Dans le cas d'espèce ici jugé et rapporté de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, une patiente enceinte s'est fait suivre par un médecin durant sa grossesse qui est venue à terme le 10 novembre 1991 et est entrée à la clinique pour qu'elle puisse accoucher une semaine plus tard, le 17 novembre 1991.
La patiente a été mise sous surveillance le jour même où elle est entrée en clinique. Elle a par ailleurs fait part d'une anomalie du rythme cardiaque de son enfant à la sage-femme afin que celle-ci prévienne le médecin qui la suit. Or elle a refusé sa demande. Un second contrôle a eu lieu le lendemain matin par le médecin, le 18 novembre 1991, qui a révélé la même anomalie que la veille. À la suite de cet examen de contrôle, le coeur de l'enfant s'est arrêté de battre et à 8h du matin, le médecin a constaté le décès de l'enfant.
Le soir même, il a pratiqué une césarienne afin d'extraire le corps de l'enfant. Une autopsie a d'ailleurs été menée afin de connaître les conditions du décès de cet enfant et celle-ci a révélé qu'il ne présentait aucune malformation, mais est décédé des suites d'une anoxie, qui est une diminution de la quantité d'oxygène distribuée par le sang aux tissus.
La patiente a attaqué le docteur (en responsabilité des conséquences civiles du délit) et la sage-femme (pour le délit d'homicide involontaire sur l'enfant qu'elle portait au moment des faits). Le médecin a été relaxé et la sage-femme rendue coupable d'homicide involontaire ; la patiente interjette appel de la décision rendue par le tribunal correctionnel. Il appartient à la Cour d'appel d'examiner si les éléments constitutifs du délit d'homicide involontaire étaient réunis et de condamner le médecin, le cas échéant à des dommages et intérêts. Le médecin a toutefois été jugé responsable des conséquences civiles du délit dans le cas d'espèce. La Cour d'appel retient que "le décès de l'enfant est la conséquence des imprudences et négligences commises par [le médecin et la sage-femme]". L'arrêt rendu par la Cour d'appel infirme le jugement rendu par le Tribunal correctionnel en date du 19 janvier 2000 : ils sont tous deux responsables de la mort de l'enfant, l'un pour insuffisance de surveillance de la mère, l'autre pour ne pas avoir averti le médecin de l'anomalie cardiaque de l'enfant. Par ailleurs, les juges déclarent que si les fautes qui ont été commises ne l'avaient pas été, l'enfant aurait pu vivre dans la mesure où ce dernier était à terme depuis une semaine et enfin qu'il disposait "d'une humanité distincte de celle de sa mère".
Dans quelle mesure le délit d'homicide involontaire peut-il être constitué concernant les enfants mort-nés ?
La Chambre criminelle de la Cour de cassation par son arrêt rendu le 25 juin 2002 casse et annule la décision de la Cour d'appel de Versailles rendu le 19 janvier 2000 aux motifs que la Cour d'appel a méconnu les articles 319 ancien, 221-6 et 111-4 du Code pénal et que les faits ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale.
Afin de répondre à la question posée, il convient de s'intéresser dans un premier temps à l'application du principe de légalité des délits et des peines (I) et dans un second temps au défaut de qualification pénale (II).
I. L'application du principe de légalité des délits et des peines
A. "La loi est d'interprétation stricte"
B. Décès du foetus : la qualification d'homicide involontaire
II. Le défaut de qualification pénale
A. Le statut juridique du foetus en droit pénal français
B. La portée de la décision
Selon l'article 111-4 du Code pénal, "la loi est d'interprétation stricte" (A). La mort du foetus a entrainé la qualification d'homicide involontaire (B).
L'article 111-4 du Code pénal dispose que "la loi est d'interprétation stricte". Le juge ne peut donc pas sous couvert d'interprétation ajouter des éléments que le législateur n'a pas voulu.
Dans le cas d'espèce, la Cour d'appel a étendu la portée de l'article 221-6 du Code pénal qui n'exclut pas selon elle de son champ d'application l'enfant à naître et viable. La Cour d'appel a disposé dans son arrêt que "[l'enfant] avait la capacité de survivre par lui-même, disposant d'une humanité distincte de celle de sa mère". Cependant, l'enfant à naître et viable n'est pas compris dans le champ d'application de cet article.
Selon la Cour d'appel, l'article 221-6 du Code pénal s'appliquerait donc à l'enfant à naître et viable et donc le fait de causer par imprudence et négligence la mort d'autrui constitue un homicide involontaire. Or, nul ne peut être puni pour un crime ou un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi en vertu de l'article 111-3 du Code pénal. De même, elle a violé l'article 111-4 du Code pénal.
"L'arrêt retient que le décès de l'enfant est la conséquence des imprudences et négligences commises par [le médecin et la sage-femme]".
La sage-femme a été reconnue coupable d'homicide involontaire sur l'enfant de la patiente et le médecin a quant à lui été relaxé par le Tribunal correctionnel, mais demeure responsable des conséquences civiles de ce délit, dans la mesure où il aurait dû intensifier la surveillance de la patiente du fait du dépassement du terme de la grossesse (d'une semaine).
La sage-femme a en effet omis de communiquer au médecin qui suivait la patiente l'anomalie cardiaque dont souffrait l'enfant de celle-ci, anomalie qualifiée de "non équivoque" par la Cour d'appel.
Le Code pénal dispose que la loi est d'interprétation stricte et qu'il n'est pas possible de qualifier d'homicide involontaire le décès d'un enfant mort-né. Il y a donc en l'espèce un défaut de qualification pénale.
Quel est le statut juridique du foetus en droit pénal français? (A) Et, quelle est la portée de la décision rendue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation? (B)
Le foetus en droit français n'est pas considéré comme une personne humaine. Par conséquent, il ne bénéficie pas d'un régime de protection pénale. Ainsi, aucun homicide involontaire ou aucune infraction ne peut être commis contre un foetus.
De ce fait, "le principe de légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination d'homicide involontaire s'applique au cas de l'enfant qui n'est pas né vivant".
Il n'y a donc pas de qualification d'homicide involontaire au tiers, qui par son imprudence, a donné la mort à un enfant conçu. L'article 221-6 du Code pénal ne peut être étendu à la mort d'un enfant in utéro. La Cour de cassation reprend donc un arrêt qu'elle a rendu le 30 juin 1999.
De cet arrêt, deux questions se posent : comment justifier que les problèmes qui surviennent lors d'un accouchement ne soient pas pris en compte lorsqu'ils entraînent la mort de l'enfant in utéro alors qu'ils sont en revanche pris en compte lorsque l'enfant vient au monde avec un handicap ou des séquelles sérieuses ? De même, comment est-il possible d'expliquer qu'un comportement pourtant identique soit impuni dans un cas et pas dans l'autre ?
Ainsi, il est possible de punir un praticien qui commet des erreurs lors d'un accouchement qui entraînent par voie de conséquence la mort de l'enfant né vivant et viable de manière différée. La mort de l'enfant né vivant et viable pourra engager la responsabilité pénale du ou des praticiens qui l'ont emporté.
Pourtant, dans le cas où l'enfant meurt in utéro ou après sa naissance des suites d'imprudence et de négligence du ou des praticiens, les causes de la mort sont bien les mêmes. Ceci découle du principe en droit pénal français de l'interprétation stricte de la loi. La vie de l'enfant en train de naître est-elle par conséquent sans intérêt ?