I. Interdiction de la manifestation

D’après l’énoncé, la réaction du maire n’est pas mise en lumière, cela sous-entend que le maire est resté inactif. Par voie de conséquence, le proviseur a sollicité l’intervention du préfet pour prendre les mesures nécessaires visant à éliminer les rassemblements autour du lycée Roger Vadim afin d’assurer la sécurité et la tranquillité lors de la rentrée scolaire.

Selon l'article L. 2215-1 du Code général des collectivités territoriales, « le préfet peut se substituer aux maires pour prendre des mesures de maintien de l'ordre lorsque celui-ci est menacé dans plusieurs communes limitrophes », notamment les mesures prévues par l'article L. 2212-2 et L. 2213-23 du même code, qui concernent « la police administrative générale et les pouvoirs du maire en matière de maintien de l'ordre public ».

La loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a ajouté un quatrième alinéa à l'article L. 2215-1 du « CGCT » : « 4° En cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d'entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées » .

Ainsi, l’intervention du préfet pour interdire tout rassemblement devant le lycée Roger Vadim est légalement justifiée car le préfet détient un pouvoir de police indépendant et ainsi qu’un pouvoir de substitution en cas d’atteint à la sécurité publique lorsque le maire ne s’acquitte pas de ses obligations en matière de police. Autrement dit, la carence du maire engage la responsabilité du préfet dans le maintien de l’ordre public et l’exercice des fonctions liées à la police municipale. Les menaces sérieuses pour la sécurité de l'établissement, telles que manifestées par les lettres de menaces et les risques de perturbation annoncés par une association d'ultras religieux, légitiment l'intervention du préfet pour préserver l'ordre public en vertu de l'article L. 2212-2 du CGCT et de l'article L. 2215-1.

Examinons à présent la légalité de la mesure adoptée par le préfet en analysant les circonstances de temps et de lieu. Selon la décision du Conseil d’Etat du 19 Mai 1933, Benjamin, les mesures de polices sont soumises au « triple test de proportionnalité », elles sont censées être « adaptées, nécessaires, proportionnées à la défense de l’ordre public » . En termes de proportionnalité, une zone de 200 mètres autour de l'école semble raisonnablement proportionnée sur le plan géographique. En revanche, une durée indéfinie comme « jusqu'à ce que la situation s'apaise » semble excessive et vague, ce qui pourrait justifier une censure du juge administratif en raison de son caractère trop général et absolu. En effet, Le principe de proportionnalité est perçu comme l’« exigence d’un rapport, d’une adéquation, entre les moyens employés par l’administration et le but qu’elle vise » . Dans le cas du lycée, la nécessité que la mesure de police soit proportionnée à la situation n'est donc pas claire. En effet, une mesure de police n'est légale que si elle respecte strictement la proportionnalité, assurant que les restrictions aux libertés publiques sont nécessaires pour maintenir l'ordre public . On pourra ainsi conclure à l’illégalité de la mesure prise par le préfet.

II. Communication du programme

a. Droit à l’information des parents

L'article L111-1 du code de l'éducation pose le principe du droit à l'éducation pour tous les enfants, dont le droit des parents à être informés sur l'organisation et le contenu de l'enseignement dispensé à leurs enfants .

En outre, l’article L111-4 du code de l'éducation précise que « les parents ont le droit de connaître l'organisation des enseignements suivis par leurs enfants ». Cela justifie leur demande concernant la liste des cours dispensés par le professeur concerné et le contenu du programme pour l'année scolaire 2023-2024. En vertu de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration , « les administrations sont tenues de publier ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande », sauf exception prévue par la loi. Cela inclut les documents relatifs à l'organisation des cours et au programme d'enseignement.

Au vu de ces articles, les parents sont en droit de demander des informations sur les cours et le programme, et l'enseignant doit veiller à respecter le principe de neutralité dans ses communications publiques.

b. Préjudice indemnisable subi par la fille

Pour évaluer le préjudice indemnisable subi par la fille, choquée par les scènes de nudité du film et l’image de la femme qu’elles présentaient, on peut se référer à la jurisprudence du Conseil d'État. En particulier, l'arrêt du 9 novembre 2016 (Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 393108, publié au recueil Lebon) . Dans cet arrêt, le Conseil d'État a rappelé que le préjudice moral subi par une personne peut donner lieu à indemnisation lorsqu'il est établi que ce préjudice a causé une souffrance psychologique réelle et sérieuse. Pour que le préjudice moral soit indemnisable, il doit être directement lié à l'action ou à l'omission d'une autorité publique ou d'un agent public dans l'exercice de ses fonctions.

c. Revendication politique de l'enseignant

En ce qui concerne la revendication de l’enseignant sur Twitter quant à la nature politique de son geste pourrait être examinée à la lumière de l'article L141-6 du code de l'éducation . Cet article stipule que : « les personnels des établissements d'enseignement public doivent respecter le principe de neutralité et s'abstenir de toute propagande à caractère politique, religieux ou philosophique dans l'exercice de leurs fonctions ».
L'article L121-2 du code général de la fonction publique renforce le principe de neutralité, en précisant que « Dans l'exercice de leurs fonctions, les fonctionnaires sont tenus à une obligation de neutralité… »

III. Abrogation de la subvention

Selon le principe de légalité des décisions administratives, les subventions publiques, une fois votées et adoptées, créent un droit pour le bénéficiaire, sauf si des motifs légaux justifient leur suspension ou suppression.

En effet, l’article L242-1 stipule que « l'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ».
Le président de la région peut donc considérer la suppression de la subvention annuelle versée au ciné-club du lycée Roger Vadim suite à la polémique suscitée par les projections du film « Et Dieu créa la femme ». Il peut pour cela s'appuyer sur l'article L242-4 du Code des relations entre le public et l'administration, qui prévoit : « Sur demande du bénéficiaire de la décision, l'administration peut, selon le cas et sans condition de délai, abroger ou retirer une décision créatrice de droits, même légale, si son retrait ou son abrogation n'est pas susceptible de porter atteinte aux droits des tiers et s'il s'agit de la remplacer par une décision plus favorable au bénéficiaire ».

Le président est donc en mesure d'abroger la subvention sans condition de délai , étant donné que les événements associés au film « Et Dieu créa la femme » ne sont plus alignés avec les objectifs de la politique régionale de soutien culturel et contreviennent aux principes de neutralité et de respect des valeurs éducatives promues par l'établissement.




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