Introduction
L’affaire de Mme Grün, de nationalités allemande et russe soulève des questions complexes qui est en rapport à son extradition et à ses droits fondamentaux. Dans un premier temps, nous examinerons les motifs juridiques entourant l’extradition de la concernée vers la Fédération de Russie. Ensuite, nous aborderons la situation de Lila, sa filleule, et les droits que celle-ci peut invoquer en tant que citoyenne de l’Union européenne par l’entremis de Mme Rot sa mère. Les deux cas présentés soulèvent des questions complexes. Pour ce faire, l'objectif est d'analyser les questions juridiques en profondeur et d'éclairer les droits et les options de chaque victime au regard du droit de l'Union européenne.
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CAS 1
Alors que les autorités françaises envisagent de répondre favorablement à la demande d’extradition émanant de la Fédération de Russie, il convient d’examiner certains points. C’est-à-dire évaluer les conditions dans lesquelles le droit de l’Union européenne peut s’opposer à cette mesure. Pour ce faire, les tenants et aboutissants derrière le cas d’extradition de Mme Grün soulèvent des questions complexes. Ceci étant dit, pour une gestion efficace de cette situation, il faut cependant analyser chaque contour. Pour commencer, nous allons nous focaliser sur le leitmotiv de la situation qui est l’extradition. Rappelons qu’il existe un processus officiel dénommé Mandat d’Arrêt Européen (MAE). En effet, le MAE est un instrument juridique qui facilite l’extradition entre les États membres de l’Union européenne. Il permet une procédure plus rapide et simplifiée pour la remise d’une personne recherchée. Aussi, selon l’article 695-4 du Code de procédure pénale français, un ressortissant de l’Union européenne ne peut être extradé vers un État tiers que si son État de nationalité n’a pas émis de MAE à son encontre. Si tel est le cas, l’État membre requis peut procéder à l’extradition, sous réserve de vérifier que celle-ci ne portera pas atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernée. Étant, une ressortissante à moitié russe, et que le pays tiers n’est pas membre de l’UE alors la concernée ne sera pas extradée par cette procédure. De plus, il existe également plusieurs possibilités pour refuser l’extradition. Disposant également de la nationalité allemande, Mme Grün pourrait s'opposer à son extradition en s’appuyant sur l'article 4 du Protocole n° 25 relatif à la Convention européenne d'extradition (STE n° 166). Selon cet article, la Convention européenne d'extradition interdit le transfert d'un ressortissant d'un État « partie » vers un autre État « partie » . Cela dit, Mme Grün étant de nationalité allemande, membre de l'Union européenne, pourrait se servir de ce principe contre la demande judiciaire de la Russie. Néanmoins, il existe des exceptions à la règle. Par exemple, l’article n° 11 du même Protocole permet l'extradition d'un ressortissant si l'État requérant consent à une réextradition vers l'État d'origine de l'individu après l'exécution de la peine ou d'autres mesures.
Aussi, l’intéressée craint des conditions de détention indignes en Russie. Or, la Cour européenne des droits de l'homme dans son article n° 3 a statué que toute extradition pouvait être refusée si des éléments concrets et pertinents permettaient de croire que l'individu extradé risquait d'être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants. Pour ce faire, Mme Grün peut invoquer cet article de la Convention européenne des droits de l'homme pour justifier son opposition à l'extradition. Dans cette perspective, avant d’accorder l’extradition, les autorités françaises doivent évaluer les risques pour la détention de l’accusée en Russie. À cet effet, l’article n° 19 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne garantit le respect des droits lors de l’extradition . Ce qui contraint la France à s’intéresser à l’isolement cellulaire et les mauvais traitements en prison en Russie. Dans la mesure où les craintes de la dame sont vérifiées, alors il aura un non-lieu par rapport à l’extradition.
L’autre élément pouvant contraindre les autorités françaises à refuser le transfert de Mme Grün à la justice russe est sa prétention. En effet, la dame pressent un manque de confiance dans le système judiciaire du pays demandeur. Ce qui précède étant énoncé, la CEDH a admis que l'extradition pouvait être refusée si l'État requérant présentait des lacunes systémiques importantes dans le respect de l'État de droit et des droits fondamentaux. Cela dit, Mme Grün peut fonder sa requête sur l'article n° 18 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui exige le respect des principes fondamentaux du droit, y compris le droit à un procès équitable.
Quant à cette péricope « alors que la République française n’extrade pas ses propres ressortissants nationaux. », elle n’est pas totalement vraie. Certes, la République française a une politique de non-extradition de ses propres ressortissants nationaux. Par contre, le droit de l’Union européenne peut s’opposer à cette règle si les conditions du MAE sont remplies. Et, si les droits fondamentaux de la personne recherchée sont protégés.
