte de préférence, qui n'engage qu'à fournir une priorité de conclusion au bénéficiaire en cas d'engagement d'un contrat définitif. Dans le cadre de la pandémie de Covid-19, l'avant-contrat le plus adapté semble alors être le pacte de préférence. En outre, il est possible de révoquer de telles promesses de conclusion dans des mesures différentes selon le type d'avant-contrat. Par exemple, il est possible d'opter pour une résiliation unilatérale dans le cadre du pacte, ou encore de bénéficier de la protection de la promesse synallagmatique qui interdit toute exécution forcée des engagements impraticables. Chaque avant-contrat présente ainsi des avantages non négligeables dans le cadre d'un événement si imprévu qu'une crise sanitaire d'envergure mondiale.

 

II. Remise en cause du contrat après sa conclusion

A.   Des difficultés liées à l'objet dudit contrat

Une fois que le contrat a été conclu entre les cocontractants, d'autres mécanismes prévus par le Code civil entrent en jeu pour la remise en cause éventuelle des engagements conclus. Notamment, l'article 1130 évoque la notion des vices du consentement. Dans le cadre de l'épidémie sanitaire, il peut s'agir ici d'une fausse représentation de la réalité lors de la conclusion du contrat, ce qui correspond à l'erreur. En effet, le contractant lésé par des engagements irréalisables peut invoquer l'erreur, car il ne pouvait pas s'attendre à une telle évolution de ses engagements, en particulier en se plaçant au début de la crise lorsqu'un confinement était par exemple inattendu. L'objet du contrat peut être intangible par exemple s'il s'agit de la vente d'un bien, et l'acheteur qui aurait conclu sans jamais pouvoir voir le bien avant l'achat pourra invoquer l'erreur si celui-ci n'est pas conforme à ce à quoi il pouvait légitimement s'attendre. De plus, il est possible d'invoquer le vice de violence pour contester la survenance d'une éventuelle menace, qui sera ici plutôt d'ordre psychologique ou économique, créant une dépendance d'un des contractants au profit de l'autre, mais cela demeure relativement complexe à démontrer. Néanmoins, ces vices pourraient déboucher sur la nullité du contrat en question d'après l'article 1142 du Code civil ; il s'agira en outre d'une nullité relative si l'engagement nuit à la sécurité juridique des parties, ou absolue s'il est contraire à l'intérêt général. La convention pourra également se révéler inapplicable du fait des circonstances entourant les obligations de l'une des parties : la nullité permettra alors son anéantissement rétroactif et le retour des cocontractants au statu quo ante. Enfin, il serait possible d'envisager dans ce cadre d'utiliser la sanction de l'inexistence, dans le cas d'un engagement ne pouvant entraîner aucun effet ou conséquence juridique, du fait de l'impossibilité de son exécution future, provoquée par les circonstances de l'espèce. Ce cas pourrait alors également s'appliquer à celui du Covid-19.

 

B.   Le contrat déséquilibré

In fine, il est possible d'agir dans le cadre d'un contrat déjà conclu, mais dont les obligations s'avèrent inapplicables du fait de la situation extérieure en invoquant le déséquilibre engendré par ce cas. L'impact de la pandémie mondiale sur les obligations déterminées par les parties lors de la conclusion peut en effet provoquer une augmentation et une disproportion de leur portée initiale du fait de l'instabilité et de l'imprévisibilité de cette crise. Pour qu'une telle obligation détienne le caractère de prestation contractuelle, et entraîne donc l'application du droit commun des contrats, celle-ci doit exister, être possible et déterminable. De plus, le déséquilibre provoqué par la situation de crise économique, sociale ou encore juridique, doit être lié au bouleversement des engagements initiaux des parties et doit être réellement imprévisible. À ce titre, l'article 1171 du Code civil évoque un déséquilibre significatif dans certaines clauses pour purger le contrat de celles-ci et éviter tout abus lors de son application future. En outre, la loi d'urgence promulguée en mars 2020 pose un mécanisme inédit d'adaptation des engagements contractuels à la crise du Covid, en admettant la modification des clauses, tout en respectant les obligations réciproques des parties conclues à l'origine, et en conservant la substance du contrat initial. Les parties peuvent alors a fortiori utiliser un mécanisme majeur du droit commun des contrats ; l'exception d'inexécution. Ce dernier peut alors être invoqué dans ce cadre, par exemple du fait du confinement, qui a pu rendre certaines interventions ou certains déplacements impossibles. Il faut alors réunir simultanément des conditions de gravité, qui doivent être prouvées par la partie qui l'invoque, mais également l'existence d'obligations simultanées et proportionnelles qui s'avèrent désormais irréalisables. Enfin, le mécanisme qui a été le plus sollicité durant la crise, mais qui s'avère également très controversé dans la doctrine notamment, est celui de la force majeure. Celui-ci permet d'effacer les obligations d'une partie qui ne pourrait pas les exécuter, du fait d'un empêchement total ou partiel dû entièrement à la situation extérieure, ce qui pourrait fonctionner en espèce avec la crise. Les conditions à remplir pour cette action sont alors le caractère irrésistible, imprévisible et extérieur de la circonstance ayant entraîné l'impossibilité d'exécuter dûment le contrat.