Provenant du latin « legalis », le terme de loyauté n'est pas véritablement un terme juridique. En effet, ce terme employé par le commun des mortels a juste été emprunté pour pouvoir s'appliquer dans la sphère juridique. On retrouve la notion de loyauté dans de nombreux domaines du droit, tels que le droit de la concurrence avec la conférence déloyale par exemple. Mais qu'est-ce que réellement la loyauté ? Selon les termes employés par le dictionnaire LAROUSSE il s'agit d'une « qualité, caractère de quelqu'un, de quelque chose qui est honnête ». Ainsi, on s'aperçoit qu'il s'agit d'une notion extrêmement large, qui a donc pour objet de tenir une forme d'honnêteté. En ce sens, la loyauté se rapproche donc beaucoup de la notion de procès. En effet, un procès est un événement qui a lieu pour résoudre un litige opposant deux parties dont des preuves doivent être apportées.

            Dans le cadre de notre étude, nous allons nous concentrer principalement sur la loyauté de la preuve dans le procès civil. Ainsi sera écartée la loyauté de la preuve dans le procès pénal ou administratif. En vue de ces éléments, le sujet à traiter semble des plus intéressants dans la mesure où la loyauté de la preuve intéresse peu le droit civil contrairement au droit pénal. De plus, cette loyauté de la preuve n'est indiquée dans très peu de disposition du Code civil, laissant penser pour certains auteurs doctrinaux qu'il s'agit d'un tout nouveau principe du procès civil.

            Ainsi, en vue de ces éléments, peut-on véritablement dire qu'il y a consécration de la loyauté de la preuve ? Et comment cette loyauté est-elle manifestée dans le droit civil ?

             La loyauté de la preuve en droit civil reste incertaine, obscure par rapport à d'autres principes (I), mais elle reste tout de même un principe fort se manifestant quotidiennement (II).

             La loyauté de la preuve comme manquant d'autonomie vis-à-vis des autres principes (A) tout en étant limitée dans son exécution (B).
  

I. La loyauté de la preuve : un principe incertain et écarté vis-à-vis des d'autres mesures civilistes

A. La remise en cause de l'autonomie du principe

            Le principe de la loyauté de la preuve en matière civiliste n'a pas fait l'objet de définition par le législateur contrairement à d'autres principes homologues. De ce point de vue, il est constatable que ce principe de loyauté soit regroupé avec d'autres lors d'un procès.

            En effet, la loyauté de la preuve est très souvent regroupée/assimilée au principe du contradictoire, qui selon l'article 16 du Code de procédure civile, le juge doit veiller et observer au bon fonctionnement du principe du contradictoire. En d'autres termes, le juge doit faire preuve de loyauté face au déroulement de la procédure.

            Ainsi de ce point de vue, la loyauté de la preuve et le principe du contradictoire s'entremêlent laissant penser pour certains penser à l'absence d'autonomie.

            Autre qu'une autonomie contestable, le principe de loyauté de la preuve ne peut s'appliquer dans certains procès civils rendant son application limitée.

B. L'exécution limitée de la loyauté de la preuve

             Un procès civil peut porter sur plusieurs thématiques telles que le droit de la famille, le droit des obligations, la responsabilité civile extracontractuelle. Il serait ainsi logique que le principe de loyauté de preuve puisse être appliqué à tous or ce n'est pas le cas.

            Effectivement, dans le cadre d'un procès en matière de divorce, le juge de fond et la Cour de cassation ont refusé l'application du principe. Si le principe de loyauté de la preuve veut que les parties puissent obtenir et rechercher des preuves pour assurer leurs défenses. Or, en matière de divorce, la preuve pouvant être apportée se voit être limitée. En effet, beaucoup de preuves sont considérées comme déloyales en vue du procès en matière de divorce. La Cour de cassation a pu établir, puis la loi dans les articles 259-1 et 259-2 du Code civil, que les époux ne pouvaient apporter des preuves qu'ils avaient obtenu de manière frauduleuse ou abusivement. Ainsi ont été écartés les SMS et lettres écrites obtenus sans consentement de l'un des époux. À ce sens, le principe de la loyauté de la preuve peut être freiné, voire très limité dans certains domaines civilistes.

 

            S'il est vrai que la loyauté de la preuve peut être l'objet de nombreuses discussions, ce principe a tout de même une forte application.


II. La loyauté de la preuve : une application massive et nécessaire

            La loyauté de la preuve s'applique dans l'élaboration et l'obtention de la preuve (A) et semble être plus que nécessaire pour les débats (B).

A. L'application de la loyauté dans l'élaboration et l'obtention de preuve

            Pour pouvoir élaborer et obtenir des preuves, il faut que celles-ci soient loyales. Nous l'avons dit précédemment, si la preuve a été obtenue frauduleusement sans le consentement d'autrui par exemple, celle-ci est déloyale.
            Dans ce sens, il est possible de prendre pour exemple l'
arrêt de la Cour de cassation réunie en chambre sociale le 20 novembre 1991 qui estime que « si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail, tout enregistrement, quels qu'en soient les motifs, d'images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite ». Il est donc facilement remarquable que si l'enregistrement aurait été connu par la personne concernée, la preuve aurait été licite
            Ainsi, on constate clairement que les magistrats de fait et de droit ont donné un caractère central à cette application du principe de loyauté de la preuve dans son obtention et élaboration, en ne nécessitant pas de caractériser une preuve comme illicite.
 

B. La nécessité de la loyauté dans les débats

            Les débats, c'est-à-dire la prise de parole des deux parties pour évoquer leurs arguments, doivent respecter ce principe de loyauté.

            En effet, il est nécessaire pendant les débats que les moyens et les preuves des parties soient apportés. Pour cela, il faut respecter un certain temps de parole, un certain délai pour apporter à la connaissance des juges et de la partie adverse les éléments de preuve qu'ils vont avancer. Il s'agit tout simplement du principe de loyauté.

            D'autre part, nous avons évoqué plus tôt dans l'argumentaire, l'absence d'autonomie pour certains auteurs du principe de loyauté de preuve par rapport au principe contradictoire, on peut toutefois relativiser ses propos. Effectivement, le principe contradictoire veut que chaque partie puisse s'exprimer, or si pendant les débats une partie est suspendue à plusieurs reprises dans sa prise de parole alors le débat peut être considéré comme illicite et par conséquent déloyal. En définitive, la loyauté de la preuve en matière de débats est donc la garantie du bon fonctionnement du principe du contradictoire.