La notion de conjoint survivant, bien que d’apparence relativement simple, recouvre dans la pratique nombre de situations bien différentes les unes des autres. Alors à quoi renvoie-t-elle ? Quelles sont ces différentes situations qui feront que le conjoint successible est plus ou moins avantagé sur les autres héritiers de l’époux décédé ? Décryptage.

Qu’est-ce que le conjoint survivant ou conjoint successible ?

Depuis la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant, ce dernier est considéré comme étant un successible. Le conjoint est en vérité un partenaire marié. Ses droits successoraux se superposent aux droits qui appartiennent, eux, à certains héritiers du défunt. En fait, lorsque le conjoint décède, le conjoint survivant dispose de droits successoraux étendus puisque ces derniers priment sur tous ceux dont disposent les grands-parents ou bien des frères ou sœurs du conjoint décédé.
Par conjoint, on entend donc le partenaire marié, vivant et non divorcé. Il dispose de droits légaux au regard du patrimoine du conjoint décédé et ce, même en l’absence de tout testament effectivement rédigé par le défunt. Les partenaires pacsés ou bien encore les concubins ne disposent pas de droits sur le patrimoine du défunt, sauf s’ils sont expressément désignés à cet effet dans un testament.
Il revient à l’article 732 du Code civil de prévoir expressément que le conjoint successible est « le conjoint survivant non divorcé ». Attention ici, le texte poursuit en précisant que pour le cas d’une séparation de corps, « ayant force de chose jugée », alors l’autre époux ne sera pas considéré comme conjoint successible.
Après avoir vu ce qu’est le conjoint survivant, se pose maintenant la question de savoir quels sont ses droits en cas de décès de l’autre conjoint ?

Les droits propres au conjoint survivant

La réponse à cette question de savoir quels sont les droits appartenant au conjoint survivant réside dans le Livre III du Code civil, et plus précisément dans son Titre premier, Chapitre III, Section 2, « Des droits du conjoint successible ».
Lorsque l’autre conjoint décède, le conjoint survivant dispose de droits dans le cadre de la succession du défunt : il y accède soit de manière individuelle, soit il y accède en concours des droits des parents du conjoint décédé.
La situation peut se compliquer s’il existe des enfants ou des descendants du conjoint décédé ou, s’il est dépourvu d’enfants et/ou de descendants, celui-ci laisse derrière lui ses parents. Qu’en est-il ?


1/ Enfants, descendants

Le conjoint survivant et ses enfants se partageront le patrimoine. Toutefois dans quelle proportion exactement le conjoint se partage-t-il la succession avec les enfants ? Ici, le conjoint survivant dispose d’un choix : il peut en effet librement décider de bénéficier individuellement de l’usufruit de l’entièreté des biens qui existent, ou recueillir le quart des biens du conjoint décédé lorsque le ou les enfants sont issus de l’union entre le défunt et le conjoint successible.  

2/ Absence d’enfants, descendants

Si le conjoint décédé n’a pas d’enfants mais laisse derrière lui ses parents et ses frères et/ou ses sœurs, alors en pareil cas le conjoint survivant hérite d’une part de l’héritage du défunt mais, ce faisant il évince les frères et sœurs survivants. Ainsi il partage la succession avec les parents du défunt. De la sorte, chaque parent hérite d’un quart de la succession tandis que le conjoint survivant hérite du reste de la succession. Or si la mère ou le père du conjoint défunt sont eux aussi décédés, alors le conjoint survivant obtiendra la part qui devait revenir à l’un ou à l’autre des parents décédés. S’il n’existe aucun enfant, aucun descendant ou si les parents du défunt sont décédés, alors le conjoint successible disposera de l’intégralité de la succession.
Il est également intéressant de noter que si le conjoint successible dispose de l’option de la propriété ou de l’option de l’usufruit, dès lors qu’il n’a pas exercé cette option et donc dès lors qu’il n’a pas choisi l’un ou l’autre, ses droits sont dits incessibles. S’il n’a pas fait connaitre son option dans un délai de trois mois après y avoir été contraint par tout autre héritier du défunt, alors le conjoint survivant est présumé avoir opté non pas pour la propriété mais avoir opté pour l’usufruit. Il est possible que l’usufruit en question soit finalement converti en rente viagère (cf. Cass, 1ère civ., 09/09/2015, n° 14-15.957).

Quid du droit au logement dont bénéficie le conjoint survivant ?

La situation diffère si les époux étaient mariés et locataires, ou mariés et propriétaires.

1/ Mariés et locataires

Le conjoint survivant peut rester aussi longtemps qu’il le souhaite dans le logement même si le bail fut conclu au seul nom du conjoint décédé. Le conjoint successible pourra demander le remboursement des loyers payés sur la succession.

2/ Mariés et seuls propriétaires

Le conjoint survivant peut vivre à vie dans le logement dont il est également le propriétaire.

3/ Mariés et propriétaires en indivision

Si les deux conjoints étaient propriétaires en indivision, alors le conjoint survivant peut vivre à vie dans le logement.

4/ Mariés mais le conjoint décédé était seul propriétaire

A nouveau le conjoint survivant peut rester à vie dans le logement.

5/ Mariés mais le conjoint décédé était propriétaire en indivision

Ici, le conjoint survivant dispose du droit de vivre dans le logement pendant une année après le décès de son conjoint (par exemple, si le logement était détenu à un tiers par le conjoint décédé, et pour deux tiers par ses frères et/ou sœurs).

En somme le conjoint survivant, ou conjoint successible, dispose de droits étendus puisqu’il est en mesure d’évincer tous les autres héritiers potentiels du conjoint décédé, sauf s’il a des enfants et s’il laisse derrière lui ses parents, ou un de ses parents. Attention toutefois à la situation des droits successoraux et des libéralités qui sont consenties par le conjoint défunt pour le cas particulier d’une famille recomposée. Ici, ces droits dont bénéficient les enfants non communs du couple doivent être rigoureusement respectés (cf. Cass, 1ère civ., 12/01/2022, n° 20-12.232 ; n° 19-25.158 ; n°20-10.091).

Références
https://www.notaires.fr/fr/donation-succession/succession/les-droits-du-conjoint-survivant#:~:text=Le%20conjoint%20survivant%20h%C3%A9rite%20de,leurs%20enfants%20ou%20petits%2Denfants.
https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/conjoint-survivant.php
https://www.ag2rlamondiale.fr/sante-prevoyance/prevoyance/conseil-comment-proteger-mon-conjoint-survivant-en-cas-de-deces#:~:text=Le%20conjoint%2C%20selon%20la%20loi,l%C3%A9gal%20de%20son%20conjoint%20d%C3%A9funt.
https://www.dossierfamilial.com/famille/couple/conjoint-survivant-comment-conserver-votre-logement-346840