L'affectio societatis est une notion établie par la jurisprudence et mise en exergue par la doctrine reposant sur l'article 1832 du Code civil, depuis l'arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation du 3 juin 1986 (Rev. Soc. 1986. 585, note Y.G.). Il s'agit de la volonté de collaborer de façon effective à l'exploitation dans un intérêt commun et sur un pied d'égalité. À défaut de cette condition, le contrat de société serait nul.

Mais cette notion de collaboration implique également l'immixtion de la notion d'intuitu personae quand il vient à l'idée de plusieurs personnes de créer une société dans la majorité des cas. Elle implique le choix des associés en « fonction de leur personne ».

Face au développement des nombreuses formes de société et dans le but commun de création de faire des bénéfices, il convient de se demander si la notion d'intuitu personae a encore un intérêt aujourd'hui dans la création d'une société, quand la condition d'affectio societatis existe déjà.

Par-là, il faut comprendre la volonté de collaborer pour produire des bénéfices distinguée dans les sociétés de personnes (I), de celles dans les sociétés de capitaux (II).



I. Les notions liées d'affectio societatis et d'intuitu personae dans les sociétés de personnes

L'affectio societatis suppose la volonté de collaborer. Cette volonté conditionne l'existence d'une société. Mais dans les sociétés de personnes, en raison de leur particularité, l'affectio societatis est aggravé par l'intuitu personae.

En effet, il ne s'agit plus seulement de faire des bénéfices pour les associés qui se lient par contrat. Ils ont une volonté de collaborer en fonction des personnes avec qui ils travailleront, puisque dans de telles formes sociétales, les conséquences de cette collaboration vont plus loin que le simple résultat de l'affaire.

À partir de là, il est simple d'envisager que dans des sociétés telles que les sociétés en nom collectif, les sociétés civiles et les sociétés en commandite simple, sont les formes qui vont impliquer l'intuitu personae.

Les associés vont ici choisir soigneusement les personnes avec qui ils travailleront sur un pied d'égalité, puisque l'étendue de leur responsabilité est illimitée face aux créanciers si la société devait faire face à des difficultés ou se dissoudre. L'affectio societatis doit être présent pendant toute la durée de vie de la société. Chaque associé fera disparaître son intérêt personnel face à l'intérêt commun du groupe. C'est notamment pour cela que l'agrément est nécessaire et obligatoire quand une cession de parts sociales par un associé est envisagée.

La personnalité de l'associé sera donc essentielle en cas de pertes. Il permettra son expertise et son expérience dans le domaine commercial par exemple, pour une SNC.

L'imbrication de ces deux notions se mesure ainsi dans les conséquences qu'elles vont créer. L'une implique les patrimoines entiers des associés, ce qui nécessite un intuitu personae. Alors que dans le cadre de sociétés de capitaux : il sera davantage question d'intuitu pecuniae.


II. Le recul de l'intuitu personae dans les sociétés de capitaux

Les sociétés de capitaux, d'autant plus quand elles ont le capital ouvert, sont moins sujette à l'intuitu personae. Il est moins nécessaire dans l'évaluation de l'affectio societatis d'une grande confiance entre les associés et d'une responsabilité importante de leurs parts que dans les sociétés de personnes.

Cette notion est extrêmement diminuée ici, bien qu'elle subsiste dans la possibilité d'inclure une clause d'agrément dans les statuts en ce qui concerne l'entrée d'un nouvel associé dans la société. Mais cela ne reste qu'une possibilité.

De manière générale, il convient plutôt d'envisager la notion d'intuitu pecuniae, à la place de l'intuitu personae, impliquée avec l'affectio societatis. En effet, si les associés décident de collaborer ensemble, c'est prioritairement pour réaliser des bénéfices. Les conséquences de difficultés qui surviendront au cours de la vie de la société seraient moindres face aux sociétés de personnes. Il n'est donc pas nécessaire pour eux de porter une attention très précise à l'entrée d'un associé. Il sera alors choisi moins en fonction de sa personne que du montant de l'apport qu'il peut amener.

Dans les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions, la responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports, souvent numéraires. De ce fait, il existe moins de risques de ne pas choisir un associé en fonction de sa personne.



Les notions d'affectio societatis et d'intuitu personae reste ainsi intimement liées pour les sociétés avec une responsabilité importante, moins pour celles qui ne font que brasser des capitaux. L'importance du choix de l'associé aura en effet un impact tout au long de la vie de la société et lors de ses moments de crises notamment.


Sources : Légifrance ; Code civil Dalloz ; Champaud « La société créée de fait, définition de l'affectio societatis » RTD commerciale 1992, page 812, décembre 1992 ; Lecourt « La disparition de l'affectio societatis » Répertoire de droit des sociétés, Dalloz Mars 2012, actualisation janvier 2016


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