Introduction
I) La primauté de la personne humaine
II. Le droit à la vie affirmé, un droit à la mort ?
Conclusion
Depuis de nombreuses années, le progrès technique et scientifique poursuit sa route. Mais dans cette course à la nouvelle découverte chaque jour, il ne faut pas que l'être humain y perde sa place.
C'est dans un mélange de droit protégeant des considérations morales que l'article 16 du Code civil s'inscrit, depuis son introduction par la loi bioéthique de 1994.
Cet article dispose que « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. ». Il s'agit du premier article du Chapitre II du Code : « Du respect du corps humain ».
L'article 16 du Code civil tend à la protection de la personne de l'humain en assurant sa « primauté », tout en assurant l'affirmation du droit à la dignité. Mais cette protection est-elle absolue ?
Il est tout à fait pertinent d'envisager le commentaire de cet article sous l'aspect de cette primauté de la personne humaine qui est affirmée (I), et du droit à la vie face à la problématique apparue d'un droit à la mort (II).
I) La primauté de la personne humaine
L'article 16 dispose expressément que « la loi assure la primauté de la personne humaine ». Il faut comprendre par-là, qu'en toutes circonstances la loi ne doit pas contrevenir à l'intégrité de la personne humaine. Elle doit toujours être placée au-dessus : ceci, « dès le commencement de sa vie ».
Si cet article concerne le respect du corps humain, comme l'intitulé du chapitre le suggère, il tend à aller bien au-delà. Le corps humain est un attribut de la personnalité juridique. Donc, toute personne physique qui a la personnalité juridique sera protégée par la loi. Cela suppose que la personne soit donc née vivante et viable.
C'est ainsi que la jurisprudence a pu être amenée à traiter de la limite de cette protection envers des êtres humains qui n'ont plus la personnalité juridique. Il y a un consensus de la jurisprudence en ce qui concerne le respect de la personne qui est décédée ou qui a subi des « atteintes gravissimes et maximales à la conscience » (CA Bordeaux, 18/04/1991, D.1992. 14, note Gromb). La personne a en effet eu la personnalité juridique à un moment, elle restera donc protégée par la loi après son décès, car elle aura été un sujet de droit. Ceci s'applique tant à son corps qu'à sa mémoire en ce que le respect au droit à la dignité s'appliquera également. Mais alors la défense de ces intérêts se fera notamment par les proches de la victime ou le procureur de la République si l'ordre public est en jeu. C'est une des illustrations de l'étendue et de la force de cette primauté qui poursuit son but après la disparition de la personne.
La primauté affirmée par l'article 16 trouve toute sa puissance dans l'affirmation du droit à la vie qu'il prône, en corrélation avec l'article 2 de la Convention européenne des Droits de l'Homme. Il y a de ce fait une consécration d'un droit de sécurité que doit garantir l'État (CEDH sect. IV, 15 févr. 2011, n 4704/04). La seule tolérance pour qu'il y ait une atteinte au droit à la vie serait pour des critères de « nécessité [les] plus stricte et impérieux » (CEDH 27/09/1995, Mc Cann : Série A. 324 ; JCP 1996. I. 3910, n 11).
Il existe pourtant des limites à ce droit à la vie consacré par la primauté de la personne humaine, notamment la principale question de son corolaire : la possibilité d'un droit à la mort.
II. Le droit à la vie affirmé, un droit à la mort ?
Le droit à la vie est affirmé de manière indéniable et certaine en France par l'interdiction de la peine de mort par exemple (CEDH sect. IV, 02/03/2010, n 61498/08), ou dans le fait qu'il est nécessaire de répondre à des considérations impératives pour qu'une telle atteinte à ce droit soit toléré. C'est ce que consacre la lettre de l'article 16 du Code civil.
Mais dans le cas où le droit à la vie est consacré, quid d'un droit à la mort ? L'article 16 n'y répond pas directement. Cette question peut être envisagée de deux points de vue extrêmes auxquels fait face la jurisprudence en ce qui concerne l'enfant conçu, mais pas encore né, par le droit à l'avortement, et la personne qui souhaite voir sa vie se terminer, mais est dans l'incapacité d'y procéder.
Tout d'abord en ce qui concerne l'enfant à naître. En dehors de toutes considérations morales, il n'est pas vu par le droit en tant que personne. Le droit à la vie ne s'applique donc pas à lui. Tandis que la mère conserve le droit de disposer de son corps et donc d'une forme de droit à la mort sur le foetus par l'IVG. Cette question est fortement délicate. La CEDH a en un sens été frileuse à apporter une réponse en se contentant de ne pas se prononcer sur la question de la qualité de personne de l'enfant à naître (CEDH gr. Ch. 08/07/2004) et en affirmant que la convention qui protège le droit à la vie ne protège par l'embryon (CEDH sect. II, 28/08/2012). Elle laisse la question à l'entière appréciation des États.
Dans le cas de la France, le législateur a opté pour une position modérée en posant des questions par la loi de 1975 pour la pratique d'une IVG.
Il n'y a donc pas de droit à la mort à proprement parler, consacré par le législateur. Ce n'est qu'en vertu de considérations particulières comme la confrontation au droit de disposer de son corps, que ce droit à la vie peut être atteint.
Mais aujourd'hui, cette question du droit à la mort revient en ce qui concerne l'euthanasie. Sur ce point, la position de la CEDH est très explicite et tranchée. L'article 2 « ne saurait être interprété comme conférant un droit diamétralement opposé tel que le droit à mourir ou le droit à l'autodétermination permettant à l'individu de choisir la mort plutôt que la vie » ou d'exiger de l'Etat une assistance dans ce domaine (CEDH 29/04/2002 Pretty c/ Royaume-Uni).
En France, actuellement le droit à la mort n'est pas consacré. Ni par l'article 16 du Code civil ni par un autre texte. Cependant, la loi Léonetti du 2005 avait permis le droit de « laisser mourir », bien qu'au sens strict l'euthanasie reste interdite. Mais depuis quelques années, sous le gouvernement de François Hollande, il était question d'améliorer le cadre législatif de ce droit à la mort. Bien qu'aujourd'hui, aucune loi ne le consacre.
L'article 16 pose un principe d'ordre public de la primauté de la personne humaine et de son droit à la vie. Mais il ne répond pas en lui-même sur l'une des questions qui tourmentent le droit depuis de nombreuses années, sauf à prendre l'absence de cette mention comme la négation faite du droit à la mort. Il y avait jusqu'alors une affirmation claire qu'il n'y avait pas de droit à la mort. Cependant, la question tend à être de nouveau posée aujourd'hui en ce qui concerne le « suicide assisté ». Il est donc pertinent de se demander si le législateur viendra un jour à consacrer ce droit à la mort de manière plus directe, mais en définissant ses conditions précises, comme dans le cadre de l'IVG.
Source : Article 16 du Code civil, Lois bioéthiques de 1994
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