S'interroger sur la question de savoir si le Conseil constitutionnel est une juridiction renvoie à la question de sa nature même.
Alors ? Le Conseil constitutionnel est-il une juridiction ? Il est déjà permis de noter qu'il lui manque des éléments constitutifs d'une juridiction...
I. Le Conseil constitutionnel français : ses débuts dans l'histoire constitutionnelle
II. Le Conseil constitutionnel : une juridiction ? Qu'en est-il vraiment ?
III. Le Conseil constitutionnel : un juge créateur ?
I. Le Conseil constitutionnel français : ses débuts dans l'histoire constitutionnelle
Le Conseil constitutionnel fut créé en 1958 et fait l'objet du Titre VII de la Constitution du 4 octobre 1958 instituant la Ve République.
Au départ, le Conseil n'était cantonné qu'à l'arbitrage entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. C'est en ce sens que depuis 1958 jusqu'aux années 1970, le Conseil constitutionnel ne s'intéressait qu'à des conflits de compétences entre ces deux pouvoirs, même s'il s'intéressait à d'autres domaines. Il se penchait donc notamment sur les articles 34 (domaine de la loi) et 37 (domaine du règlement) de la Constitution : il tranchait des conflits de compétence entre le domaine du Gouvernement et le domaine du Législateur. C'est notamment en ce sens que Michel Debré, un des pères de la Constitution encore en vigueur aujourd'hui, avait déclaré qu'il était un chien de garde de l'exécutif.
II. Le Conseil constitutionnel : une juridiction ? Qu'en est-il vraiment ?
L'expression ci-dessus évoquée par Michel Debré montre bien que le pouvoir constituant de 1958 voulait faire du Conseil constitutionnel cet arbitre à « la botte » du pouvoir exécutif. Pour preuve, il suffit de citer la nomination du Président du Conseil constitutionnel par le Président de la République, de même que la place qu'occupent les anciens Présidents de la République en son sein : ils sont membres de droit du Conseil... L'exécutif aurait alors une place importante dans le Conseil. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel n'est-il pas considéré comme étant la curia praesidentis, à savoir : la Cour du Président de la République, à l'image du Conseil d'État qui était connu comme la curia regis, et donc, la Cour du Roi ?
Par ailleurs, la dénomination même de « Conseil » et non pas de « Cour » renvoie à une nature toute particulière du Conseil constitutionnel. Le « Conseil » constitutionnel, une juridiction ? Il n'en est pas sûr.
Si au départ, le Conseil ne s'occupait principalement que des conflits de compétence, de même que des vices de procédure constitutionnelle, depuis 1971 et la très célèbre décision Liberté d'association (n 71-44DC, relative à une loi « complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association »), celui-ci a su s'émanciper par sa jurisprudence de ces deux domaines principaux.
S'il continue à être compétent dans de tels domaines, le Conseil constitutionnel s'est arrogé une nouvelle compétence, notamment dans la protection des libertés publiques, mais aussi dans la défense des droits de l'homme, protections contenues au sein du bloc de constitutionnalité, et donc au sein de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, du Préambule de la Constitution de 1946 et finalement de la Charte de l'environnement.
Cela peut paraître un grand pas dans l'histoire constitutionnelle française et même dans la « relativement courte » histoire constitutionnelle des décisions rendues par le Conseil constitutionnel, pourtant, de 1971 à 1974 cette protection n'était pas garantie dans la mesure où la saisine du Conseil constitutionnel n'était réservée qu'aux autorités qui étaient chargées de l'élaboration de la loi.
Cependant, en 1974, le pouvoir constituant intervient et permet dorénavant à 60 députés ou à 60 sénateurs de pouvoir saisir le Conseil constitutionnel au regard de la constitutionnalité des lois, et donc, concernant des questions qui intéressent le respect de la Constitution, norme supérieure, par la loi, norme inférieure.
Finalement, par une nouvelle révision constitutionnelle intervenue en juillet 2008, le pouvoir constituant a permis la création de l'article 61-1 de la Constitution et le mécanisme de la Question prioritaire de constitutionnalité et qui permet à tout un chacun, justiciable, au cours d'une instance devant une juridiction, de pouvoir saisir le Conseil constitutionnel d'une question relative à la constitutionnalité d'une disposition législative qui porterait atteinte aux droits, mais aussi aux libertés que la Constitution de 1958 garantit. Il ne sera cependant pas directement saisi par les justiciables, mais par un système de filtrage, « sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation ». Si le Conseil constitutionnel participe à la protection des droits et des libertés des particuliers, droits et libertés qui sont garantis par la Constitution, à l'image de la Cour suprême des États-Unis, il n'y participe qu'après un filtrage et un renvoi de la part de la Cour de cassation ou du Conseil d'État.
III. Le Conseil constitutionnel : un juge créateur ?
La nomination des membres du Conseil constitutionnel interroge sur l'impartialité de ces derniers puisqu'ils sont nommés par des responsables politiques, d'autant que certains de ces membres sont issus de la vie politique française.
En outre, les juges en France, lorsque l'on se réfère aux dispositions de l'article 5 du Code civil, ne peuvent pas prendre des arrêts de règlement : ils ne peuvent pas se « prononcer par voie de disposition générale et réglementaire ». Les juges ne sont pas en mesure d'édicter des principes nouveaux puisqu'ils sont tenus d'interpréter et d'appliquer la loi. Pourtant, le Conseil constitutionnel ne crée-t-il pas, par ses différents arrêts, des principes ?
Sources : Agoravox, Conseil constitutionnel
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