Historiquement, depuis 1789 et la Révolution, il était considéré en France que l'ensemble des traités et autres conventions internationales n'impactaient que les relations diplomatiques françaises et n'impactaient donc que les responsabilités à la fois diplomatique et internationale de l'État français. En d'autres termes, seul le pouvoir exécutif voyait sa situation impactée au regard, plus précisément, de sa fonction purement gouvernementale.

Néanmoins par la suite, et à compter de l'entrée en vigueur de la Constitution du 27 octobre 1946, son article 28 avait prévu que les traités internationaux disposaient d'une autorité supérieure à la loi française. Cela signifiait que ces conventions internationales étaient hiérarchiquement supérieures aux lois internes. Ces mêmes dispositions furent reprises par le pouvoir constituant originaire de 1958 au sein de l'article 55 de la Constitution actuelle.

Au regard de ces règles constitutionnelles issues de l'article 28 de la Constitution de 1946, et parce que ces dispositions constitutionnelles avaient prévu une nouvelle sous classification au sein de la hiérarchie des normes, le Conseil d'État avait dans un arrêt de 1952, Dame Kirkwood (n 16690), décidé qu'il lui appartenait de contrôler la conformité d'un règlement interne par rapport au contenu d'un traité international. Le juge administratif suprême avait alors décidé, unilatéralement, qu'il lui revenait de procéder à un contrôle de conventionnalité des règlements.

Toutefois, une problématique a rapidement vu jour après 1958, c'est-à-dire qu'il a fallu savoir et décider où positionner l'emplacement hiérarchique de la convention internationale par rapport à la loi interne malgré les dispositions claires de l'article 55 de la Constitution. Il n'en demeure pas moins que la réponse effective fut difficile à obtenir. Aussi, une difficulté est apparue au regard de la place des conventions internationales par rapport à la Constitution elle-même...


Quelle est la valeur des conventions internationales en droit interne français notamment à l'égard de la loi d'une part, la Constitution d'autre part ?


Si les conventions internationales disposent d'une valeur supérieure aux lois internes françaises (I), il n'en est pas de même au regard de leur position au sein de la hiérarchie des normes vis-à-vis de la Constitution du 4 octobre 1958 (II).


I. La supériorité hiérarchique des conventions internationales sur les lois françaises
II. La valeur supérieure de la Constitution du 4 octobre 1958 sur les conventions internationales


I. La supériorité hiérarchique des conventions internationales sur les lois françaises

Depuis 1958, il est prévu que le Conseil constitutionnel est compétent pour connaître de la constitutionnalité des lois, donc de la conformité d'une loi, norme inférieure, par rapport à la Constitution, norme supérieure et suprême. Cependant, il ne commencera à y procéder réellement et effectivement que depuis 1971 et sa célèbre décision Liberté d'association (n 71-44DC). Par une décision du 15 janvier 1975, IVG (n 74-54DC), le Conseil constitutionnel est amené à se prononcer, après avoir été saisi par des parlementaires dans le cadre de son contrôle a priori, et alors avant l'entrée en vigueur de la loi, sur un moyen tiré de la contrariété du projet de loi Veil par rapport à un traité international auquel la France est Haute partie contractante. Or le Conseil constitutionnel va créer la surprise en refusant tout bonnement de ne pas contrôler le moyen invoqué. Pourquoi ? Tout simplement parce que le texte de la Constitution ne prévoit pas qu'il lui reviendrait de connaître de la conventionnalité des lois et donc du contrôle des lois par rapport à un traité international. Il ne peut donc connaître que du contrôle de constitutionnalité des lois, contrôle ressortant directement des dispositions de l'article 61 de la Constitution. En outre, le Conseil constitutionnel estime qu'une loi qui serait contraire à un traité international ou à une disposition conventionnelle ne rendrait pas nécessairement cette loi contraire aux dispositions constitutionnelles. Les juges constitutionnels décideront donc de ne pas contrôler la conventionnalité de la loi, faute de compétence constitutionnelle expressément reconnue en la matière.

En fait, le Conseil constitutionnel renvoie la balle aux juges de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire. Pour lui, il leur revient de procéder à ce contrôle. Autrement dit, si une loi est contraire à une convention internationale, il reviendra soit au Conseil d'État, soit à la Cour de cassation de le préciser.

Quelques mois plus tard, la Cour de cassation dans sa décision Société des cafés Jacques Vabre, du 24 mai 1975 (n 73-13.556), décide de faire prévaloir le contenu, le sens et la portée de l'article 55 de la Constitution : les traités et les conventions internationales ont une autorité supérieure, sont hiérarchiquement supérieurs, aux lois internes françaises.

