La Ve République intervient donc à la suite de la chute de la IVe République causée par cette guerre. Par ailleurs, la IVe République connaissait une crise pour deux raisons majeures, lesquelles sont, tout d'abord, une instabilité gouvernementale importante, puis un déséquilibre des institutions. En fait, aucune majorité n'est parvenue à s'imposer au sein de l'Assemblée nationale, mais surtout le Président de la République sous ce régime ne disposait d'aucun pouvoir d'être en mesure de faire face à tout type de crise. Au surplus, c'est finalement ce régime de la IVe République qui a dû répondre à la crise qui intervenait en Algérie. C'est précisément le processus de décolonisation qui a causé sa chute alors même que d'autres processus identiques n'ont pas, pour leur part, impacté d'une telle manière ce régime, comme l'accession à l'indépendance du Maroc et de la Tunisie en 1956.
Le 13 mai 1958, une insurrection a lieu à Alger lorsque Pierre Pflimlin devient le président du Conseil. D'abord constitutive d'une manifestation, celle-ci se transforme rapidement en insurrection. Sera par conséquent créé un comité de salut public, l'armée n'intervient pas et en fin de compte, le conflit s'enlise considérablement. C'est la guerre civile en Algérie qui met fin à la IVe République qui aura duré de 1946 à 1958.
Ce ne sera que deux jours plus tard, le 15 mai 1958, que Charles de Gaulle déclare être « prêt à assumer les pouvoirs de la République », ce dernier étant vivement opposé au gouvernement en place ainsi qu'au Président de la République, René Coty. Le président du Conseil démissionnera et son remplaçant sera le Général, le Président Coty ayant même menacé l'Assemblée nationale si ses membres refusaient l'investiture. Il sera finalement investi par 329 voix et le tout dernier gouvernement d'unité nationale prendra ses fonctions le 1er juin avec pour membre illustre, Michel Debré, juriste et instigateur au côté du Général de la future Constitution de la Ve République.
Dans le contretemps, la guerre continue de faire rage de l'autre côté de la Méditerranée. Il faut alors, pour le nouveau gouvernement d'unité nationale, tenter de régler ces évènements de même que de réviser la Constitution de 1946, c'est-à-dire la Constitution de la IVe République. Cette dernière mission n'est finalement pas une grande surprise dans la mesure où le Général avait institué sur la révision des institutions lorsqu'il est arrivé à la tête du Conseil.
Le 2 juin 1958, le Parlement adopte la loi qui octroie au gouvernement les pleins pouvoirs pour une durée de six mois ; le lendemain, le Parlement autorisera également le gouvernement à élaborer une nouvelle constitution dont sera finalement dotée la France, dérogeant ainsi aux dispositions de l'article 90 de la Constitution de la IVe République qui prévoyaient expressément la procédure de la révision de la norme suprême. Toutefois, des conditions seront tout de même imposées par cette seconde loi du 3 juin 1958 pour l'élaboration de la nouvelle constitution. Finalement, les pouvoirs constituant et législatif sont confiés à la personne du Général de Gaulle. D'une révision de la constitution, il y a eu le passage vers l'élaboration d'une nouvelle norme supérieure, faisant ainsi qu'il y a le passage du pouvoir constituant dérivé à un pouvoir constituant originaire.
La question qui se pose est alors celle de savoir si la Ve République, proclamée le 4 octobre 1958, constitue une rupture ou bien une continuité avec la république précédente.
I. Le renforcement significatif du pouvoir exécutif
II. La rationalisation parlementaire : une innovation de la Ve République
I. Le renforcement significatif du pouvoir exécutif
Sous la Ve République et tel que ce constat ressort des dispositions de la Constitution du 4 octobre 1958, le pouvoir exécutif s'est vu considérablement renforcé par rapport à la Constitution de 1946. En ce sens, c'est ce que le Général de Gaulle considérait comme la restauration du « pouvoir d'État », et donc, faire du Président de la République une autorité non seulement stable, mais aussi puissante.
Alors, le Chef de l'État acquiert une autonomie vis-à-vis du Parlement : cela implique qu'il n'est plus, au départ, désigné par les chambres parlementaires uniquement, mais par un collège composé de parlementaires ainsi que d'élus locaux, sous la forme d'un collège de 80 000 grands électeurs. Cependant, après la révision de la Constitution en 1962, le Président de la République est élu directement par le peuple accentuant sa légitimité, devenant un arbitre, disposant de pouvoirs et de compétences propres, dispensées de contreseing. Ce constat a fait dire à certains que nous serions passés dans un régime présidentiel, voire semi-présidentiel.
Ce n'est pas exactement le cas, même si on peut remarquer une certaine hégémonie du Président de la République qui permet de considérer le nouveau régime parlementaire de dualiste puisqu'il existe une double relation de confiance. En effet, le gouvernement répond de sa politique vis-à-vis du Parlement, mais aussi du Chef de l'État, même si cela n'est vrai qu'en cas de concordance de majorité lorsque les majorités présidentielle et parlementaire sont du même bord politique.
En outre, afin de s'assurer que l'équilibre des pouvoirs et plus généralement du nouveau régime se maintiendra dans la pratique, le pouvoir constituant a décidé de rationaliser le régime, et donc, de réorganiser le fonctionnement des institutions pour éviter les nombreuses dérives du régime précédent (II).
II. La rationalisation parlementaire : une innovation de la Ve République
La Constitution de la Ve République a instauré des innovations qui ont pour but principal de procéder à l'inversement des rapports qui existaient jusqu'alors entre les différents pouvoirs et qui étaient favorables au Parlement au détriment de ceux du gouvernement et qui ont favorisé l'instabilité gouvernementale chronique de la IVe République, le peuple français ayant connu en douze années 24 gouvernements, l'espérance de vie d'un gouvernement étant en moyenne de 6 mois.
Ainsi, il a été décidé de procéder à la rationalisation parlementaire. Pour information, cette théorisation du concept de la rationalisation des régimes politiques revient à Boris Mirkine-Guetzévitch, constitutionnaliste russe, qui « consiste à enfermer dans le réseau du droit écrit l'ensemble de la vie politique ». La France a fait le choix de l'application de ce concept de manière à encadrer les volontés hégémoniques du Parlement et assurer, de cette manière, non seulement l'efficacité propre au pouvoir exécutif ainsi que sa stabilité.
Autrement dit, il a notamment été décidé de créer des procédures qui réduisent et délimitent le pouvoir du Parlement : en ce sens, le renversement du gouvernement est plus difficile qu'auparavant pour favoriser la stabilité gouvernementale, et, il est devenu plus facile pour le gouvernement de faire prévaloir ses considérations politiques au regard de l'adoption d'une loi ou du budget, d'autant que le mode de scrutin a été modifié pour assurer au pouvoir exécutif le soutien d'une majorité stable et cohérente au sein de la chambre basse.
Sources : Pauline Türk, Les institutions de la Ve République, éd. Galino, 6e édition, Paris, 2013, pp. 21-35 ; Vie publique
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