Des principes à la base de ce dialogue
Des difficultés de mise en oeuvre ?
Un dialogue des juges réel ?


Des principes à la base de ce dialogue

Le dialogue des juges renvoie à un dialogue entre le juge national, en tant que juge de droit commun du droit de l'Union européenne, et le juge européen. Ici, cela renvoie à d'autres notions de droit européen, du fait que le juge national se doit d'appliquer le droit de l'Union européenne et doit appliquer ce qui est posé, édicté, prévu directement par le droit de l'Union. Il ne peut alors pas y déroger.

Cela ressort de la jurisprudence du 15 juillet 1964, Costa c/ ENEL (n 6-64) de la Cour de justice qui consacra le principe de primauté du droit de l'Union européenne ; la Cour a, par conséquent, appuyé le poids du droit de l'Union européenne sur le droit national afin que les juges nationaux lorsqu'ils appliquent ce droit ne soient pas autorisés à en invalider la lettre et la portée. Cela ressort également de la décision du 5 février 1963, Van Gend en Loos (n 26/62), qui prévoit le principe de l'effet direct du droit communautaire.

Dans ces deux décisions, le juge européen considère que le droit tiré de l'Union européenne s'applique directement aux individus européens, aux citoyens européens, et donc aux citoyens des États membres de l'Union, et, de ce principe le juge considèrera que le droit de l'Union européenne, s'il concerne directement les citoyens européens, s'adresse directement au juge national qui doit en respecter les règles édictées au niveau supranational. De même, et en cas de conflits de normes, un conflit qui existerait alors entre une norme interne et une norme européenne, le juge national devra appliquer la règle juridique européenne, qui prime sur la règle nationale qu'il aurait pourtant vocation à mettre en application.

Dans la décision Cohn-Bendit du 22 décembre 1978, il est, entre autres, retenu qu'il est nécessaire qu'un dialogue des juges existe : ce dialogue constitue alors une relation harmonieuse entre le juge national et le juge européen de manière à établir sur le plan des États membres, mais aussi sur le plan de l'Union européenne en tant qu'organisation internationale, un droit commun. Cela constitue le prolongement du principe de primauté mis en avant dans la jurisprudence de la Cour de justice.


Des difficultés de mise en oeuvre ?

Durant les années 1960, il fut laissé entendre que le droit communautaire ne garantissait pas les droits des individus de la même manière que les droits des États membres ou en tout cas que le niveau de protection fut équivalent entre les deux droits. Cela s'est ensuite illustré dans les jurisprudences Solange de la Cour de Karlsruhe, la Cour constitutionnelle allemande, notamment en 1974 et 1986 et qui s'est prolongé en 2009. Les juges allemands ont considéré que tant que (solange en allemand) l'Union européenne n'offrait pas un niveau de garantie des droits fondamentaux au moins équivalent à celui issu de la Constitution allemande, alors le juge national gardait la main sur cette protection ce qui remet en question l'un des principes fondateurs de l'Union, à savoir : le principe de primauté.


Un dialogue des juges réel ?

Dans le cadre de la saga jurisprudentielle Solange, il est question de savoir si le juge allemand et le juge européen ont opéré, ou non, ce dialogue des juges. Mais encore faut-il réellement savoir ce que l'on entend par le terme même de "dialogue des juges" ? Pour le commissaire français Genevois, le dialogue des juges renvoie à ce qui empêche les juges, nationaux d'une part, européens d'autre part, de mener une "guerre", mais aussi de s'adonner à une autre notion, celle du "gouvernement des juges". Cela renvoie, finalement, à un échange effectué entre des juridictions différentes afin de s'orienter vers une relation harmonieuse pour justement éviter tout conflit... Cependant, on le voit bien, la solution retenue par le juge national allemand prévoit expressément la subordination d'un ordre juridique à un autre ce qui affaiblit un droit au profit d'un autre. Le processus est purement juridique ; or le droit de l'Union européenne prévoit pour sa part la procédure du renvoi préjudiciel qui permet à tous les juges nationaux de poser une question au juge de l'Union. Cependant, ce renvoi préjudiciel ne constitue pas entièrement ce que l'on entend par le terme de dialogue. C'est un échange, car il y a bien une question puis une réponse qui y est apportée, mais ce n'est pas un dialogue. D'un point de vue juridique, d'un point de vue du droit positif, le dialogue des juges n'existe pas. Si le dialogue existe, il ne rencontre pas de réalité juridique pratique.



Sources : Actu.dalloz-etudiant.fr, Eur-lex.europa.eu, Cvce.eu, Senat.fr