Définition du contrat d’entreprise
La qualification juridique du contrat d’entreprise est encadrée par le Code civil, à l’article 1710 du Code civil, qui dispose : « Le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles. »
Il s’agit d’un contrat synallagmatique, à exécution successive ou instantanée, selon l’objet de la prestation, qui implique la réalisation d’un ouvrage, matériel ou intellectuel, sans que le prestataire soit subordonné à l’autre partie.
Le contrat d’entreprise figure au titre des contrats dits « spéciaux », et se distingue ainsi du contrat de travail, où l’existence d’un lien de subordination est essentielle, et du contrat de vente, lorsque le prestataire fournit la matière principale.
Le contrat d’entreprise est utilisé dans de nombreux secteurs :
- Construction d’un bâtiment (contrat de construction) ;
- Réalisation de travaux de rénovation ;
- Création d’un site web ou d’un logiciel ;
- Intervention d’un artisan (plombier, électricien, etc.).
Sa diversité explique la nécessité de bien en cerner les contours juridiques, afin de notamment éviter les requalifications ou les contestations.
Les conditions de formation du contrat d’entreprise
Comme n’importe quel contrat, le contrat d’entreprise suppose un consentement libre et éclairé des parties, qui peut être exprimé par écrit, verbalement ou même tacitement, bien que la preuve écrite soit vivement conseillée en cas de litige (article 1359 du Code civil).
Avec la généralisation des contrats électroniques, les contrats d’entreprise peuvent être conclus à distance, via des plateformes ou des outils numériques. L’écrit électronique a la même valeur juridique que l’écrit papier, sous réserve de respecter les conditions des articles 1366 et 1367 du Code civil.
L’objet du contrat doit quant à lui être déterminé ou déterminable (article 1163 du Code civil). Il peut s’agir d’un ouvrage matériel (construction, fabrication) ou immatériel (création intellectuelle, service technique). Cet objet ne doit pas être contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
L’entrepreneur doit pour sa part s’engager à accomplir une tâche définie, de manière autonome, en organisant librement son travail, sans recevoir d’ordres permanents du client. Cette indépendance distingue le contrat d’entreprise du contrat de travail (Cass. soc., 13/111996, n°94-13.187).
Enfin, le prix n’a pas besoin d’être déterminé dès la formation du contrat, mais il doit être déterminable selon des critères objectifs. En pratique, un devis ou une facturation au temps passé permet de sécuriser cette condition (article 1165 du Code civil).
Les effets du contrat d’entreprise
Concernant, d’une part, les obligations de l’entrepreneur, il lui appartient en premier lieu d’exécuter la prestation convenue, et plus particulièrement d’exécuter le travail commandé conformément aux règles de l’art et aux spécifications contractuelles.
A ce titre, il est tenu d’une obligation de résultat dans la majorité des cas, sauf si la nature de la prestation impose une obligation de moyens.
Les délais convenus doivent être respectés, et à défaut, le client peut demander des pénalités de retard, la résolution du contrat ou des dommages-intérêts (article 1231-1 du Code civil).
Enfin, l’entrepreneur est responsable des vices apparents et cachés, ainsi que des désordres affectant l’ouvrage. Il peut être tenu à une garantie décennale, notamment dans le secteur du bâtiment (article 1792 du Code civil).
Pour le maître d’ouvrage, l’obligation principale qui pèse sur lui est de rémunérer l’entrepreneur selon les modalités convenues. En cas de retard de paiement, des intérêts moratoires peuvent être exigés, et l’entrepreneur peut exercer un droit de rétention sur l’ouvrage non payé, sous certaines conditions.
Le maître d’ouvrage a également une obligation de coopération, puisqu’il doit fournir les informations nécessaires, faciliter le travail de l’entrepreneur et valider les étapes intermédiaires. Son comportement ne doit pas empêcher l’exécution de la prestation.
Régime spécifique en cas de défaut ou de litige
En cas d’inexécution ou de mauvaise exécution, les règles générales de la responsabilité contractuelle s’appliquent (articles 1217 et suivants du Code civil). Le client peut obtenir :
- L’exécution forcée
- La résolution du contrat
- La réduction du prix
- Des dommages-intérêts
Chaque partie peut résilier le contrat unilatéralement pour motif légitime, mais une résiliation abusive engage la responsabilité de son auteur. Le client peut également résilier le contrat à tout moment, mais peut dans certains cas être tenu d’indemniser l’entrepreneur pour les frais engagés et le manque à gagner (article 1794 du Code civil).
Par ailleurs, si l’entrepreneur recourt à un sous-traitant, il demeure pleinement responsable vis-à-vis du maître d’ouvrage, et la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 encadre le recours à la sous-traitance et impose certaines formalités (acceptation, agrément, paiement direct, etc.).
Le contrat d’entreprise constitue un outil juridique central dans de nombreuses relations professionnelles. Sa formation doit être rigoureuse, sa rédaction précise, et son exécution conforme aux engagements pris. La jurisprudence, le droit commun des obligations et les règles spécifiques du secteur (notamment dans le BTP) permettent d’encadrer ce contrat et de sécuriser les intérêts des parties. À l’heure de la transformation numérique et de la diversification des formes de prestation, maîtriser les mécanismes du contrat d’entreprise est plus que jamais nécessaire.
Références juridiques :
- Code civil : articles 1162 à 1188, 1217 à 1231-7, 1710 à 1779, 1792 à 1792-6 ;
- Loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;
- Cass. soc., 13 novembre 1996, n°94-13.187 ;
- « Droit des obligations » - Natalie Blanc, Mathias Latina et Denis Mazeaud, LGDJ - 2021