L'évolution des outils de travail a mené l'employeur à avoir de nouveaux outils de surveillance et de contrôle sur l'activité de ses salariés. En principe, l'employeur « a le pouvoir de contrôle et de surveiller l'activité de son personnel pendant le temps de travail » (Soc., 04/07/2012, n 11-30.266). Mais s'il dispose de ce droit, il n'a pas pour autant une liberté totale.
Est-il nécessaire que la surveillance des communications du salarié par l'employeur réponde à un motif légitime ?
La loi et la jurisprudence sont parfaitement claires en ce que la surveillance ne peut se faire sans aucune raison. Elle est permise, mais conditionnée (I). Elle est également et surtout proportionnée (II).
I. Une autorisation légale et conditionnée
II. Une jurisprudence en quête d'équilibre et de proportionnalité
I. Une autorisation légale et conditionnée
Cette surveillance pose par principe problème dans les droits et libertés auxquels elle porte par nature gravement atteinte. Pourtant, l'article L.1121-1 du Code du travail la permet dans la mesure où elle est justifiée par « la nature de la tâche à accomplir » et qu'elle est proportionnée.
Tout en répondant à un motif légitime, comme la prévention dans une activité de manipulation de composants chimiques hautement dangereux et explosifs, l'employeur doit respecter les principes fondamentaux en la matière pour pouvoir surveiller les communications de ses salariés.
Tant en droit interne qu'en droit supranational, il est notamment question de la protection des données personnelles, au surplus depuis l'entrée en vigueur du RGPD et les nouveaux enjeux du numérique aujourd'hui (article 8 de la CEDH, article L.1222-4 Code du travail). La loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, vient d'ailleurs renforcer ces dispositions. Le principe de la loyauté de la preuve doit également être respecté pour que la surveillance ne soit pas vaine à terme et puisse permettre de fournir des preuves à l'occasion d'un litige (article 9 du Code de procédure civile et article 6 de la CEDH).
Enfin, une telle surveillance ne peut se faire en toute discrétion. A minima, l'instance des représentants du personnel doit être informée préalablement (article L.2323-47 Code du travail). Le salarié doit également être tenu au courant de cette surveillance dont il fait l'objet dans le cas où cela revient à récolter ses données personnelles.
À titre d'illustration, la Cour de cassation a pu à nombreuses occasions développer sa jurisprudence en matière de surveillance de communication. Elle a toujours recherché un équilibre entre les intérêts en balance, même pour la protection de la vie privée du salarié sur son lieu de travail (Soc., 02/10/2001, n 99-42.942).
II. Une jurisprudence en quête d'équilibre et de proportionnalité
Plusieurs intérêts sont concernés par cette problématique : le pouvoir de contrôle de l'employeur sur ses salariés et le droit de ceux-ci au respect de la vie privée. Ainsi, par principe et en application de la loi, la Cour de cassation a régulièrement pu réaffirmer que l'employeur pouvait librement lire les mails du salarié présents sur son adresse professionnelle utilisée pour son activité professionnelle (Soc. 26/06/2012, n 11-15.310).
Cependant, il existe des limites à cette possibilité. L'employeur ne pourra pas consulter légalement si ces correspondances sont identifiées par le salarié comme personnelles (Soc. 15/12/2010, n 08-42.486). Ces communications perdent alors leur caractère professionnel, dans un souci d'équilibre et de respect de droit à la vie privée par le salarié. Une telle preuve récoltée ne pourrait ainsi être admise en raison de la violation du principe de loyauté de la preuve et ne saurait être admise à l'appui d'une sanction disciplinaire (Soc., 02/02/2011, n 09-72.449). La présence du salarié est alors indispensable, même si un tel usage des outils professionnels était prohibé par le règlement intérieur (Soc., 02/10/2001, n 99-42.942). De plus, la jurisprudence interne s'accorde avec la jurisprudence de la CEDH : la proportionnalité de la mesure au but recherché est nécessaire (CEDH 05/09/2017).
La jurisprudence est abondante dans cette matière. À titre d'exemple, l'enregistrement d'une conversation téléphonique ne peut être réalisé dans l'ignorance de l'auteur de cette communication, à défaut de violer la loyauté de la preuve (AP, 07/01/2011, n 09-14.667).
Dans tous les cas, la cybersurveillance doit faire l'objet d'une information auprès du salarié concerné de manière individuelle et doit être déclarée à la CNIL, qui pourra éventuellement proposer des moyens moins intrusifs dans la vie privée du salarié. Il est facile d'envisager qu'avec son nouveau rôle de contrôleur en matière de protection des données, la CNIL pourrait à cet égard procéder à des contrôles plus sévères si une atteinte à ces données devait être avérée, bien qu'il s'agisse d'un contexte différent de la présence de consommateurs.
En conclusion, l'employeur peut en principe surveiller les communications de ses salariés, mais par respect de leur droit à la vie privée, il doit répondre à un intérêt légitime et à une certaine proportionnalité de la mesure, pour respecter les différents principes fondamentaux en jeu.
Sources : Dalloz, Légifrance, Editions Francis Lefebvre (Mémento social), CNIL
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