Pour finir, il existe une balance entre la justice et la protection des droits individuels. Dans ce cas précis, le droit de l’UE offre des garde-fous pour protéger les droits de chaque personne. Ce qui implique Mme Grün dans le contexte de son extradition vers la Fédération de Russie. Pour une meilleure gérance de cette affaire, il appartient aux autorités françaises d’évaluer minutieusement toutes les conditions avant de prendre une décision.
CAS 2
Bien vrai que la situation de Lila, citoyenne de l’Union européenne, et de sa mère Mme Rot, ressortissante indienne, pose des défis juridiques complexes. Néanmoins, Lila, en tant qu’Allemande, bénéficie manifestement du statut de citoyen membre de l'UE. Ce qui concorde avec l'article n° 21 du TFUE, qui lui confère d’office le droit de séjourner librement sur le territoire allemand comme sur le territoire des États membres. Cependant, ce droit de séjour n'est pas absolu et peut être restreint sous certaines conditions en vertu de l'article n° 23 dudit TFUE. Dans ce cas, il serait judicieux de déterminer si les motifs de l'ordre de quitter le territoire allemand sont légitimes et proportionnés.
D’un autre côté, l'ordre d'expulsion qui a été adressé à Mme Rot est légitime en raison de son absence de titre de séjour valable. En ce sens que tous les États membres de l’UE ont le pouvoir d’exiger des ressortissants étrangers de détenir un titre de séjour valide pour résider sur leur territoire. Paradoxalement, le même droit de l'UE impose également des limites à cette capacité de restreindre le droit de séjour des citoyens membres de l'Union et de leurs membres de famille. Vu la situation de Mme Rot, en tant que mère célibataire de Lila, elle peut jouir de cette dérogation. Aussi, en vertu du principe de primauté, il en ressort que le droit de l’Union prévaut sur le droit national des États membres en cas de conflit1. Ainsi, Mme Rot peut se prévaloir des règles de l’Union européenne pour protéger les droits de Lila.
Naturellement, la Directive 2004/38/CE établit les conditions pour exercer ce droit, notamment la résidence, les ressources suffisantes et l’assurance maladie. Cela signifie que Mme Rot peut demander un titre de séjour en Allemagne afin de s'occuper de Lila et d'exercer ses droits parentaux. Nonobstant, avant l’attribution du titre de séjour, les autorités allemandes devront prendre en compte sa situation particulière. Principalement on étudiera les efforts générés pour assumer la garde de Lila.
Pour rappel, la CJUE interprète la législation européenne et statue sur les différends juridiques. Aussi, cette cour de justice peut également être saisie par des particuliers, des entreprises ou des organisations lorsque leurs droits ont été violés par une institution de l’UE . Dans cette perspective, la mère de Lila peut donc saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour contester l’ordre de quitter le territoire allemand. En effet, si Mme Rot, mère de Lila se sent lésiner par les autorités allemandes et affirme que ses droits de citoyenneté ont été violés, elle peut saisir la CJUE pour obtenir une décision préjudicielle. À cet égard, pour saisir la CJUE, il est nécessaire que la question d'interprétation du droit soit pertinente. Et d’autre part, la décision de la CJUE peut avoir une influence sur l'issue de cette affaire. De plus, la saisine de la cour doit être effectuée par un juge national et non par les individus eux-mêmes.
Dans l’ensemble, Mme Rot peut faire valoir un recours au manquement devant la CJUE contre l’État allemand. Dans la mesure où l’Allemagne ne respecte pas les droits de Lila en tant que citoyenne de l’Union, ce recours permettra de faire valoir leurs droits de séjour.
En fin de compte, compte tenu du droit de l’Union européenne, Mme Rot peut saisir la CJUE pour protéger les droits de Lila. En ce sens que la CJUE interprète la législation européenne et garantit son application uniforme dans tous les pays de l’UE. Dans ce sens, les recours possibles incluent le renvoi préjudiciel et le recours en manquement. Autrement dit, Mme Rot peut ainsi défendre les droits de sa fille et contester l’ordre d’expulsion en se fondant sur le droit de l’Union.
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Conclusion
L'analyse du cas de Mme Grün et de Lila met en lumière la pertinence de garantir le respect des droits fondamentaux et des principes du droit de l'UE. Par ailleurs, si les États membres ont le droit de mettre en œuvre des mesures de sécurité publique et de contrôle de l'immigration, ces mesures doivent être encadrées. En effet, elles doivent être proportionnées et respectueuses des droits des citoyens et de leurs parents.
Dans le cas de Mme Grün, l'extradition ne doit être autorisée que si les conditions strictes prévues par le droit de l'Union sont remplies. En premier lieu, en ce qui concerne Lila et Mme Rot, leur droit de séjour en Allemagne doit être évalué en tenant compte de leur situation particulière. De plus, en 2nd lieu, ce droit doit corréler avec les principes de libre circulation et de non-discrimination.
Le sujet