Brefs éléments introductifs

En vertu des dispositions de l’article 1134 du code civil, le contrat de travail tient lieu de loi entre les parties. Si une modification impacte un élément essentiel du contrat, alors celle-ci devra être actée par un avenant après un commun accord du salarié et de son employeur (article L.1233-3 du code du travail).
Néanmoins, il se peut que la modification en cause intéresse un élément dit accessoire de l’exécution du contrat. Ici, il s’agit d’une modification des conditions de travail et alors cela illustre le lien de subordination et le pouvoir de direction qui revient à l’employeur exclusivement.

Le motif personnel et la modification des conditions de travail

Se pose immédiatement une question : en quoi consistent les éléments substantiels ? Il s’agit d’éléments sur lesquels est basée la relation de travail entre le salarié et son employeur. Il s’agira, entre autres, de la fonction occupée, ou encore de la rémunération du salarié. Il faut noter ici qu’il n’existe aucune liste exhaustive qui aurait été prévue par les parlementaires français : de ce fait, il est revenu à la jurisprudence de trancher au cas par cas entre la question de savoir s’il s’agit d’une modification du contrat ou tout simplement un changement dans les conditions de travail.

Par exemple, un changement inhérent à la rémunération, qu’il soit d’ailleurs avantageux ou non pour le salarié, implique un commun accord des deux parties à la relation de travail, s’agissant d’un élément essentiel dudit contrat (cf. Cass. soc., 05/05/2010, n° 07-45.409).

Toutefois, l’employeur peut attribuer de nouvelles tâches à son salarié si celles-ci correspondent à une qualification particulière de ce dernier. Il s’agira alors d’un changement des conditions de travail n’emportant pas le nécessaire accord de son salarié (cf. Cass. soc., 23/06/2010, n° 08-45.368).

Le motif économique et la modification des conditions de travail

Les dispositions de l’article L. 1222-6 du code du travail prévoient qu’en cas de modification des conditions de travail pour un motif économique, ce changement doit respecter une procédure particulière qu’elles décrivent. Ainsi, l’employeur doit informer son salarié de cette proposition, par une lettre recommandée avec accusé de réception. Ce dernier dispose d’un délai de réflexion fixé par principe à un mois, par exception, à quinze jours pour les cas où l’entreprise serait dans une situation de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire. A défaut de réponse du salarié à l’intérieur du délai fixé, ce dernier sera alors considéré comme ayant accepté la modification de son contrat de travail.

Soulignons le fait que cette modification pour motif économique est la seule qui est encadrée par un délai de réflexion et de réponse. Les autres en sont en effet dépourvues, même si conformément à l’exécution de bonne foi du contrat par l’employeur, ce dernier doit accorder à son salarié un délai dit raisonnable. Contrairement au cas ci-dessus développé, le fait pour un salarié de ne pas répondre n’emporte aucune acceptation de la modification en cause. Aussi lorsque l’employeur ne respecte pas ce délai raisonnable, la modification du contrat de travail pourra être considérée comme nulle par le juge.


Qu’en est-il si le salarié refuse ?

Il conviendra de noter que le salarié est en droit de refuser un tel changement. L’employeur pourra donc demander la poursuite du contrat de travail, demander au tribunal de procéder à la reconnaissance d’une résiliation judiciaire dudit contrat, voire encore réaliser une prise d’acte de la rupture de ce contrat.
En d’autres termes, c’est la nature du changement proposé par l’employeur et à l’encontre duquel est formulé le refus du salarié qui entrainera telle ou telle conséquences juridiques. De la sorte, dès lors qu’un changement des conditions de travail n’implique aucun accord du salarié, il n’est pas en mesure de s’opposer à celui-ci. Ce refus n’implique pas la rupture du contrat mais il revêt la nature d’un acte d’insubordination qui pourrait résulter sur la reconnaissance d’une faute professionnelle. Ici, précisément, l’employeur serait en mesure de le sanctionner par une décision de licenciement disciplinaire.

Quid de la situation du salarié protégé ?

A l’occasion d’un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation, en date du 15 février 2023 (n° de pourvoi : 21-20.572), les juges ont retenu que le salarié protégé ne saurait se voir imposer ni une modification de son contrat de travail ni même un changement de ses conditions de travail. En cas de refus, il appartiendra exclusivement à son employeur de mettre en mouvement une procédure de licenciement en demandant une autorisation auprès de l’inspection du travail. Attention, si le salarié protégé n’a pas protesté face à cette modification du contrat de travail ou d’un changement des conditions de travail ou bien s’il a continué à poursuivre son travail, ces deux constats ne sauraient valablement revêtir la nature d’une acceptation de sa part. Il n’est en effet pas possible d’imposer de telles modifications, de tels changements à un salarié protégé. Dans les deux cas, donc, son accord doit obligatoirement être recueilli.

Quid enfin de la rétrogradation disciplinaire ?

Pour rappel, la rétrogradation disciplinaire constitue une sanction. Lorsque cette sanction résulte sur une modification de la relation de travail, alors cette dernière ne saurait utilement être imposée au salarié concerné. La Chambre sociale de la Cour de cassation dans sa décision du 14 juin dernier (cf. n° de pourvoi : 21-22.269), a redit que l’acceptation d’une telle rétrogradation disciplinaire lorsqu’elle est acceptée doit l’être de manière claire mais aussi et surtout non équivoque. Si le salarié la refuse, alors l’employeur pourra procéder au prononcé d’une autre sanction. Ce fut précisément le cas dans cette décision : l’employeur avait décidé de licencier pour faute grave le salarié concerné.

Lorsque la rétrogradation impacte un des éléments essentiels du contrat de travail, elle constitue une cause de modification du contenu dudit contrat. Même si le salarié accepte cette rétrogradation, il n’en demeure pas moins qu’il reste autorisé à contester non seulement le fondement de cette sanction mais aussi sa régularité (tel avait été le cas dans l’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation, le 14 avril 2021, n° de pourvoi : 19-12.180). Il revient à l’employeur de proposer la rétrogradation disciplinaire à son salarié à l’occasion d’une première rencontre et à l’issue de laquelle lui sera envoyée une lettre recommandée avec accusé de réception. Le salarié peut accepter le principe de cette sanction par un accord express et non équivoque (ici, un avenant au contrat de travail doit être rédigé). Il peut aussi la refuser dans un délai fixé à un mois : l’employeur devra soit renoncer au prononcé de cette sanction, soit mettre en action une procédure de licenciement. S’il ne répond pas, alors la modification pourra être considérée comme étant acceptée selon l’article L.1222-6 du code du travail.