En effet, à l'occasion d'un discours prononcé le 27 août 1958, par Michel Debré, futur premier Premier ministre de la Ve République, celui-ci avait déclaré qu'il était possible pour le gouvernement d'accepter une "intervention parlementaire hors le domaine de la loi [et donc, hors le domaine prévu par l'article 34]" ; de même, il était possible pour le Parlement d'autoriser le gouvernement à intervenir dans le domaine de la loi, conformément aux dispositions de l'article 38 de la Constitution.

Toutefois, ces différents empiétements ont eu pour effet de diluer, de rendre poreuse la frontière théorique et constitutionnelle entre le domaine de la loi et le domaine du règlement. Il convient néanmoins de noter que ces deux domaines délimités revoient actuellement un certain intérêt, un certain retour à la lettre constitutionnelle dans un double objectif d'intelligibilité des lois, mais aussi de leur qualité.


Une délimitation des domaines en dilution
Un certain regain d'intérêt de cette délimitation loi/règlement


Une délimitation des domaines en dilution

En pratique, et par opposition aux dispositions constitutionnelles suprêmes, les parlementaires ne sont plus réellement cantonnés au strict respect de leur domaine d'attribution et de compétences. Ce constat est en vérité lié à trois raisons, lesquelles sont :


1/ du fait du parlementarisme majoritaire, le gouvernement n'aurait plus réellement besoin de faire respecter son domaine réglementaire. Cela se comprend à l'aune d'un même intérêt, d'une même vue sur les différentes politiques à mener. Il se peut donc que le gouvernement décide de laisser une marge de manoeuvre importante au bénéfice du Parlement pour que les parlementaires prennent des mesures relevant pourtant de son domaine réglementaire. D'ailleurs, il est possible, pour rappel, pour le gouvernement de pleinement reprendre l'entièreté de ses compétences en matière réglementaire en usant des dispositions de l'article 37, alinéa second de la Constitution.


2/ du fait de la neutralisation, dans la pratique, de l'irrecevabilité constitutionnelle. En réalité, faire appliquer les dispositions de l'article 41 de la Constitution implique une chose : suspendre la procédure législative jusqu'à 8 jours, et, celle-ci découle sur une désorganisation certaine du calendrier parlementaire.


3/ du fait que le Conseil constitutionnel a décidé de ne pas censurer l'empiétement des parlementaires dans le domaine règlementaire dès lors qu'il use de son pouvoir de contrôler la constitutionnalité des lois. Dans sa décision Blocage des prix et des revenus, du 30 juillet 1982 (n 143-DC), le Conseil constitutionnel, en ce sens, a pu retenir que le pouvoir constituant bien qu'il ait décidé de doter le pouvoir exécutif d'un domaine particulier, "n'a pas entendu frapper d'inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi".


On le comprend donc, et malgré les dispositions théoriques constitutionnelles, la délimitation entre les domaines de la loi et du règlement a été diluée du fait d'un débordement de son domaine par les parlementaires dès lors que celui-ci intervient de plus en plus dans le domaine du règlement. Ici, il peut être noté que ce constat trouve sa contrepartie dans le fait que le pouvoir exécutif intervienne de plus en plus également dans le domaine de la loi, également par le biais des ordonnances dont les règles d'application sont prévues à l'article 38.


Un certain regain d'intérêt de cette délimitation loi/règlement

Il existe un objectif de valeur constitutionnelle, celui de l'accessibilité et d'intelligibilité des lois. C'est le Conseil constitutionnel qui a été à l'origine de cet objectif, et, ce dernier figure d'ailleurs parmi ses priorités. Ainsi la distinction domaine de l'article 34/domaine de l'article 37 retrouverait un certain regain d'intérêt dans la jurisprudence constitutionnelle. Ce regain d'intérêt se comprend surtout par l'inflation du nombre de lois, mais aussi par la dégradation certaine des textes votés par le Parlement, eux-mêmes considérablement impactés par des dispositions qui ne sont pas normatives ou bien encore trop techniques, et qui devraient alors relever du domaine du règlement.

Cette volonté du Conseil constitutionnel devrait alors contraindre les parlementaires à se montrer plus soucieux de la qualité des textes qu'ils édictent et votent effectivement en respectant le domaine de la loi tel qu'il résulte des dispositions constitutionnelles de l'article 34. La loi constitutionnelle intervenue en 2008 a permis, en ce sens, aux deux présidents de deux chambres du Parlement de pouvoir soulever l'irrecevabilité d'une proposition de loi ou d'un amendement qui empiéterait sur le domaine du pouvoir exécutif. Plus qu'un objectif de défense des prérogatives gouvernementales, il s'agit surtout d'améliorer la qualité et l'intelligibilité des lois votées. Par conséquent, théoriquement, l'article 41 se voit renforcé et doté d'un rôle particulier et protecteur même si la pratique montre que son utilisation demeure somme toute beaucoup trop minimaliste.



Sources : Assemblée nationale, Conseil constitutionnel