Pendant longtemps, l'administration créait des règles de droit dont elle considérait qu'elle devait respecter le contenu. Le périmètre de ce principe de légalité était alors restreint puisqu'il n'existait pas réellement de règles à même de la contraindre juridiquement. L'évolution réside néanmoins dans la consécration de la loi lors de l'époque révolutionnaire en France.

D'un point de vue strictement sémantique, le principe de légalité renvoie d'abord au respect de la loi en tant qu'expression de la volonté générale. Or la loi ne constitue plus l'unique élément de la légalité actuellement. Le bloc de légalité s'est en effet agrémenté d'autres sources devant elles aussi être respectées par l'administration. Cela dit, le principe de légalité constitue pour l'administration le respect du droit, terme ici considéré dans son ensemble et non uniquement le respect de la loi. C'est par ailleurs dans ce sens particulier que la citation de Georges Vedel prend tout son sens : "[l]e principe de légalité exprime la règle selon laquelle l'administration doit agir conformément au droit." L'administration est par conséquent soumise à toutes les règles juridiques et le principe de légalité se rattache au respect du droit considéré dans son acception générale. Toutefois ce principe étant posé, il connaît certaines limites pratiques, de diverses natures et en fonction de certaines circonstances, mais aussi parfois directement issues de la propre volonté du juge administratif.

Il apparaît intéressant de se demander : comment ce principe de légalité est-il effectivement appliqué par l'administration et en quoi consiste le contrôle juridictionnel qui en découle ?

Si l'administration doit respecter le principe de légalité (I), il n'en demeure pas moins que celui-ci connaît certaines limites (II).

I.                Le nécessaire respect du principe de légalité

La notion de principe de légalité peut se comprendre sous l'égide de deux caractéristiques distinctes : la légalité à son niveau minimal (A), puis la légalité à son niveau plus rigide (B).

A.    La légalité : une notion d'abord minimale

Le principe de légalité peut s'entendre d'un point de vue minimal, c'est-à-dire que la règle édictée par l'administration ne doit pas contrarier ni être incompatible avec une règle de nature supérieure. Ainsi elle doit respecter toutes les règles de droit hiérarchiquement supérieures ; elle doit en respecter la force, mais aussi l'essence.

Par voie de conséquence, lorsque l'administration crée une situation juridique et qu'elle respecte le principe de légalité, elle agit conformément à celui-ci.

B.    La conformité de l'administration par rapport au droit

La légalité comprise d'un point de vue plus rigide renvoie à la conformité de l'administration par rapport au droit lorsqu'elle édicte une règle juridique. Ici seront uniquement considérés comme légaux et donc conformes au droit tous les actes qui y sont conformes.

Plus précisément, ces actes administratifs, peu importe leur forme, sont contraints d'être conformes à la règlementation en vigueur. Il faut donc comprendre ici que le principe de légalité s'inscrit dans une dimension particulière qui régit toute l'activité de l'administration par rapport aux règles de droit supérieures à celle-ci. La méconnaissance desdites règles impératives entraînera nécessairement une condamnation par le juge compétent (il s'agira de l'annulation de l'acte ou bien de l'octroi d'une réparation par les juridictions au profit des destinataires des actes illégaux).

Cela dit, des exceptions au principe de légalité existent. Ces exceptions démontrent alors le caractère non absolu de ce principe ainsi que du contrôle juridictionnel y afférant (II).

II.              Un principe de légalité non absolu pour l'administration

Certaines circonstances sont à même de justifier la méconnaissance du principe de légalité (A). Il est aussi intéressant de relever dans un second temps que le juge, parfois, s'autolimite dans le cadre du contrôle de légalité des actes qu'il est amené à connaître (B).

A.    Certains évènements justifiant la méconnaissance du principe de légalité

Il convient d'abord de noter que certains évènements sont tels qu'ils justifient que l'administration, lorsqu'elle crée du droit, ne soit pas contrainte par le respect du principe de légalité. Ces justifications sont de diverses natures (constitutionnelles, légales ou prétoriennes). En effet, peut être, entre autres, retenu que la Constitution prévoit ainsi une exception en son article 16 : les pleins pouvoirs octroyés au Chef de l'État uniquement en période de crise grave. Il peut prendre certaines décisions qui, en temps normal, ne seraient absolument pas envisageables et le Conseil d'Etat n'est pas compétent pour en connaître (cf. CE, 02/03/1962, Rubin de Servens).

Dans ces différentes circonstances, prévues par les textes ou par la jurisprudence, le juge administratif sera complaisant dans le cadre de son contrôle de légalité du fait de leur nature. Même si la situation n'est pas légale, le juge administratif pourra conclure que l'intervention d'une autorité administrative est légitime (cf. CE, 29/02/1919, Dames Dol et Laurent). Dans certains cas, il existe alors une tolérance prétorienne relative au non-respect du principe de légalité.

B.    Une autolimitation des actes contrôlables par le juge administratif

Si le juge administratif est limité par certaines circonstances dans son contrôle de légalité, il peut aussi par lui-même décider que certains actes ne relèvent pas de sa compétence. Il limite de fait sa compétence pour certains actes qui sont objet de son contrôle juridictionnel ; pour celui-ci, cette limitation est toutefois justifiée par leur nature.

C'est en effet par exemple le cas des actes dits de gouvernement qui renvoient à la notion de raison d'État (inhérents aux seules relations entre les pouvoirs publics ou ceux mettant en question les relations internationales). Il s'agit pour le juge administratif en pareil cas de garantir le respect de la séparation des pouvoirs, principe de nature constitutionnel et prévu à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Une précision s'impose ici : cette incompétence ne peut être vue comme un déni de justice parce que le juge administratif fonde son incompétence sur un texte constitutionnel. En effet, il respecte en vérité le principe de légalité et le principe de l'État de droit, principes hiérarchiquement supérieurs.

 

Sources : Vie publique, La gazette des communes, Camerlex, Revue générale du droit