Toutes ces règles de droit prolifiques peuvent amener inévitablement à être contradictoires entre elles. Quelle sera la règle qui prévaudra ? Quid du futur de celle qui la contrarie ? Pour résoudre ce problème, les normes ont été hiérarchisées par le juriste Hans KELSEN au cours du XXe siècle dans son ouvrage Théorie pure du droit. Il présente les normes sous la forme d'une pyramide, du sommet à la base, les normes inférieures doivent être conformes à celles supérieures. En France, la norme fondamentale est la Constitution, ensuite suivent le droit international, les normes législatives puis enfin les actes administratifs qui les mettent en application.

Hans KELSEN envisageait cette méthode d'organisation des normes en hiérarchie pour régler les conflits de normes qui pouvaient se présenter. Cependant, sa théorie présente des limites. De manière purement théorique, il s'agirait pour une norme d'être simplement conforme à la norme supérieure quand elle est créée. Or, cela se limite au processus d'adoption de la norme. Il n'est pas question du contenu même de cette norme : ce qui mène aux conflits de règles entre elles. Là réside la limite de la pyramide de KELSEN comme son auteur positiviste l'envisageait. Pour lui, aucune règle n'est fausse ou vraie, seulement un objet de hiérarchisation.

Ainsi, peut-on régler les conflits de normes sur le concept pyramidal de KELSEN qui se veut seulement procédural dans la création de normes ?

Il est simple d'affirmer que la hiérarchie des normes présente aujourd'hui un intérêt pour connaître la norme supérieure à respecter dans l'élaboration d'une règle de droit (I). Mais cela ne règle pas les conflits de normes qui peuvent aller jusqu'à remettre en cause la pyramide de KELSEN (II).


I. Une pyramide de conformité rigide
II. Une hiérarchie souple des contenus


I. Une pyramide de conformité rigide

Hans KELSEN avait une conception positiviste du droit au cours du XXe siècle, il envisageait seulement la systématisation des normes pour les ordonner. Le contenu n'avait pas d'importance. Il suffit que la nouvelle norme respecte la norme supérieure quand elle est élaborée.

Dans cette optique, il est normal de trouver dans l'État de droit français un contrôle de constitutionnalité de loi lors de sa création. Une loi inconstitutionnelle ne pourrait être adoptée en principe selon la théorie de la pyramide de KELSEN, grâce au contrôle à priori du Conseil Constitutionnel. La validité même de la norme inférieure repose sur sa conformité avec la norme supérieure. Ceci jusqu'à la Constitution, comme norme suprême. Dans un cadre purement théorique, cela peut régler un conflit de normes quand il y a une difficulté verticalement. Un règlement d'application doit être conforme à la loi, qui doit elle-même respecter la Constitution.

Il peut y avoir également une résolution du problème d'un vide juridique. En l'absence de norme spécifique, il faudrait se référer à sa norme supérieure. Ainsi, la pyramide de KELSEN est rigide, car une norme doit respecter la norme supérieure pour être valide. Or, dans la pratique, de nombreuses normes se contredisent pourtant et restent valides. Ce problème est notamment rencontré en présence d'un traité international.

Le droit européen s'est pleinement développé depuis ces dernières décennies. Ces normes de plus en plus nombreuses et l'ordre hiérarchique des normes n'est plus réellement valable face au fond des règles de droit en conflit.


II. Une hiérarchie souple des contenus

Il faut comprendre par cette affirmation de pyramide insuffisante pour une hiérarchie mouvante, l'importance des traités dans cet ordre vertical.

Par exemple, pour se limiter à la résolution des conflits de normes, on ne se réfère plus à la norme supérieure directe. Il est notamment question ici du contrôle de conventionnalité d'un acte.

En droit français, les engagements pris au sein de l'Union sont directement transposés en droit interne. Or, il peut arriver qu'une loi soit écartée par le juge judiciaire (arrêt Jacques Vabre) et le juge administratif (arrêt Nicolo) qui en contrôle la conventionnalité et l'estime contraire à un traité. Alors il l'écarte pour juger de la validité d'un acte. Ici, il y a une très bonne illustration de l'insuffisance de la pyramide de KELSEN. En effet, l'acte litigieux devrait se contenter de se conformer à la loi pour être conforme selon la norme internationale. Pourtant, ce n'est pas le cas en raison du conflit des normes dans leur contenu. Bien que le contrôle de conventionnalité permette de soutenir la théorie de KELSEN en affirmant la supériorité des engagements internationaux sur les lois (article 55 de la Constitution), cela se limite à l'adoption de la norme. Pas à la résolution du conflit de la norme qu'il faut choisir de respecter en cas de conflit de contenu.

En plus de cet exemple, peut être soulevé le débat de la valeur supérieure de la Constitution sur les traités internationaux ou l'inverse. Ce débat permet de soutenir que la pyramide rigide de KELSEN est insuffisante comme il l'envisageait. En effet, s'il s'avérait que les traités internationaux étaient supérieurs à la Constitution, alors la pyramide pourrait être remise en cause sur la base de sa norme fondamentale. Ainsi, l'ordre pyramidal figé tel qu'envisagé par KELSEN est insuffisant aujourd'hui face à l'importance du droit de l'Union européenne et aux autres engagements internationaux, qui créent du mouvement dans cette hiérarchie des normes.



L'importance du droit européen en droit interne empêche aujourd'hui d'appliquer strictement la pyramide de KELSEN en n'envisageant que la hiérarchie des procédures d'adoption de normes. La norme appliquée ne doit plus nécessairement être parfaitement conforme à celle supérieure pour être valide, notamment pour les traités. Ce sera la Constitution qui sera révisée.

Aujourd'hui, la hiérarchie des normes n'est pas figée dans son sens strict de conformité voulu par KELSEN, le contenu des normes est davantage pris en compte pour régler le conflit.


Sources : Cours de droit administratif, Dalloz ; Vocabulaire Juridique, Cornu ; Conseil constitutionnel


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