Le Conseil d'État, pour sa part, tardera à reconnaître cette supériorité des conventions internationales par rapport aux lois internes. Par son arrêt Nicolo du 20 octobre 1989 (n 108243), le juge administratif suprême emboite le pas à la Cour de cassation et reconnaît la supériorité des conventions internationales sur les lois. Notons qu'il avait d'abord décidé, par opposition aux considérations prétoriennes de la Cour de cassation, que le traité international ne disposait pas d'une telle valeur par rapport à la loi (cf. Syndicat général des fabricants de semoule de France, 1er mars 1968, n 62814). Cette décision Nicolo est par ailleurs importante sur le plan qualitatif dans la mesure où elle a permis l'intégration de tout le droit issu de l'Union européenne.


S'il est indéniable que les conventions internationales disposent, en droit français, d'une valeur hiérarchiquement supérieure aux lois internes, la situation est bien différente au regard de leur valeur vis-à-vis de la Constitution du 4 octobre 1958 (II).


II. La valeur supérieure de la Constitution du 4 octobre 1958 sur les conventions internationales

S'intéresser à la place respective, au sein de la hiérarchie des normes, de la Constitution du 4 octobre 1958 et des conventions internationales renvoie aux dispositions constitutionnelles de l'article 54. À la lecture de cet article, il est prévu que pour le cas où le Conseil constitutionnel constate qu'une convention internationale comprendrait une ou plusieurs clauses conventionnelles contraires au texte constitutionnel, alors il faudra obligatoirement procéder à une modification de la Constitution pour que la convention internationale puisse être ratifiée.

Le Conseil constitutionnel est alors seul compétent sur ce fondement juridique, mais aussi sur le fondement de l'article 61 de la Constitution pour procéder à la vérification de la conformité de la loi de ratification, et partant de la convention internationale par rapport à la Constitution.

En outre, d'après la décision Sarran et Levacher, du 30 octobre 1998, le Conseil d'État a reconnu que bien que l'article 55 de la Constitution confère une autorité supérieure aux engagements internationaux sur les lois françaises, cet article ne saurait conférer une telle autorité aux engagements internationaux vis-à-vis de la Constitution. Dans cet arrêt, le Conseil d'État retient alors que les dispositions de nature constitutionnelle disposent d'une autorité supérieure, au sein de l'ordre juridique français, sur les traités et conventions internationales. Ces mêmes considérations prétoriennes furent reprises par la Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, le 2 juin 2000, Fraisse (n 99-60.274).

Toutefois, une difficulté se pose dès lors que l'article 88-1 de la Constitution prévoit que la France participe à l'Union européenne. Or il existe en droit européen des actes dits dérivés. À qui revient donc la charge de procéder à ce contrôle des actes dérivés vis-à-vis de la Constitution française ?

Il convient tout d'abord de noter que dans la mesure où ces actes ne sont pas ratifiés, le Conseil constitutionnel s'est déclaré incompétent puisqu'ils ne tombent pas sous le coup des dispositions de l'article 54 précité. Néanmoins, le Conseil constitutionnel est compétent pour connaître des lois de transposition des directives européennes. Si une telle loi de transposition comprenait une ou plusieurs dispositions contraires à ce que contient la Constitution, celle-ci ne saurait entrer en vigueur (cf. Conseil constitutionnel, 27 juillet 2006, Loi relative au droit d'auteur, n 2006-540DC).

Concernant finalement le règlement interne transposant une directive, la réponse est apportée par le Conseil d'État dans son arrêt du 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique (n 287110). Ici, le juge administratif suprême a su concilier deux exigences, à savoir : la primauté de la Constitution française en droit interne, mais aussi la participation totale de la France à l'Union européenne. Il lui revient en fait de rechercher si les allégations de méconnaissance des dispositions constitutionnelles françaises trouvent un équivalent au sein de l'ordre juridique européen. C'est ce qu'on appelle la protection équivalente : il faut rechercher si le droit européen protège aussi bien les droits et les libertés fondamentales que le fait la Constitution française.

En d'autres termes, il doit rechercher si les libertés ou les droits concernés sont aussi protégés soit par les traités européens, soit par les principes généraux du droit européen.

Si oui, alors le juge administratif français recherchera si la directive européenne dont le décret de droit français se charge de transposer en droit français est conforme à cette règle ou bien à un principe général du droit européen.

Si non, et donc, s'il n'y a pas de règle voire de principe général du droit européen qui garantirait l'effectivité du respect de la disposition constitutionnelle française concernée, alors, en ce cas, le juge administratif français est compétent pour contrôler la constitutionnalité des dispositions réglementaires en cause.



Sources :

- Conseil d'Etat, Assemblée, 30 mai 1952, Dame Kirkwood, requête numéro 16690, rec. p. 291
- Décision n 71-44 DC du 16 juillet 1971
- Décision n 74-54 DC du 15 janvier 1975
- Cour de Cassation, Chambre MIXTE, du 24 mai 1975, 73-13.556
- Conseil d'Etat, Assemblée, du 20 octobre 1989, 108243
- Conseil d'Etat, Section, du 1 mars 1968, 62814
- Conseil d'État, Assemblée, 30 octobre 1998, Sarran et Levacher
- Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 2 juin 2000, 99-60.274
- Conseil d'État, 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine et autres
- Conseil d'État, Assemblée, 08/02/2007, 287110