Selon Jean-Jacques Rousseau, « les impôts ne peuvent être établis légitimement que du consentement du peuple ou de ses représentants » (Discours sur l'économie politique, 1755). En effet, la fiscalité est un attribut régalien de l'État. Ce financement particulier est du domaine réservé au Parlement (article 34 de la Constitution de 1958), en raison du principe de légalité fiscale. L'impôt doit être consenti selon le décret du 13 juin 1789, qui a par la suite été repris à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'Homme.

Il existe des garanties pour les contribuables. Elles sont nécessaires pour leur assurer une protection suffisante pour éviter les conflits avec les contribuables qui y voient une atteinte à la propriété. Parmi des garanties, le principe de sécurité juridique en constitue une à part entière. Il permet de poser un cadre au sein duquel les acteurs du droit fiscal peuvent agir, qu'il s'agisse de l'Administration ou des contribuables.


Existe-t-il un principe consacré de sécurité juridique en droit fiscal ?


Ce principe de sécurité juridique n'a pas de valeur constitutionnelle nommément consacrée. Il a une origine jurisprudentielle (I) et n'a pas été appliqué en matière fiscale avant 2012 (II).


I. La notion de sécurité juridique
II. La sécurité juridique relative en droit fiscal


I. La notion de sécurité juridique

Ce principe est une nécessité dans un État de droit. Il se traduit dans notre droit par des règles écrites, qui doivent répondre à des exigences d'accessibilité et d'intelligibilité. La sécurité impose également la prévisibilité du droit pour que le contribuable puisse raisonnablement envisager la solution à son problème.

Particulièrement en matière fiscale, Adam Smith, un économiste du 18e siècle, chef de file de l'école classique anglaise avait exprimé que cette règle devait être claire, précise et intelligible. Dans le cas contraire, le contribuable serait sous la décision discrétionnaire du percepteur d'impôt.

Le principe de sécurité juridique a été reconnu au niveau international, après son apparition première en Allemagne. Dans un premier temps par la Cour de justice des Communautés européennes dans un arrêt Bosch, le 6 avril 1962. Par la suite, cette jurisprudence a été réaffirmée (CJCE, 14 juillet 1972, aff. 57/69). C'est dans l'arrêt Dürbeck du 5 mai 1981 que le principe de confiance légitime est consacré comme corollaire du principe de sécurité juridique. Quant à elle, la Cour européenne des Droits de l'Homme l'a utilisé dans les arrêts Sunday Times et Hentrich c/ France au 22 septembre 1994. La Cour a exigé qu'une loi doit être précise et prévisible.

En droit français, ce principe d'une grande importance n'a pas de valeur constitutionnelle dans la Constitution de 1958, hormis par le biais de l'article 2 de la DDHC, cité en Préambule. Il dispose que « la sûreté » est le troisième « des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme » parmi « la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». Le Conseil a surtout affirmé le principe de clarté de la loi (décision du 16 décembre 1999). Ce n'est que par l'arrêt KPMG, que le Conseil d'État a consacré ce principe explicitement dans une décision d'assemblée du 24 mars 2006, comme principe général du droit. Puis, le Conseil a précisé que cette sécurité juridique pouvait entraîner une modulation des effets dans le temps d'une annulation contentieuse ou des effets de la jurisprudence (CE, Ass. 16 juillet 2007, Sté Tropic Travaux Signalisation).

Ainsi, le principe de sécurité juridique revêt une grande importance dans plusieurs sources de règle, que ce soit internationale ou nationale. Il a vocation à s'appliquer à toute matière en raison de son caractère de principe général du droit. La matière fiscale est également visée, d'autant plus en raison de sa complexité et de son importance.


II. La sécurité juridique relative en droit fiscal

En plus de la complexité, de l'obscurité et du flou des règles de droit fiscal, la rétroactivité peut être de mise. Ce qui est d'autant plus dangereux et un facteur d'insécurité juridique. Mais une telle hypothèse est pourtant admise par le Conseil constitutionnel (décision 22 juillet 1980), ce qui enlève tout caractère absolu au principe de sécurité juridique et lui fait perdre de l'efficacité en limitant éventuellement son application à des sujets spécifiques.

Le principe de sécurité juridique n'a pas connu d'application en matière fiscale avant 2012 (CE, 30/03/2011, n 315066). Ce n'est qu'alors que le Conseil d'État a confirmé l'application du principe en matière de prescription fiscale (CE, 04/04/2012, n 326760 ; CE, 23/06/2014, n 355801). Son efficacité et la garantie qu'il assure demeurent de ce fait assez faibles. Le Conseil Constitutionnel n'étant pas davantage un garde-fou pour la sécurité du contribuable (décision 22 juillet 1980).

La Cour de cassation a également pu affirmer l'application de ce principe quand elle a censuré une Cour d'appel dans une espèce pour avoir « ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas » (Com. 2 février 2016). Cet arrêt est représentatif du problème d'interprétation de la Loi fiscale.



En conclusion, le principe de sécurité juridique est affirmé comme principe général du droit, à plusieurs niveaux. Mais pour le droit fiscal, il a peu d'application alors que les textes restent flous, complexes. Le principe de sécurité juridique existe donc en droit fiscal, mais par petite touche seulement, au détriment du contribuable.



Sources : Dalloz ; LexisNexis ; GAJA ; La doctrine fiscale, la sécurité juridique et le principe de légalité, François BARQUE, RDLF 2013, chron. N 20.