La constitution est l’acte de naissance d’un État, chacun d’entre eux en dispose, peu importe la forme que celle-ci prend au sein de cet État. La plupart du temps, cette dernière réside dans un acte formel et écrit, mais rien n’empêche la présence de coutumes constitutionnelles. Il est donc aisé d’observer que cette notion de constitution revêt diverses réalités juridiques.
En outre, il est important dans le cadre de ce développement de ne pas confondre deux notions pouvant se prêter à une certaine confusion, à savoir : la coutumeconstitutionnelle d’une part, la constitution coutumière d’autre part. En effet, la coutume constitutionnelle se réfère à un domaine en marge, en dehors de l’ensemble des règles écrites. Ces coutumes constitutionnelles se définissent par des séries similaires de faits selon une idée de répétitions dans le temps et qui doivent être respectées. Elles sont en effet considérées comme étant supérieures et doivent alors être respectées comme une règle écrite alors qu’elles peuvent intervenir en marge d’une constitution écrite.
Néanmoins, il convient de noter ici que cette distinction coutume constitutionnelle/constitution coutumière apparaît poreuse. La constitution coutumière renvoie pour sa part à tout cet ensemble de règles qui elles aussi organisent les pouvoirs au sein d’un État, mais ces règles ne se retrouvent pas, ou en tout cas en de rares occasions, au sein d’un texte écrit. Ces règles, enfin, sont dénommées des conventions de la constitution.
La question de savoir si la coutume constitutionnelle peut être une constitution renvoie à la question de savoir ce qui distingue deux catégories de constitutions : les constitutions écrites et les constitutions coutumières. En ce sens, quelle est la valeur juridique d’une telle coutume constitutionnelle dans la pratique du droit constitutionnel en fonction de la nature de la constitution en marge de laquelle elle s’applique ?
La distinction tenant à la nature des constitutions doit être nuancée (I), d’autant plus que des normes coutumières s’appliquent dans les deux cas (II).
I. Une distinction de la nature des constitutions nécessairement nuancée
Si les constitutions coutumières sont aujourd’hui marginales (A) au profit des constitutions écrites (B), une nuance doit être apportée les concernant.
A. La marginalité notable des constitutions coutumières
· Les constitutions coutumières constituent la première forme traditionnelle de constitution. Il en existe peu aujourd’hui, car elles ont été remplacées par les constitutions écrites lors de l’avènement de l’État moderne, dès le XVIIIe siècle.
· Toutefois, le Royaume-Uni fait figure d’exception, car il dispose d’une telle forme de constitution. Toutefois, il faut noter que le droit constitutionnel britannique comprend certains textes régissant certains rapports. Il existe néanmoins dans son arsenal constitutionnel des règles non écrites, de nature coutumière, qui du fait d’une répétition certaine disposent d’une force obligatoire majeure.
· Le cas du Royaume-Uni est cependant marginal en ce que les constitutions écrites sont actuellement majoritaires (B).
B. L’existence majoritaire des constitutions écrites
· Les constitutions écrites constituent la seconde forme traditionnelle de constitution. Celles-ci revêtent des avantages conséquents tenant à leur lisibilité et à leur accessibilité en ce qu’elles sont écrites au sein d’un même texte.
· Ces constitutions, en outre, peuvent être élaborées selon le respect d’un processus plus ou moins démocratique pour que ce texte suprême corresponde à la réalité du temps et de l’espace dans lequel il trouve à s’exercer. Or des applications coutumières peuvent s’y appliquer également. C’est là toute la spécificité du droit constitutionnel qui doit s’adapter en marge du texte constitutionnel fondamental.
Force est donc de constater que cette distinction est nécessairement modérée puisque les unes peuvent contenir des dispositions écrites tandis que les autres peuvent être interprétées et finalement appliquées à l’aune d’une coutume constitutionnelle (II).
II. La coutume constitutionnelle, un rôle inévitable, mais critiquable ?
Le droit constitutionnel n’est pas uniquement irrigué par des textes écrits puisqu’il contient aussi des règles non écrites toutes aussi importantes (A). Cette intervention en marge, voire contre le texte constitutionnel, bien que parfois nécessaire pour pallier certains défauts, apparaît critiquable (B).
A. Une pratique politique à l’origine d’une coutume constitutionnelle
· Une coutume constitutionnelle, une convention de la Constitution (expression tirée des écrits du constitutionnaliste Pierre Avril), renvoie à une règle non écrite, sur laquelle les acteurs politiques s’accordent alors que celle-ci est en dehors des dispositions constitutionnelles écrites. Cette règle est une norme constitutionnelle, mais sa source est purement conventionnelle, non formelle, et sa nature est principalement politique.
· Néanmoins pour exister une telle coutume constitutionnelle doit avoir été répétée, être fondée sur une interprétation de la norme suprême considérée comme étant obligatoire par les acteurs politiques (c’est l’opinio juris), et enfin, elle doit être logiquement basée sur l’esprit des institutions.
· Ces coutumes constitutionnelles sont parfois nécessaires dans la pratique politique et institutionnelle afin de pallier certaines difficultés. Elles sont néanmoins critiquables (B).
B. Des pratiques coutumières nécessaires, mais critiquables
· Un texte bien qu’il soit écrit n’empêche pas qu’il contienne des imperfections, des lacunes ou un certain flou, ce qui nécessite une certaine interprétation de son sens et de sa lettre. Cependant, une telle interprétation peut causer une dissonance entre le texte écrit et son application effective. Cette interprétation réside, plus précisément, dans les usages, les pratiques voire, parfois, une absence d’usages.
· Enfin, la doctrine a évolué sur le rôle de cette coutume constitutionnelle au cours du XXe siècle en France. Il y a la doctrine selon laquelle il existe des coutumes praeter legem et qui interviennent en marge de la constitution et sont interprétatives ou supplétives de celle-ci ; il y a également les coutumes contra legem qui vont à l’encontre des dispositions pourtant claires de la constitution.
· Sa légalité, son existence même, se transforme au fil des époques et des aspirations politiques en présence. Cette coutume constitutionnelle n’est alors pas immuable et est amenée à fluctuer considérablement.
Sources : Pauline Turk, Principes fondamentaux de droit constitutionnel, éd. Gualino, Paris, 2021