Suite à l'ordonnance portant réforme du droit des obligations du 10 février 2016, cet article s'est vu modifié dans sa numérotation uniquement. La lettre du texte n'ayant pas changé en plus de deux siècles démontre qu'il s'agit là d'une loi qui répond au principe de clarté de la loi à valeur constitutionnelle (Cons. const. n 2001-455 DC, 12 janv. 2002, cons. 9 ; n 2001-451 DC, 27 nov. 2001, cons. 13; n 98-401 DC, 10 juin 1998, cons. 10.).
Ce texte a un objectif de réparation du dommage subi par une personne en engageant la responsabilité civile d'une autre personne. Cette responsabilité se divise en responsabilité civile contractuelle et extracontractuelle. Cette propre responsabilité se divise en responsabilité délictuelle pour faute à l'article 1240 du Code civil et quasi-délictuelle à l'article 1241 du même Code. Il existe encore des responsabilités plus spécifiques du fait d'une chose ou d'une personne dont on a la garde.
Dans quelle mesure la responsabilité de l'article 1240 se distingue-t-elle des autres ?
La mise en oeuvre de l'article 1240 suppose la réunion de conditions cumulatives : un préjudice ou dommage, un lien de causalité et une faute. C'est cette notion de faute qui distingue particulièrement cette responsabilité (I), pour répondre à la même vocation indemnitaire que toute responsabilité civile (II).
I. La notion de faute
II. La vocation inséminatrice de l'article 1240
I. La notion de faute
La responsabilité civile a toujours eu une vocation inséminatrice, contrairement à la responsabilité pénale qui vise la sanction de la violation d'une valeur sociale protégée par la loi pénale. Cela se traduit dans les différentes responsabilités pour le fait d'une chose ou d'une personne dont on a la garde, dans le cas du parent qui paie pour le dommage causé par son enfant par exemple. Il n'y a pas de faute du gardien, pourtant sa responsabilité est engagée. C'est une conception adoptée par la jurisprudence parfaitement compréhensible étant donné que la responsabilité civile a une finalité réparatrice. C'est l'interprétation juridique actuelle de la responsabilité civile.
La particularité de l'article 1240 du Code civil exige pourtant une faute. Cette faute traduit la sanction voulue par le législateur de 1804. Une appréciation subjective de la faute était faite dans une conception moraliste de la responsabilité. Il y avait une expression claire de la sanction du comportement ayant porté atteinte à l'organisation sociale.
Si l'appréciation de la faute a été de plus en plus objective jusqu'à l'être entièrement aujourd'hui, ce développement s'est réalisé en même temps que l'affirmation des autres responsabilités. Cela a abouti à cinq arrêts de la Cour de cassation reconnaissant la faute purement objective (Ass. Plén. 9 mai 1984). Il s'agit aujourd'hui non plus de qualifier un comportement à sanctionner, mais bien « le manquement à une obligation préexistante au dommage », comme Marcel PLANIOL a pu définir la faute (« Traité élémentaire de droit civil »).
Malgré cette vision de la faute objective pour multiplier les possibilités inséminatrices, l'article 1240 pose tout de même une responsabilité subjective puisque c'est la faute de l'auteur du dommage qui conditionne la possibilité de demander réparation. Cet article reprend notamment le principe constitutionnel selon lequel « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (article 4 DDHC). Pour une partie de la doctrine, il existerait de ce fait un devoir général de ne pas nuire à autrui. Cela traduit un domaine vaste de faits pouvant constituer des fautes.
II. La vocation inséminatrice de l'article 1240
La faute a un domaine très large, ce qui permet de rendre l'indemnisation plus simple pour la victime qui doit apporter la preuve de cette faute. Cette vaste conception de la faute développée par la jurisprudence repose sur la formulation le « fait de l'homme ». Cette expression couvre de nombreuses hypothèses : il peut s'agir d'un acte positif, d'une abstention ou d'une omission (arrêt Branly, Civ. 27 février 1951). Pour autant, la faute doit être intentionnelle, puisqu'il s'agit de l'apanage de l'article 1240 du Code civil. Elle est caractérisée dans le cadre d'une activité sportive par exemple. Le joueur engage sa responsabilité envers un autre joueur s'il est établi une violation des règles du jeu (Civ. 2e, 23 septembre 2004). La caractérisation d'une faute par négligence ou imprudence relève de l'article 1241 du Code civil (article 1383 ancien du Code civil). Ainsi, il a pu être jugé qu'une maladresse sans agressivité n'était pas suffisante pour qualifier un manquement aux règles du sport joué (Civ. 2e, 16 novembre 2000).
L'expression la plus évidente d'une faute intentionnelle sanctionnée par l'article 1240 reste l'abus de droit. Le devoir général de ne pas nuire à autrui posé par cette responsabilité et par l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 pose une obligation de ne pas abuser du droit dont on dispose. Cela a notamment été dégagé par une solution de la Cour de cassation quant à l'abus du droit de propriété qui avait été réalisé dans l'arrêt Clément-Bayard.
En conclusion, l'article 1240 présente une responsabilité civile particulière puisqu'elle visait à l'origine la sanction avant l'indemnisation. Cette conception peut encore être retrouvée aujourd'hui de manière secondaire dans le domaine élargi de la faute, qui doit être nécessairement intentionnelle pour que l'article 1240 s'applique. À défaut de ce caractère intentionnel, cela relèvera de la responsabilité civile quasi-délictuelle de l'article 1241 ou des autres responsabilités pleinement objectives.
Sources : Dalloz, Code civil