Cet adage a été codifié au XIXe siècle à l'article 4 du Code de procédure pénal. Son but poursuivi était la cohérence des décisions de justice entre le civil et le pénal. Celui qui pouvait se prévaloir d'un préjudice sur les faits infractionnels commis par une autre personne pouvait se porter partie civile devant la juridiction civile pour obtenir réparation. Cependant, pour ne pas qu'il y ait de décisions contradictoires, le législateur a imposé au juge civil de sursoir à statuer.
Aucune réparation ne pouvait être déterminée avant que la culpabilité pénale de l'auteur des faits ne soit reconnue par le juge pénal. Une telle cohérence entre les décisions juridictionnelles est souhaitée en principe pour éviter un déni de justice. Il serait en effet fâcheux d'avoir un jugement civil de réparation auquel l'auteur des faits pourrait se soustraire en avançant son absence de culpabilité au regard de la loi pénale.
Mais en toutes hypothèses, la pratique a mené aux limites de cet adage. Les procédures abusives se sont multipliées par les constitutions de partie civile, entraînant un engorgement des tribunaux pénaux.
Or, comment concilier le droit d'avoir un procès dans un délai raisonnable, quand une instance est suspendue dans l'attente de décision d'une autre juridiction ? Ceci, multiplié par le nombre d'affaires de ce même tribunal.
C'est la résultante de l'affirmation antérieure de la suprématie du pénal sur le civil (I), qui a amené le législateur à faire évoluer la loi pour mettre un terme à ces abus (II).
I. L'affirmation de la suprématie du pénal sur le civil
II. L'intervention du législateur : la fin de la suprématie du pénal sur le civil
I. L'affirmation de la suprématie du pénal sur le civil
L'adage disposé à l'article 4 du Code de procédure implique que le juge civil devant lequel il est intenté une action en réparation portant sur les mêmes faits commis par les mêmes personnes que dans l'affaire pénale, doit surseoir à statuer au sens de l'article 378 du NCPC. Soit, il ne pouvait rendre aucune décision avant celle du juge pénal et il était tenu par elle dès lors qu'elle était susceptible d'influencer la décision civile. L'instance était suspendue et le juge civil n'était pas dessaisi.
En effet, une reconnaissance de la culpabilité du prévenu implique qu'il est responsable des faits commis et préjudices qui en résultent. Cependant, si le préjudice d'une personne n'avait aucun lien de causalité avec l'infraction intervenue, le juge civil n'était pas tenu d'attendre la décision du juge pénal. Il pouvait statuer sur le litige librement puisqu'aucune matière pénale n'y était liée.
Cela s'appliquait aux matières civile, commerciale et prud'homale.
Un figement tel quel dans le temps sur de nombreuses affaires a engorgé les tribunaux et par conséquent augmenté significativement les délais pour obtenir des jugements. Ceci était en contradiction avec l'article 6 paragraphe 1 de la CEDH qui exige un délai raisonnable. La France a été condamnée en ce sens dans un arrêt du 28 novembre 2000 par la Cour dans l'affaire Leclercq c/ France où elle a affirmé expressément qu' « il n'est plus possible aujourd'hui pour un État d'invoquer l'encombrement du rôle pour justifier la durée excessive des délais de jugement ».
Cette condamnation a amené le législateur à intervenir une deuxième fois en 2007 après un premier essai en 2000 pour remédier aux abus constatés.
II. L'intervention du législateur : la fin de la suprématie du pénal sur le civil
La première tentative du législateur était insuffisante. La loi du 10 juillet 2000 a restreint le champ d'application de l'article 4 du Code de procédure pénal aux fautes intentionnelles. L'article 4-1 prévoyait qu'en matière de fautes non-intentionnelles, le juge civil n'avait pas à sursoir à statuer. La réparation ne reposait plus que sur le fondement de l'article 1240 du Code civil et l'article 452-1 du Code de la sécurité sociale.
Mais comme le démontre la condamnation de la France quelques mois plus tard, ceci était insuffisant.
À l'occasion d'une nouvelle loi du 5 mars 2007, dans son article 20, le législateur a purement et simplement mis un terme à la suprématie du pénal sur le civil. Une nouvelle restriction de la portée de l'adage a été réalisée au nouvel alinéa 3 de l'article 4 du Code de procédure pénal.
Celui-ci dispose que le temps que la simple « mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile ». Ceci, même si au terme du procès pénal, la décision devrait avoir eu une influence sur le jugement civil. Soit, il est désormais possible de bénéficier d'une réparation au civil même si la culpabilité de la personne inculpée s'avère finalement écartée, tant que le préjudice subi ne résulte pas de la seule infraction. Il pourra être tout de même reconnu responsable civilement, si les conditions de l'article 1240 sont remplies. Autrement, si le préjudice est subi en raison de la seule l'infraction, l'adage s'appliquera.
Aujourd'hui, il est possible de demander la réparation du préjudice trouvant son origine dans une infraction au juge pénal ou au juge civil. Celui-ci ne sera tenu de sursoir à statuer que dans le cas où le préjudice ne résulte que de la seule infraction. Cependant, si le préjudice peut être imputable en dehors des faits infractionnels, le juge pourra statuer avant la condamnation ou relaxe au pénal. Ce n'est plus une obligation, mais une faculté.
Source : Loi n 2007-291 du 5 mars 2007