Les différentes formes du contentieux fiscal

Dès lors qu'il existe un litige en matière fiscale entre le contribuable et l'administration, ce sont les règles de procédure fiscale qui s'appliquent avec, en cas de maintien de l'opposition, l'aboutissement à un contentieux fiscal.

Le contentieux fiscal est donc la voie juridictionnelle qui a vocation à apporter une réponse au litige opposant l'administration fiscale et le contribuable. Le contentieux fiscal présente bon nombre de particularités puisqu'il a certaines caractéristiques qui le distinguent d'autres contentieux.

Afin de comprendre l'ensemble des principes régissant le contentieux fiscal, il faut comprendre les différentes formes qu'il peut revêtir.

Le contentieux fiscal peut relever du plein contentieux objectif comme cela a pu être confirmé par le Conseil d'État dans une décision de section du 29 juin 1962, Société des Aciéries de Pompey. Cela a pour conséquence que le juge de l'impôt va recalculer la créance fiscale et va également substituer sa propre décision à celle de l'administration fiscale, c'est en cela que l'on parle de plein contentieux. Cela a diverses conséquences :

- Cette action est davantage in rem que in personam.

- S'il y a un codébiteur solidaire d'une créance fiscale, alors celui-ci va pouvoir faire un plein contentieux fiscal et obtenir la déchéance de l'impôt qui vaudra aussi pour le titulaire principal de la créance.

- Le droit de recours se transmet avec la succession.

Il existe également un recours pour excès de pouvoir en matière fiscale tant contre les actes réglementaires (arrêt du Conseil d'État de 2002, Duvignères) que contre les actes individuels détachables de la procédure d'imposition et à ce titre, il est possible de citer la décision du Conseil d'État de section de 2016, Ministre de l'Économie et des Finances contre société Export Press, relative à un refus de rescrit.

Il existe aussi le contentieux de la responsabilité pour faute de l'administration. Toute faute étant une illégalité, si cette illégalité cause un préjudice au contribuable, alors il peut en obtenir la réparation auprès de l'administration.

Il existe un contentieux du recouvrement, c'est-à-dire un contentieux des voies d'exécution ou encore, pour être plus clair, la manière dont l'administration va obtenir le recouvrement de sa créance.

Il existe enfin un contentieux d'assiette.

Par conséquent, il existe de nombreux contentieux fiscaux.


L'organisation du contentieux fiscal

Le contentieux fiscal est un contentieux doublement dual. En effet, l'on retrouve un dualisme de l'instance ainsi qu'un dualisme juridictionnel. Le contentieux fiscal a donc essentiellement deux phases :

- La phase administrative.

- La phase juridictionnelle.

Nous allons donc développer successivement ces deux points.


- Le dualisme de l'instance : l'obligation de réclamation préalable

Il est impossible pour le contribuable de saisir directement le juge d'une contestation. En effet, celui-ci doit déjà avoir engagé un contentieux auprès de l'administration, l'on parle de Recours Administratif Préalable Obligatoire (= RAPO).

On est donc forcé d'aller voir l'administration pour discuter de son contentieux fiscal. Cette obligation résulte d'une loi de 1927 qui a créé ce RAPO. De nos jours, cette obligation trouve sa source dans les articles L. 190 et R. 190-1 du Livre des Procédures Fiscales (= LPF).

Cette réclamation préalable crée un outil un peu hybride entre l'action purement administrative et un litige juridictionnel. En effet, ce n'est pas un degré de juridiction puisque le tribunal administratif reste le juge de première instance. En outre, la procédure du RAPO n'est pas une procédure contradictoire et la décision rendue par l'administration n'a pas d'autorité de chose jugée. Il y a cependant quelques aspects contentieux qui font que ce n'est pas strictement administratif. À ce titre, nous pouvons notamment citer le fait que l'article R. 199-1 du LPF permet à l'administration fiscale, lorsqu'elle reçoit notre réclamation, de ne pas statuer dessus, mais de directement la transmettre au juge de première instance.


- Le dualisme juridictionnel : les règles de compétence

Il y a deux juges de l'impôt : le juge administratif et le juge judiciaire. Cette dualité de juridiction en matière fiscale trouve son origine au moment de la Révolution française. En effet, il y avait à cette époque une grande méfiance de l'exécutif vis-à-vis de l'autorité judiciaire et donc, par la loi des 16 et 24 août 1790 (à l'article 13), a été fait interdiction aux juges de se mêler des affaires administratives. Dans le même temps, deux lois sont intervenues :

- La loi des 7 et 11 septembre 1790 qui soumet au juge judiciaire les impôts indirects.

- Les litiges en matière de contribution directe sont soumis au juge administratif en vertu de la loi du 28 pluviôse an VIII.

Cette répartition a pu être expliquée par le fait que l'atteinte à la propriété qu'est l'impôt semblerait mieux protégée par le juge judiciaire que le juge administratif.

Aujourd'hui, c'est l'article L. 199 du LPF qui opère le partage. En substance, relève notamment de la compétence du juge administratif les impôts directs (IR, IS) et la TVA. À l'inverse, relève notamment de la compétence des juridictions judiciaires les droits indirects, les droits d'enregistrement et les cotisations sociales. Attention, ces deux listes n'ont pas vocation à l'exhaustivité et il convient donc d'aller lire l'article L. 199 du LPF afin d'avoir une connaissance complète du partage ainsi opéré.

En l'absence de précisions du texte, la jurisprudence se fonde sur la nature intrinsèque de l'impôt. À ce titre, il est possible de citer l'arrêt du Conseil d'État, Sogeparc, de 1978 dans lequel il considère qu'une taxe sur l'électricité est une taxe sur la consommation, car elle est proportionnelle à l'électricité consommée et qu'il s'agit donc d'un impôt indirect et que, par conséquent, c'est le juge judiciaire qui est compétent. Deux décisions du Tribunal des conflits consacrent d'ailleurs cette jurisprudence ultérieurement (décision de 1979, Texier, et décision de 1991, Banque Romande).

Il existe une particularité dans cette répartition, il s'agit de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune (= ISF). En effet, l'ISF est un impôt sur le patrimoine, la richesse, et donc, par principe, est un impôt direct qui devrait, par conséquent, relever de la compétence du juge administratif. Cependant dans les années 1980, tout le monde s'est mis d'accord pour dire que l'ISF était de la compétence des juridictions judiciaires.


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