En se référant à la théorie de la hiérarchie des normes, il est évident que la Constitution est la norme fondamentale suprême qui est toujours supérieure à la loi. (Hans Kelsen 1881-1973). Cependant, ces dispositions précitées révèlent un paradoxe en posant en effet le principe de la supériorité des traités ou des accords internationaux par rapport aux normes internes leur donnant une valeur « supra législative ».

Il serait par-là intéressant de se poser la question : sur quels fondements un traité ou accord international peut-il être supérieur à la loi ?

Ainsi, nous mettons l'accent en premier lieu sur les conditions de la supériorité des traités et accords internationaux sur la loi (I), et dans un deuxième temps, nous ferons le point sur la mise en oeuvre de sa supériorité (II).

 

I- Les conditions de la supériorité des traités et accords internationaux par rapport à la loi

Pour qu'un traité ou un accord international puisse avoir une nature supra législative, il faut une ratification et une publication (A), mais aussi une réciprocité (B).

A-   La condition de la ratification et de la publication

L'article 2 de la convention de Viennes de 1969 définit le traité comme : « un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international, qu'il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière ». C'est la matérialisation de l'objet déterminé sur lequel deux États se sont mis d'accord afin de lui donner une valeur juridique. Lorsqu'il est uniquement signé, le traité ne peut prévaloir à une loi, il faut nécessairement que les États signataires expriment leur consentement à être lié par le traité d'où la ratification. Cette dernière est un acte par lequel l'autorité détenant la compétence tirée de la Constitution pour conclure les traités confirme le texte négocié par ses plénipotentiaires et consent à ce qu'il lui soit obligatoire et s'engage solennellement à l'exécuter au nom de l'État. Il convient de préciser que cette condition est insuffisante pour intégrer le traité dans le corpus normatif interne de l'État.

Pour pouvoir s'intégrer en effet dans l'ordre interne, le traité doit être publié au journal officiel de la République française. Ceci en plus de la ratification est une des conditions nécessaires à son entrée en vigueur dans le droit français. Raison pour laquelle l'article 55 postule : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ».

Cependant, ces deux conditions ne permettent pas de garantir l'applicabilité des traités afin qu'ils aient une valeur supra législative d'après le droit constitutionnel. Pour cela, il est obligatoire qu'il y ait une réciprocité dans l'exécution.

B-   La condition de la réciprocité

Lorsque le traité est valide du fait de sa ratification, la réciprocité intervient comme condition d'application dans l'ordonnancement juridique interne. Elle intervient postérieurement à l'engagement fait par l'État, donc une réciprocité dans l'exécution du traité. Les États signataires doivent en même temps exécuter le traité. Si un traité est signé, ratifié par la France et la Suisse, pour qu'il puisse prévaloir sur une loi interne, il faut que les deux États en même temps l'exécutent. C'est la dernière condition pour garantir l'effectivité de la supériorité du traité devant la loi. En ses termes dans l'article 55 : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie », le législateur français prévoit toutes les exigences permettant au traité d'avoir sa place dans la hiérarchie des normes internes. En lisant le texte précité, on remarque aussi que la France a adopté le monisme. C'est qu'il insère les engagements internationaux dans l'ordre juridique national entre la Constitution et la loi. Par ce fait, les engagements internationaux ne font pas partie du bloc de constitutionnalité qui s'impose au législateur. Ainsi si la loi et le traité portant sur les mêmes domaines sont contradictoires, le traité prévaut.

 

II-  La mise en oeuvre de la supériorité des traités

Nous verrons que cette supériorité des traités sur les lois est applicable au niveau des juridictions (A), mais aussi qu'elle est particulière pour ce qui est des règles du droit communautaire (B)

 A-   La mise en oeuvre devant les juridictions

L'article 55 de la Constitution dispose que : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ». Après avoir respecté les exigences, le traité se voit attribuer une place dans l'ordre juridique interne français. Ainsi, lorsqu'une loi intervient, elle doit obligatoirement être conforme au traité. C'est ce qui amène parfois des problèmes lorsque la loi n'est pas en conformité avec le traité. C'est pourquoi il est institué un contrôle de conventionnalité pour y remédier.

Il appartient donc aux juges d'application de la loi de l'exercer (puisqu'en 1975 le Conseil constitutionnel a déclaré son incompétence). Le juge administratif et le juge judiciaire peuvent, lorsqu'ils sont saisis par des justiciables, contrôler la conformité d'une norme interne aux normes du droit international (arrêt du 24 janvier 1975, Jacques Vabre ; arrêt Nicolo, 20 octobre 1989). Le juge administratif exerce ce contrôle lorsqu'il est saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre un acte administratif. Les traités font partie du bloc de la légalité. Le juge censure un acte administratif qui est contraire à une convention internationale régulièrement insérée au droit interne. Le juge judiciaire qui est saisi d'une affaire peut apprécier la légalité d'un acte administratif. Donc, il s’agit d'un contrôle incident qui survient à la suite d'un procès.

 

B-   La particularité des règles du droit communautaire

L'article 55 de la Constitution française pose le principe de la supériorité des traités sur les lois. Pour ce qui est des règles posées par des organisations communautaires qui sont créées à la base par des traités, elles ont la particularité de s'imposer dans l'ordre juridique interne des États membres de la communauté.

En Europe, la Cour de Justice de l'Union européenne s'est affirmé le principe de primauté générale et absolue. Générale du fait que c'est l'ensemble du droit de l'Union qui prévaut sur le droit national, absolue par ce qu'elle s'impose à l'ensemble des normes juridiques nationales (CJCE, 15 juillet 1964, Flamino Costa contre ENEL).

Ses règles ont la particularité de s'imposer directement dans l'ordre interne des États membres puisqu'elle a institué un ordre juridique propre. Comme la France fait partie de l'Union européenne, ses règles se sont intégrées dans son système juridique et s'imposent à toutes ses juridictions. Ceci est possible du fait uniquement qu'elle a donné une partie de sa compétence et a accepté que les normes correspondantes s'imposent à ses normes juridiques nationales. Pareillement pour les organismes communautaires dont la France s'est intégrée. Les organismes communautaires créent des règles dérivées (directives, règlements…). Ces dernières vont être appliquées au niveau interne par les États qui y sont membres et auront une valeur supérieure aux lois.

Cependant, ils ne pourront pas être appliqués si ces règles sont contradictoires avec la Constitution (CE, 30 octobre 1998, Sarran et Cass. Ass. Plén, Fraisse, 2 juin 2000) parce qu'en principe, les organismes communautaires ont la particularité de respecter la valeur suprême de la Constitution comme prévu par l'article 4-2 du Traité sur l'Union européenne en ces termes : « qu'elle respecte l'égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles ».