Introduction
I. Les critères de la subordination juridique
II. La recherche de la subordination juridique par les juges du fond
III. La notion de dépendance économique encore utile aujourd'hui
Conclusion


Introduction

C'est dans un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation de 1931 que la Cour a rejeté le critère de dépendance économique : « La condition juridique d'un travailleur à l'égard de la personne pour laquelle il travaille ne saurait être déterminée par la faiblesse ou la dépendance économique dudit travailleur », c'est « la qualité de salarié qui implique nécessairement l'existence d'un lien juridique de subordination du travailleur à la personne qui l'emploi ».

De ce fait, il faut distinguer la subordination juridique et la subordination économique. C'est ce qui permettra notamment de différencier le contrat de travail du contrat d'entreprise. Une personne peut tout à fait se retrouver en situation de dépendance économique envers son cocontractant, ce qui l'obligerait à exécuter sa mission sous ses ordres avec un certain contrôle. Pourtant, ce ne serait pas un salarié travaillant pour un employeur, comme pour contrat de location d'un véhicule équipé taxi par exemple (Cass. Soc. 18 mars 2016, n 14-28.987).

Le problème se pose aujourd'hui de savoir si avec cette définition jurisprudentielle de la Cour de cassation, la distinction a encore de l'importance. Il y a notamment un débat quant au statut sur les travailleurs indépendants, mais économiquement dépendants.

Ainsi, il est important de rappeler que la subordination juridique est une condition essentielle à la qualification d'un contrat de travail (I). Cette qualification est importante, puisque d'elle découle l'application du régime de protection légal appliqué aux salariés. La recherche de cette condition est pourtant complexe (II). Ensuite, il faut constater que le critère de subordination économique n'est pas totalement à écarter aujourd'hui (III).


I. Les critères de la subordination juridique

Le plus simple pour distinguer la simple dépendance économique qui peut régner entre deux personnes sans qu'il n'y ait pour autant de contrat de travail, de la subordination juridique est de constater les trois critères qui la définissent.

La Cour de cassation les a définis dans un arrêt du 13 novembre 1996. Son attendu de principe était que « le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres, et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner des manquements de son subordonné ».

Cette réunion de ces critères a permis la qualification de contrat de travail même dans des situations qui étaient inattendues à l'époque. Comme c'était le cas dans l'arrêt « Ile de la tentation », qui n'était alors pas un simple contrat de jeu télévisé. Celui-ci aurait pu être qualifié de contrat d'entreprise, étant donné que le producteur disait laisser une grande liberté, avec seulement quelques directives aux participants. Cependant, il s'est avéré que ce pouvoir de direction était plus important puisqu'on leur a donné davantage de précisions que de simples grandes lignes directrices. Il s'agissait par exemple de ne pas pouvoir contacter des personnes en dehors des participants, notamment la famille, pendant toute la durée du jeu. Il y avait également un pouvoir de sanction, puisque s'ils ne se conformaient pas à ces ordres, ils étaient mis à l'écart du jeu.


II. La recherche de la subordination juridique par les juges du fond

Le juge se doit d'abord d'apprécier les circonstances de faits dans lesquelles le salarié exerce son activité professionnelle (Cass. Soc. 9 mai 2001, n° 98-46.158). Plusieurs exemples ont démontré que ces critères étaient cumulatifs et que l'analyse de chaque élément pris isolément ne pouvait suffire pour qualifier la subordination juridique. Comme c'était le cas pour l'indemnisation d'une personne par la Sécurité sociale au titre du régime général des salariés. Ici, le salarié avait une large délégation de pouvoir qui lui permettait de se comporter en dirigeant de fait d'une société, sans qu'il n'ait été justifié qu'il avait des comptes à rendre (Cass. Soc. 18 juin 1997, n 95-43.853).

Ce n'est pas non plus le cas sur la simple production de bulletins de salaire par l'employeur (Cass. Soc. 10 juin 2008, n 07-42.165).

C'est dans le cadre de la recherche de faisceaux de preuves réunis que le juge peut caractériser cette subordination juridique sur la simple dépendance économique (Soc. 19 décembre 2000, arrêt Labbane).


III. La notion de dépendance économique encore utile aujourd'hui

Le critère de dépendance économique n'a pas totalement été abandonné de l'évolution du droit. Il a notamment inspiré les extensions légales du statut de salarié à certaines catégories de travailleurs, qui peuvent bénéficier d'une protection sociale grâce à cela. Dans leur cas, la subordination juridique pouvait difficilement être qualifiée par les juges. Il était donc nécessaire d'utiliser la dépendance économique en complément pour les protéger. Il s'agit notamment des travailleurs à domicile par exemple. En raison de l'absence physique du salarié dans l'entreprise, il est compliqué de justifier du pouvoir de sanction, de contrôle et de direction de l'employeur. Il en est de même pour les VRP, les gérants de succursales ou des gérants libres de stations-service, qui travaillent exclusivement pour une entreprise (Cass. Soc. 18 novembre 1981, n° 80-12.526)


Conclusion

Ainsi, le critère fondamental pour qualifier un contrat de travail est la subordination juridique. Ceci afin de répondre à la protection sociale accordée aux travailleurs à notre époque, en France. De ce lien dépend ce contrat, et notamment la protection accordée par la Sécurité sociale. Pourtant le critère de dépendance économique demeure aussi utile pour étendre cette protection.


Les articles suivants sur l'actualité juridique peuvent vous intéresser :

Explication de la loi travail ou loi El Khomri
La réforme du droit du travail en 10 points
Cas pratique corrigé en droit du travail : inspection du travail, modification du contrat de travail...
Cas pratique en droit du travail : la vie privée du salarié et le licenciement
La dissertation juridique : méthode