On est confronté au problème du dualisme juridictionnel : avoir deux ordres de juridiction n'est pas un problème en soi, à moins que la répartition des compétences entre ces deux ordres soit compliquée, car le requérant ne saura pas quel juge il devra saisir, ce qui porte atteinte à ses droits (le droit au juge). Des règles procédurales particulières visent néanmoins à protéger le justiciable des effets pervers du dualisme juridictionnel.

Trois juridictions différentes déterminent le champ de compétence du juge administratif :

  • Tribunal des conflits
  • Conseil d'Etat
  • Cour de cassation

La multiplicité des juridictions ayant pour mission de déterminer les compétences du juge peut causer des problèmes. En effet, leur jurisprudence n'est pas toujours homogène. Si leurs raisonnements convergent, leurs conclusions peuvent diverger : la CDC et le CE appliquent les critères souvent en faveur de leurs propres compétences.

La répartition des compétences entre les juges administratifs et judiciaires


A) Une répartition donnée par la loi

La détermination des compétences du juge administratif ou du juge judiciaire doit être donnée par la loi et relève donc de la compétence du législateur. Le pouvoir réglementaire est incompétent. (CE Ass 30 mars 1962 ).
Le législateur n'est pas entièrement libre de son choix. La décision du conseil constitutionnel en date du 23 janvier 1987 est essentielle parce qu'elle a déterminé un noyau dur de compétence du juge administratif :
« A l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle. »

Deux critères pour identifier la compétence juridictionnelle du juge administratif par le Conseil constitutionnel, d'après ce considérant de principe :

  • L'acte en cause, qui doit avoir été pris par une personne publique, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique et doit être rattaché à la fonction exécutive.
  • L'objet du recours : Ne sont visés que les recours en annulation ou en réformation, c'est ¬à ¬dire les recours qui visent à supprimer l'acte ou à le modifier.

Le conseil constitutionnel a posé deux exceptions dans sa décision de 1987 :

  • Les matières relevant par nature du juge judiciaire ne relèvent pas du juge administratif ; cela découle du principe de droit français, repris par la Constitution, principe selon lequel "l'autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle et de la propriété privée". Ainsi, dans les domaines qui touchent à la capacité des personnes ou à l'emprisonnement des personnes le juge judiciaire est compétent par nature.
  • Le législateur peut, déroger à la compétence du juge administratif dans l'intérêt de la bonne administration de la justice lorsqu'il est nécessaire selon le lui d'unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé.


B) Une répartition précisée par la jurisprudence

Il peut arriver que la loi reste silencieuse sur la répartition des compétences. Il revient alors au juge de combler ce manque.
3 critères sont donnés par la jurisprudence :

  • Un critère organique (implication ou non d'une personne publique)
  • Un critère de prérogatives de puissance.
  • Un critère de l'activité en cause

Au sujet de la jurisprudence, on peut être certain dans deux types de situation :

  • Lorsque l'on est en présence d'une personne publique qui gère une activité de nature administrative, alors le juge administratif sera compétent.
  • Lorsque l'on est en présence de la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique, alors à nouveau c'est le juge administratif qui sera compétent, quel que soit la personne et l'activité en cause.

A contrario, le juge judiciaire sera compétent dans les autres cas, sous réserve des dispositions prévues par la loi.

Il existe également des cas spécifiques de répartition des compétences :

  • La voie de fait (juge judiciaire)
  • L'emprise irrégulière (juge administratif)


C) Le traitement des questions accessoires

Parfois, il arrive que le juge judiciaire ou administratif soit saisi d'un litige pour lequel il est compétent. Cependant, pour résoudre ce litige, ce juge doit incidemment résoudre une question accessoire dont la résolution relève de la compétence de l'autre ordre juridictionnel.
La question accessoire conditionne l'issue du litige, mais qui n'est pas directement l'objet du litige.

Dans un tel cas, on utilise le mécanisme de la question préjudicielle qui se déroule en trois étapes :

  • Le juge saisi surseoit à statuer.
  • Le juge pose une question à un juge de l'autre ordre juridictionnel.
  • Lorsque la réponse a été donné, le juge tranche le litige.

La question préjudicielle permet d'assurer le respect de la répartition des compétences des juges mais cela peut aller à l'encontre du principe de jugement dans un délai raisonnable.
L'article 1115 du code pénal prévoit une exception en matière de procédure pénale. En effet, "le juge pénal est compétent pour interpréter et pour apprécier la légalité d'une telle décision administrative, que cette décision soit individuelle ou réglementaire".

En matière civile, le juge a très tôt cherché à organiser au mieux la question des accessoires, en témoigne la jurisprudence Setfonds 16 juin 1923. Cette décision donne au juge civil le pouvoir d'interpréter les décisions administratives de nature réglementaire. Cependant, cette compétence est limitée aux actes à portées générales et non aux actes individuels.
La compétence du juge civil a été élargie dans un arrêt du tribunal des conflits en date du 17 octobre 2011 : SCEA Chéneau. Cette décision précise que le juge civil peut apprécier la légalité d'un acte administratif lorsqu'il apparaît manifeste au vu d'une jurisprudence établie que cette décision administrative est illégale.

Cette décision du tribunal des conflits n'est autre que la transposition d'une décision rendue par la CJUE. Il arrive également que soit soulevé devant le juge administratif une question relative à l'interprétation ou à la validité d'un acte de droit privé, ou encore liée à l'état ou à la capacité des personnes physiques ou encore sur l'existence d'un droit de propriété individuel. Le tribunal des conflits dans la décision SCEA Chéneau précise que le juge administratif est compétent lorsque la validité d'un acte de droit privé par rapport au droit de l'UE est mise en cause.