En effet, face à l’accroissement inquiétant de la délinquance chez les plus jeunes, la scène politique de l’époque se saisit rapidement de ce problème. Le texte présente alors les trois grands principes de la justice pénale des mineurs, à savoir l'excuse de minorité, la primauté de l'éducation et la spécialisation des juridictions et des procédures. Si cette ordonnance de 1945 mettait déjà en avant l’éducation plutôt que la répression et l’enfermement pour les mineurs, le Code de la justice pénale des mineurs (CJPM) qui lui a succédé le 30 septembre 2021, poursuit cette perspective quant au traitement de la délinquance juvénile.

Nous pouvons, dès lors, nous demander : En quoi cette délinquance juvénile représente-t-elle une forme de délinquance particulière ?
Nous dresserons tout d’abord un état des lieux de la délinquance juvénile en France. Nous montrerons ensuite dans quelle mesure cette délinquance constitue un enjeu majeur, tant sur le plan juridique que sociétal.

I - État des lieux de la délinquance juvénile en France

1)    Des acteurs particuliers : les mineurs

Si de Gaulle présentait la délinquance juvénile comme une « enfance délinquante », force est de constater que cette expression désigne, en réalité, le comportement illégal d’un mineur, qu’il s’agisse d’un enfant ou bien d’un adolescent. En ce sens, le pédopsychiatre Maurice BERGER évoque l’existence de facteurs de risque associées à la délinquance. Il explique ainsi que les causes premières de cette délinquance et au-delà de cela, de la violence juvénile qui en découle se situent dans la petite enfance. Dans son ouvrage Sur la violence gratuite en France. Adolescents, hyperviolents, témoignages et analyses publié en 2019, il affirmait que 69 % des adolescents très violents ont été exposés à des scènes de violences conjugales, au cours de leurs deux premières années de leur vie. Selon lui, c’est cette image, en eux, d’un père violent qui resurgit lorsque ces jeunes subissent une bousculade ou un mauvais regard.


2)    Panorama des délits commis

Dresser un état des lieux de la délinquance juvénile en France ne peut être réalisé sans présenter un panorama des délits commis. En effet, le type d’infractions commises ainsi que leur quantité sont des indicateurs fiables du niveau d’insécurité publique, de l'anomie sociale et du respect des lois d'un pays. En ce sens, si les différentes études de criminologie, dont celle de Sandra WALKLATE  Understanding Criminology: Current Theoretical Debates (2003) soulignent que la plupart des crimes sont commis par des personnes entre 15 et 25 ans, on remarque également que les jeunes primo-délinquants seraient plus facilement réinsérables socialement parlant, qu’un criminel multi-récidiviste.
Par ailleurs, tant les rapports de police que les études réalisées à ce sujet mettent en évidence l’évolution actuelle de cette délinquance juvénile. Désormais, la nature des délits tend, ces dernières années, vers une violence en bande organisée et non plus, vers une délinquance solitaire. Les vols et autres violences sont donc l’objet d’un comportement collectif, où le facteur d’effet de groupe ne cesse de gagner de l’importance. On assiste également à une certaine féminisation de cette délinquance juvénile avec un public de jeunes délinquants, constitué de plus en plus de jeunes filles.

II - Un enjeu socio-judiciaire de première importance

1)    Un enjeu judiciaire : quelle(s) peines encourues ?

Comme de nombreux pays, la France distingue les délinquants mineurs des majeurs. En plus de cette première distinction, la législation française en effectue une seconde, les sanctions encourues dépendant de l'âge du mineur. Ainsi, pour un mineur de 10 ans, aucune mesure ne peut être appliquée car la loi reconnaît l’irresponsabilité pénale absolue pour les enfants.
En France, cet âge de l’irresponsabilité pénale est fixé 13 ans, ce qui signifie qu’un mineur de plus de 13 ans est responsable juridiquement de ses actes et donc sanctionnable auprès d’un tribunal pour enfants. Une peine pénale peut donc être ordonnée si les circonstances et la nature du délit commis l’exigent. Parmi les peines pénales encourues, le Tribunal peut décider d’établir des amendes avec un montant maximum de 7 500 €, des peines de prison qui ne peuvent excéder la moitié du maximum prévu pour les majeurs et enfin, des travaux d’intérêt généraux pour les jeunes entre 16 et 18 ans. Les peines de prison sont les mesures les plus coercitives instaurées.
Pour un mineur âgé entre 10 et 13 ans, seules des mesures éducatives peuvent être mises en place. Ces mesures éducatives ont pour objectif d’éduquer le mineur tout en le protégeant, le surveillant et surtout tout, en lui permettant une future réinsertion sociale. Parmi ces mesures, on trouve l'admonestation, pour les infractions légères, la remise au représentant légal ou à une personne digne de confiance, une mesure d'aide ou de réparation, une mesure d'activité de jour, le placement dans un établissement, une mesure de liberté surveillée ou encore la miser sous protection judiciaire.  
Par conséquent, d’un point de vue judiciaire, l’éventail des sanctions encourus par un jeune est extrêmement large afin de couvrir tous les cas de situations possibles.

2)    Un enjeu sociétal : quel avenir pour ces jeunes anciens délinquants ?

La délinquance juvénile est un sujet sociétal très important et s’immisce très souvent, sur le devant de la scène politique française. Ainsi, en 2009, Brice HORTEFEUX, alors ministre de l’Intérieur évoquait la possible instauration d’un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans. Cette mesure visait à réduire la part que représentait la délinquance juvénile par rapport à l’ensemble des délits commis. Il s’agissait à l’époque d’un débat politique hautement sensible puisque cette année-là, la délinquance juvénile correspondait à 18 % de l'ensemble des délits et infractions constatés par la police, un pourcentage en hausse de 5% par rapport à 2008. Dans son rapport du 27 juin 2002 intitulé Délinquance des mineurs : la République en quête de respect, la commission d’enquête du Sénat en charge de l’analyse de la délinquance des mineurs aboutissait à des conclusions proches de celles de Brice HORTEFEUX.


Pour conclure, la délinquance juvénile représente bien une forme de délinquance particulière en France. En effet, si elle met en relation des acteurs singuliers, à savoir les mineurs au regard de la loi, force est de constater que la nature des délits et leur quantité n’ont eu de cesse de peser sur le regard de l’opinion publique quant à la notion d’insécurité. En ce sens, cette délinquance constitue un réel enjeu, tant sur le plan juridique que sociétal puisque cette thématique émerge fréquemment dans le débat politique et ce, en plus d’être importante concernant la future réinsertion sociale de ces jeunes.